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L’amélioration du microbiome intestinal des combattants

Un article récent nous montre que des chercheurs américains s’intéressent au microbiome intestinal des combattants afin d’améliorer leurs performances en mission.

Microbiomes et microbiotes

Le microbiome est le lieu où se développe un ensemble complexe de micro-organismes appelé microbiote. Chez l’homme on distinguera les microbiomes du nez/bouche/pharynx, de la peau, des poumons, du système digestif et du vagin. Par extension, le microbiome désignera l’ensemble des génomes constituant le  microbiote.

          Le microbiome intestinal

Il est composé d’un écosystème complexe (microbiote) composé de 1012 à 1014 c’est à dire entre 1 000 et 100 000 milliards de micro-organismes, soit 2 à 10 fois plus que le nombre de cellules qui constituent notre corps.

Dans tous les microbiomes humains on a mis en évidence plus de 1 000 espèces différentes dont seulement 1/3 d’entre elles sont communes à tous les humains, les 2/3 restants étant spécifiques de l’individu. Le poids total de ces micro-organismes est de 2 kilogrammes.

Chaque individu possèderait environ 160 espèces dont une vingtaine appartiennent au socle commun de l’homme où elles sont responsables des fonctions de base du microbiome. Chaque individu possède son propre microbiote intestinal qui le caractérise.

Les micro-organismes sont des bactéries, des levures, des parasites et des virus : il vivent en symbiose entre eux et avec l’organisme auquel ils appartiennent.

Anciennement, lorsqu’il s’agissait d’isoler et d’identifier les différentes espèces appartenant à « la flore intestinale » on ne pouvait cultiver qu’une très petite minorité de ces espèces. Les nouvelles techniques de séquençage à haut débit nous ont permis d’identifier un très grand nombre de micro-organismes et ainsi de mieux comprendre les interactions complexes qui s’établissent entre eux et avec l’hôte.

 

Fig. 1 Le microbiome intestinal

          Rôles du microbiote intestinal

On sait désormais que le microbiote joue un rôle dans les fonctions digestive, métabolique, immunitaire et neurologique.

               La digestion

Le microbiote participe directement à la digestion en fermentant des résidus non digestibles et en synthétisant les vitamines K, B12, B8.

               Rôle immunitaire

Il participe aussi au fonctionnement du système immunitaire intestinal : par exemple, Escherichia coli lutte contre l’installation de bactéries pathogènes en interdisant leur fixation au niveau de l’intestin et en libérant des substances toxiques comme les bactériocines.

Les bactéries à Gram négatif contenues dans le microbiote possèdent des lipopolysaccharides (LPS) qui provoquent une réaction locale des macrophages intestinaux se traduisant par une inflammation locale et qui entraîne la production de cytokines. Ces dernières provoquent alors une augmentation de la perméabilité de la paroi intestinale. Les LPS quittent alors l’intestin pour déclencher une éventuelle réaction inflammatoire plus large au niveau d’autres tissus.

               Rôle dans le cancer et dans les traitements anticancereux

Un certain nombre de données permet en effet d’affirmer que certaines tumeurs sont liées à la présence de micro-organismes précis dans le microbiote, ou encore à l’occasion d’une dysbiose (déséquilibre du microbiote) au niveau intestinal. En revanche, le microbiote est capable d’intervenir en synergie avec certains médicament anticancéreux en augmentant la réponse immunitaire.

               Le deuxième cerveau

Deux cent millions de neurones assurent la motricité intestinale mais, plus de 80 % d’entre eux véhiculent de l’information de l’intestin au cerveau : c’est pourquoi on dit souvent que le système nerveux entérique est le deuxième cerveau ! De nombreuses pistes tendraient à montrer que ce système pourrait intervenir dans des maladies neuropsychiatriques comme l’autisme, la schizophrénie, l’anxiété et la dépression ou les troubles bipolaires.

     Les pistes thérapeutiques pour modifier la composition du microbiote ?

Les maladies déclenchées ou entretenues par une dysbiose pourraient être soignées par plusieurs thérapeutiques différentes : l’alimentation (apport de fibres), le traitement antibiotique dirigé contre les bactéries néfastes, les probiotiques (micro-organismes vivants bénéfiques), les prébiotiques (compléments alimentaires nécessaires à la croissance des bactéries intestinales) ou les 2, la transplantation fécale consistant à implanter un microbiote normal chez un patient malade (cette technique est utilisée avec succès dans le traitement des infections à Clostridium difficile).

