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De quelles maladies souffrent les Sapeurs-Pompiers ?

De nouveaux papiers ont été publiés concernant la santé des Sapeurs-Pompiers.

De quoi est-il question ?

Nous analyserons ici quelques articles récents concernant la vie professionnelle des Sapeurs-Pompiers : évaluation de la cancérogénicité de l’exposition professionnelle des Sapeur-Pompiers (CIRC Lyon (1), exposition aux perturbateurs endocriniens contenus dans les retardateurs de flamme et marqueurs de l’activité thyroïdienne, (Kemi Ogunsina et al. (2), les douleurs vertébrales chez les Sapeurs-Pompiers (3).

1°) Centre international de Recherche contre le Cancer (CIRC de Lyon) : OMS

Nous avions déjà traité dans ce blog [1] l’exposition des Sapeurs-Pompiers aux substances cancérigènes.

L’agence du cancer de l’OMS (Centre International de recherche contre le cancer = CIRC, Lyon), a réuni en juin 2022, Vingt-cinq scientifiques de 8 pays pour finaliser leur évaluation de la cancérogénicité de l’exposition professionnelle des Sapeurs-Pompiers. Les résultats sont parus dans le revue The Lancet Oncology [2] et mis en ligne par le SNSPPats [3]. Les résultats sont clairs : l’exposition professionnelle présente cinq des dix caractéristiques clés des cancérogènes pour l’homme : « est génotoxique », « induit des altérations épigénétiques », « induit un stress oxydatif », « induit une inflammation chronique » et « module les effets médiés par les récepteurs ». Elle est donc considérée comme cancérogène pour l’homme (groupe 1 = Indications suffisantes de cancérogénicité pour l’homme.)  Le groupe de travail a conclu qu’il y avait des preuves « suffisantes » concernant le mésothéliome (tumeur maligne qui affecte les cellules du mésothélium, membrane protectrice qui recouvre la plupart des organes internes comme la plèvre, le péritoine et le péricarde), ainsi que le cancer de la vessie. Pour le mésothéliome, la forme la plus courante est le cancer de la plèvre. Pour un Sapeur-Pompier, le risque de mésothéliome est 58 % plus élevé que dans la population générale. Preuves suffisantes aussi pour le cancer de la vessie même si l’accroissement du risque n’est que de 16 % mais il est statistiquement indiscutable. Les agents cancérigènes sont les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) et la suie.

Pour les cancers du côlon, de la prostate, des testicules, de thyroïde ainsi que pour le mélanome et le lymphome non hodgkinien les preuves sont limitées.

L’exposition professionnelle des Sapeurs-Pompiers est très complexe : tous n’effectuent pas le même travail qui peut aussi évoluer pendant leur carrière : incendies de structure, de véhicules, de végétation…, rejets de matières dangereuses, effondrement de bâtiments (amiante ?), accidents de la route, feux de laboratoires…

Les substances chimiques auxquelles ils sont exposés sont connues : HAP, composés organiques volatils, métaux (comme le plomb par exemple lors de l’incendie de Notre-Dame), gaz d’échappement diesel, matériaux de construction contenant de l’amiante, produits chimiques contenus dans les mousses anti-incendie (substances perfluorées et polyfluorées – PFAS), retardateurs de flammes (composés polybromés), etc. La contamination peut se faire par inhalation, absorption cutanée ou ingestion.

Même si les EPI sont très utiles, ils ont parfois leurs limites : appareils respiratoires moins souvent portés pendant les feux de forêt, protection insuffisante contre l’absorption cutanée, contaminations secondaires de ceux qui ne sont pas sur le terrain par ceux qui en reviennent, etc.

On a aussi vu dans ce blog [4] que la cagoule des Sapeurs-Pompiers n’était absolument pas efficace dans la protection contre les fumées et les particules fines.

En résumé : l’activité du Sapeur-Pompier le met en contact avec des cancérogènes provoquant des mésothéliomes et des cancers de la vessie.

2°) Kemi Ogunsina,et al [5]., Correlates of positive thyroid peroxidase antibodies among firefighters: A cross-sectional-study, J. Endoc. Soc, 23 août, 2022.

L’étude précédente n’a pas trouvé de corrélations entre le fait d’être Sapeur-Pompier et le risque d’un cancer de la thyroïde. La thyroïde peroxydase ou peroxydase thyroïdienne (TPO) est une enzyme normalement présente dans la glande thyroïde. Elle joue un rôle important dans la production des hormones thyroïdiennes. Elle est assez souvent identifiée comme cible des auto-anticorps (anticorps fabriqués par l’organisme lui-même contre ses propres antigènes), caractéristiques de maladies auto-immunes thyroïdiennes comme la thyroïdite d’Hashimoto.

Si une maladie de la thyroïde a été diagnostiquée chez vous, votre médecin peut vous proposer un test de détection des anticorps anti-TPO et d’autres tests de la thyroïde pour en trouver la cause.

Les anticorps qui attaquent la glande thyroïde provoquent un gonflement de la glande (goître), et une réduction de la fonction de la thyroïde (hypothyroïdie).

Certaines personnes présentant des anticorps anti-TPO peuvent ne pas avoir de maladie thyroïdienne mais leur présence peut être à l’origine de troubles thyroïdiens futurs.

