- Ouvry – Systèmes de protection NRBC - https://ouvry.com -

La décontamination pédiatrique

La société Française de médecine de catastrophe vient d’organiser une session « Enfants et catastrophes » afin de mieux appréhender les problèmes posés par les enfants victimes d’une catastrophe.

Cela nous a donné l’occasion de faire un point bibliographique sur la décontamination pédiatrique que nous vous proposons ici.

 

Vulnérabilités particulières des enfants

 

D’une taille plus petite que celle de l’adulte il est plus exposé aux agents lourds qui se concentrent près du sol (agents chimiques ou agents biologiques) ;

Plus grand rapport surface/masse corporelle donc plus grande absorption relative de toxine ;

Moins de graisse sous cutanée donc plus sensible aux hypothermies ;

Plus grand rythme de ventilation respiratoire donc meilleure absorption des toxines aérosolisées ou gazeuses ;

Moins de réserve de fluide donc plus sensible à la déshydratation en cas de toxines vomitives ou diarrhéique ;

Immaturité du système immunitaire donc plus grande sensibilité aux agents infectieux ;

Immaturité du développement psychique et moteur font que l’enfant ne se soustrait pas facilement aux situations dangereuses ;

L’enfant ne se protège pas spontanément sa face et ses yeux ;

Réactions d’anxiété post-traumatiques menant à des séquelles psychologiques importantes.

 

Décontamination humide

 Déshabillage. Il faut aussi tenir compte de l’âge de l’enfant lors des opérations de déshabillage : entre 8 et 18 ans, les enfants se déshabillent seuls et n’ont pas besoin d’aide pour la douche de décontamination. Entre 2 et 8 ans ils ont généralement besoin d’aide pour les 2 phases et les enfants de moins de 2 ans doivent être déshabillés par du personnel. Prévoir des personnels soignants hommes et femmes, les enfants les plus âgés pouvant être gênés en présence du sexe opposé. Dans la mesure du possible, ne pas séparer les enfants de leur famille sauf si les soins l’exigent. En cas de panique, les enfants sont psychologiquement marqués par la séparation de leurs parents.

 

Douche. Plus l’enfant est jeune, plus le problème est important. Beaucoup d’entre eux ont peur de la douche et résistent au déshabillage. Les parents ne peuvent pas se décontaminer en même temps qu’ils aident leurs enfants. Mais la décontamination en famille est souhaitable alors ils doivent se faire aider par une tierce personne. En état de frayeur, il est possible que l’enfant ne suive pas correctement les instructions.

Leur peau est plus fine et plus perméable et donc elle est plus sensibles aux agents chimiques.La douche se fait idéalement à la température de 36,7°C. Si une température inférieure peut être plus efficace chez l’adulte en provoquant une vasoconstriction qui réduit l’absorption des toxines, elle peut provoquer une hypothermie.

Les nourrissons, surtout lorsqu’ils sont mouillés, sont très difficiles à maintenir sous la douche. Il est souhaitable de les déposer par exemple sur un brancard permettant l’écoulement des fluides. Des matériels spécifiques existent. L’enfant pourra alors être décontaminé par un soignant qui n’aura pas à le porter. Il faudra prendre garde à ce qu’il ne soit pas gêné dans sa respiration (surtout si c’est un nourrisson qui ne tient pas sa tête) et qu’il n’aspire pas d’eau de la douche.

Quant à la pression de l’eau, elle ne doit pas dépasser 413 kPa. La protection des voies respiratoires sous la douche est primordiale. Les enfants incapables de protéger leurs voies respiratoires peuvent être décontaminés avec un spray manuel.

Il faut toujours prévoir une douche manuelle délivrant un grand volume sous une pression réduite qui est mieux adaptée aux enfants et dont ils ont moins peur.

Sécher et emballer l’enfant dans une couverture immédiatement après pour éviter l’hypothermie.

À l’hôpital, un service de pédiatrie les maintient dans un environnement agréable. A leur sortie de l’hôpital, il faut s’assurer qu’ils sont remis aux personnes légalement responsables. S’assurer de leur évolution psychologique.