Fig. 2 Les différents rôles du microbiome intestinal

Les combattants

     Les infections entériques

Le personnel militaire déployé dans les différentes régions du monde et en particulier dans les pays en développement souffre souvent de maladies gastro-intestinales dues à l’exposition à des bactéries environnementales qui s’installent dans l’intestin où elles causent une dysbiose.

Les infections entériques aiguës et les maladies diarrhéiques – aussi connues sous le nom de maladies non liées aux combats – touchent environ 30 % des combattants pendant leur déploiement dans des régions où il y a un manque d’hygiène et une alimentation contaminée. Elles entraînent une perte de jours de travail, une diminution du rendement et des coûts des soins de santé.

     Utilisation d’anticorps

L’une des parades est l’administration au soldat d’anticorps à réactions croisées permettant de neutraliser les protéines toxiques des bactéries non commensales créant ainsi une sorte de bouclier à l’intérieur de l’intestin.

     La vaccination

Il a été montré que des vaccins peuvent aussi avoir une grande utilité, spécialement les vaccins contre Campylobacter et E. coli enterotoxinogènes.

     L’impact du microbiome sur l’efficacité des vaccins

Il a été clairement démontré qu’il y a un lien étroit entre la composition du microbiome et l’efficacité de certains vaccins. Par exemple, une plus grande abondance relative des Firmicutes est associée à des réponses humorales plus élevées aux vaccins oraux. Autre exemple, la flagelline, une protéine bactérienne abondamment présente dans l’intestin, est nécessaire pour stimuler la production d’anticorps antiviraux suite à la vaccination contre la grippe. Il est évident que le microbiome et la réponse immunitaire humorale se développent en parallèle

Le ministère de la défense américain reconnaît l’importance de ces rapports et s’intéresse de près à la mise au point de vaccins à haute efficacité agissant en synergie avec le microbiome afin de protéger le personnel militaire contre les agents pathogènes à risque élevé.

     Les facteurs de stress chez les militaires et la composition microbienne

Il a été montré qu’une exposition prolongée au stress physiologique entraîne des changements dans la composition du microbiome et une perméabilité intestinale accrue chez les jeunes adultes. L’augmentation de la perméabilité intestinale peut être reliée au développement de maladies cardiovasculaires, de troubles psychiatriques, de maladies auto-immunes, de maladies intestinales inflammatoires et de nombreuses autres complications.

Heureusement, le microbiome peut être modifié à l’aide d’un régime riche en fibres pour renforcer la résilience face aux facteurs de stress militaires comme le manque de sommeil, l’exposition à des conditions environnementales extrêmes et une activité physique prolongée. Le régime alimentaire fera l’objet des futures études de l’armée américaine concernant l’inflammation, l’immunité innée et la perméabilité de l’intestin.

 

Conclusion

Le microbiome intestinal est une entité dynamique très complexe intervenant dans de multiples aspects de la physiologie humaine dont l’influence sur l’efficacité de certains vaccins. Une mauvaise santé intestinale est intimement liée à une multitude d’états pathologiques, comme les infections entériques et la perméabilité intestinale, qui peuvent avoir un impact considérable sur la santé et la performance des combattants. La consommation régulière de probiotiques et de prébiotiques nutritionnels à effets synergiques peut aider à atténuer les conséquences pour la santé associées aux facteurs de stress militaires, bien que des travaux supplémentaires soient nécessaires pour établir l’efficacité de cette approche. À l’avenir, la biologie synthétique et le génie génétique pourraient fournir un nouveau moyen de manipuler le microbiote intestinal et de faire progresser les efforts pour améliorer la santé des combattants sur le champ de bataille et en dehors.

 

Bibliographie

  1. E Giesler, J.M. Saindon ? Engineering the gut microbiome to optimize warfighter performance. Spotlight, June 2019.

https://www.inserm.fr/information-en-sante/dossiers-information/microbiote-intestinal-flore-intestinale [1]

https://www.frm.org/recherches-autres-maladies/microbiote-intestinal/focus-microbiote-intestinal#definition [2]