L’exposition aux produits chimiques perturbateurs endocriniens peut être associée à une hypothyroïdie et peut-être à une auto-immunité. On sait que les Sapeur-Pompiers sont exposés aux perturbateurs endocriniens contenus dans les retardateurs de flamme ; cependant, la prévalence et les associations de facteurs de risque des anticorps thyroïdiens chez les Sapeurs-pompiers sont inconnues.

L’étude a examiné 278 pompiers n’ayant pas de diagnostic préalable de maladie thyroïdienne. Ils ont été invités à se soumettre à une enquête de santé. Des échantillons de sang et une échographie de leur thyroïde ont été réalisés.

L’enquête a évalué les caractéristiques sociodémographiques et professionnelles, y compris les antécédents de maladie thyroïdienne familiale, le tabagisme, l’ancienneté dans la profession et leur rang de l’emploi. L’exposition aux rayonnements et les pratiques d’atténuation des expositions professionnelles ont aussi été prises en compte. Les taux d’anticorps sériques de la thyroïde peroxydase a également été mesuré.

Les résultats étaient les suivants :

Les résultats de l’étude confirment que les antécédents familiaux de maladie thyroïdienne sont un facteur de risque majeur chez les Sapeurs-Pompiers. Les auteurs n’ont pas trouvé d’association significative entre les tests positifs et les antécédents de tabagisme ou de l’exposition aux radiations, ni l’emplacement géographique de la caserne de pompiers. De plus, l’âge, le nombre d’années d’emploi en tant que pompier et la mise en pratique de pratiques de prévention, comme le lavage régulier de l’équipement pour réduire les contaminants, n’étaient pas associés à la probabilité d’un test positif chez les pompiers.

Cependant, le fait que la prévalence des anti-TPO semble élevée chez les Sapeurs-Pompiers en général signifie qu’il doit y avoir d’autres facteurs associés à l’augmentation du risque, et qu’il pourrait être nécessaire de les suivre à long terme pour surveiller l’insuffisance thyroïdienne. Les Sapeurs-Pompiers ayant des antécédents familiaux de maladie thyroïdienne pourraient nécessiter un suivi plus fréquent. Des études supplémentaires sont menées pour examiner l’association entre les PBDEs (Polybrominate diphenyl ethers) sériques et les anticorps anti-TPO chez les Sapeurs-Pompiers afin d’aborder ces risques pour la santé dans ce groupe professionnel.

3°)Fiodorenko-Dumas et al [6].  Spine pain in the firefighter profession, Medycyna Pracy, 2018 ;69 : 365-373 

Ce papier est déjà ancien (2018). Les troubles musculo-squelettiques, qui affectent principalement la colonne vertébrale, constituent l’un des principaux problèmes sociaux. Ils sont souvent à l’origine d’absences prolongées au travail. Les auteurs avaient pour but de rechercher dans quelle mesure les Sapeurs-Pompiers pouvaient, comme beaucoup de nos contemporains, souffrir de la colonne vertébrale. Le travail en tant que Sapeur-Pompier est spécifique en raison de l’effort physique, du temps de travail dans des conditions défavorables ou du stress lié aux opérations de sauvetage.

D’autant plus que, en plus de leur EPI, ils sont amenés à porter de lourdes charges (comme des réserves d’oxygène pouvant aller jusqu’à 20 kg). Ils peuvent aussi effectuer des efforts physiques comme monter à l’échelle par exemple, et souvent dans des conditions de chaleur ou d’humidité extrêmes.

Le groupe d’étude comprenait 61 Sapeurs-Pompiers, 60 hommes (98,36%) et 1 femme (1,64%). L’âge des pompiers examinés était compris entre 20 et 56 ans. L’âge moyen des personnes examinées était de 33,77 ans et la durée moyenne de service dans un corps de pompiers était de 9,59 ans.

Les résultats ont montré que la connaissance des principes ergonomiques de levage et de manutention concernant les charges lourdes étaient connues de 84% du groupe, les 16% restants ayant déclaré ignorer ces règles.

L’étude a aussi confirmé le niveau élevé de l’activité physique des Sapeurs-Pompiers.

Il en est aussi ressorti un degré d’invalidité mineur, la dépendance de la douleur par rapport à l’ancienneté des personnes examinées étant, elle aussi, non significative.

En conclusion, les Sapeurs-Pompiers sont des gens sportifs, connaissant bien leur métier quant aux gestes à adopter, à tel point que, ni leur âge, ni le temps passé au service de l’institution n’est source de maux de la colonne vertébrale.  

Conclusion

Trois publications :

            On connaît maintenant 2 cancers reliés à l’activité de Sapeur-Pompier : le mésothéliome et le cancer de la vessie ;

            Les Sapeurs-Pompiers sont plus souvent sujets à une augmentation d’auto-anticorps anti-TPO (hormone thyroïdienne) sources de potentielles maladies thyroïdiennes et d’autant plus qu’ils ont des antécédents familiaux ;

            Les Sapeurs-Pompiers sont des grands sportifs, connaissant leur métier et peu enclins à des douleurs de la colonne vertébrale.

Il est à noter que beaucoup de publications ont pour sujet les EPI des Sapeurs-Pompiers, nous aurons l’occasion d’en reparler.