Les toxines

La peau de l’enfant est plus perméable et possède moins de kératine. Elle a aussi, proportionnellement une surface plus grande par rapport au poids et donc elle absorbera mieux les toxines. Le système immunitaire est encore relativement immature. La décontamination est donc particulièrement importante. Ne pas utiliser de produits alcoolisés ni à base d’eau de javel sinon il y a un risque d’intoxication systémique. De l’eau seule suffit. En cas de produit huileux, on peut utiliser un savon ou un shampoing doux.

Les agents biologiques

Contrairement aux agents chimiques, les agents biologiques nécessitent une énergie considérable pour être ré-aérosolisés à partir d’une peau ou d’un vêtement. Non volatiles et non actifs sur la peau (sauf les rares qui pénètrent la peau saine), la décontamination d’un agent biologique est donc moins critique que celle des produits chimiques. Le déshabillage et un lavage soigneux à l’eau et au savon sont néanmoins nécessaires.

La plupart des agents biologiques sont aérosolisés. Comme les enfants ventilent plus rapidement et sont plus près du sol ils sont donc plus sensibles aux agents biologiques que les adultes, surtout en présence d’agents plus lourds que l’air. Il faudra en tenir compte pour établir le traitement antibiotique spécifique de l’enfant.

La décontamination sèche

Aucune des publications n’aborde ce problème. L’utilisation de la terre de Foulon peut se révéler dangereuses à cause de la ré-aérosolisation de la poudre dangereuse pour les yeux, les narines et la bouche de l’enfant. L’utilisation de la lingette Decpol® [1] peut se révéler comme une alternative intéressante avant la décontamination humide sur la peau après déshabillage (ou même sur les vêtements afin de faciliter le déshabillage). Adapté aux enfants il permet de décontaminer un nourrisson voire un enfant et il ne libère aucune poudre nocive pour les poumons ou les yeux de l’enfant.

 

En ce qui concerne la la prévention, Ouvry fournit une cagoule d’évacuation NH15 [2] de taille XS adaptée aux enfants.

 

Conclusion

Il est rassurant de voir que le problème de la décontamination des enfants soit abordés dans les différentes études et congrès. Leur physiologie particulière les rend particulièrement vulnérables et même si, globalement, les décontaminations reposent sur les mêmes principes, des protocoles particuliers doivent être appliqués. Rappelons que lors de l’effondrement des tours jumelles de New York le premier patient du « New York Veterans Administration Medical Center » était un bambin de 5 mois recouvert de cendres grises. Cet hôpital n’a pas de service de pédiatrie. Néanmoins il était pourvu d’un minimum de matériel adapté aux enfants et le personnel avait suivi des formations pédiatriques spécifiques c’est pourquoi  l’enfant et sa mère allaitante ont été pris en charge et soignés sans aucune difficultés.

 

Bibliographie

Heon, GL Foltin, Principles of pediatric decontamination, Clin Ped Emerg Med, 2009, 10, 186-194

CW Freyberg, B. Arquilla, BS Fertel, MG Tunik, A. Cooper, D. Heon, SA. Kohlhoff, KI. Uraneck, GL Foltin. Disaster preparedness: Hospital decontamination and the pediatric patient- Guidelines for hospitals and emergency planners. Prehosp and Disast med, 2008, 23, 166-173

Henretig, TJ Cieslak. Bioterrorism and pediatric emergency medicine. Clin Ped Emerg Med, 2001, 2, 211-222

Committee on environmental health and committee on infectious diseases. Chemical-biological terrorism and its impact on children. Pediatrics, 2006, 118, 12671278

Timm, S. Reeves  A mass casualty incident involving children and chemical decontamination. Disast Manag & Resp, 2007, 49-55

Scalzo, KL Lehman-Huskamp, GA Sinks, WJ Keenan. Disaster preparedness and toxic exposures in children. Clin Ped Emerg Med, 2008, 4760