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Le confinement et Adrien Proust (1834-1903)

  Par François NR Renaud, conseiller scientifique  

À l’heure ou le confinement fait débat, j’aimerais vous parler  d’Adrien Proust ? L’histoire est ainsi faite qu’Adrien Proust est certainement moins connu que son fils Marcel (« à la recherche du temps perdu »), voire même que son épouse Jeanne Proust, mère aimante qui a joué un rôle primordial dans l’accomplissement littéraire de son fils.  

Mais alors, pourquoi parler d’Adrien Proust ?

Adrien Proust

Géographe des épidémies

     Ce jeune médecin soutient sa thèse en 1862, et il est subitement confronté en 1866 à la quatrième pandémie de choléra. Il soigne un très grand nombre de malades et décide alors de se consacrer à la lutte contre les maladies contagieuses. D’août à décembre 1869, il est envoyé en mission en Russie et en Perse pour essayer de comprendre comment se transmettent les épidémies. Il écrit alors un essai sur l’hygiène internationale, ses applications contre la peste, la fièvre jaune et le choléra asiatique, [avec une carte indiquant la marche des épidémies de choléra], G. Masson (Paris), 1873.

Il voyage beaucoup en Perse et en Égypte afin de tracer la route des nouvelles épidémies. Il recense les foyers de peste notamment, et s’intéresse particulièrement à la propagation des maladies infectieuses pendant le pèlerinage à la Mecque. En 1877 il publie son « traité d’hygiène publique et privée ».

L’hygiéniste

     Neurologue de formation, il se spécialise en hygiène vers l’âge de 40 ans. Il est nommée inspecteur général des services sanitaires internationaux de 1874 à 1903. En effet, persuadé que l’hygiène réduit la propagation des maladies infectieuses, il compte sur cette science pour servir d’outil lors des réunions internationale chargées d’empêcher les épidémies. Il y représente la France et est souvent en opposition avec les Anglais qui dominent alors le commerce maritime mondial et dont il sait bien que ce sont leurs navires qui propagent le choléra, la fièvre jaune et la peste.  Il voulait imposer aux Britanniques et aux Ottomans un véritable contrôle sanitaire que tous refusaient pour ne pas freiner le commerce qui reposait très largement sur la route des Indes. Les différents états peinent à penser collectivement la lutte contre l’épidémie, tant les intérêts commerciaux de chaque pays semblent primer.

Il a aussi beaucoup travaillé sur l’hygiène dans les transports maritimes.

     Il prône la vie au grand air, le soleil, la ventilation des appartements et une nourriture saine et équilibrée. Nul n’est prophète en sa maison puisque son fils Marcel vit la nuit, enfermé, les rideaux tirés sur des fenêtres closes et se nourrit principalement de croissants. Il appliquait scrupuleusement les conseils de sa mère qui lui conseillait de s’enfermer dans sa chambre et de se couvrir pour guérir de son asthme. Terrorisé par les microbes, il faisait désinfecter son courrier au formol avant de le lire.

     Adrien Proust se vantait, avec juste raison d’ailleurs, de n’avoir jamais contracté de maladie grâce à 2 comportements : il gardait ses distances avec ses patients (distanciation sociale ou physique) et il se lavait les mains et le visage après chacune de ses consultations. On se souvient que Louis Pasteur ne serrait jamais la main de ses invités et lorsqu’il y était obligé, il se les lavait systématiquement.

La notion de « cordon sanitaire »

     Tout le monde connaît les conséquences dramatiques du non-respect du navire « Le Grand Saint Antoine » qui n’a pas respecté les règles de la « quarantaine » normalement obligatoires en 1720 alors qu’il rentrait d’Orient, chargé d’étoffes et au bord duquel il y avait eu des cas de peste. Il y eut 30 000 et 40 000 décès sur 80 000 à 90 000 habitants, puis dans toute la Provence, entre 90 000 et 120 000 victimes sur une population de 400 000 habitants environ.

     En 1821, la France ferme sa frontière avec l’Espagne pour empêcher une épidémie de fièvre jaune qui sévit à Barcelone de franchir les Pyrénées. On a alors employé le terme de « cordon sanitaire » même si l’objectif premier était d’empêcher le passage d’idées libérales de l’Espagne constitutionnelle vers la France de Louis XVIII !

     Dans la « Table décénale du Bulletin des lois [1] » on peut lire pour l’année 1822 “Ordre de repousser de vive force tout navire, tout individu, qui tenterait de franchir un cordon sanitaire”. On voit à nouveau apparaître la notion de « cordon sanitaire ». C’est Adrien Proust qui a théorisé et accentué cette notion de cordon sanitaire quelques décennies plus tard. En 1874, lors d’une conférence à Vienne, il défend l’idée d’un cordon sanitaire destiné à protéger la France grâce à un chapelet de lazarets désormais réservés aux malades déclarés.

On connaît les lazarets depuis le XVe siècle. Ils étaient des établissements ou l’on effectuait le contrôle sanitaire, puis la mise en quarantaine des passagers, équipages et marchandises en provenance de ports où sévissait la peste. D’abord établis dans les ports, Venise, Gêne…, leur construction s’est généralisée aux autres grandes villes, Milan, Berlin… Adrien Proust a bien étudié les lazarets du Frioul à Marseille et pour lesquels il a fait un rapport [2] complet.

Il était partisan du confinement systématique, « une séquestration rigoureuse, l’interruption des communications par terre ou par mer ont réussi à préserver certains lieux ou certains pays »

Adrien Proust qui avait bien étudié les phénomènes épidémiques soutenait que les quarantaines « près du point de départ de la maladie » sont « d’une utilité incontestable » mais que prescrites trop tard elles sont « d’une efficacité douteuse et même peuvent devenir nuisibles ». Ce n’est pas pour rien que l’OMS, le 30 janvier 2020, conseillait aux États de « détecter rapidement la maladie, isoler et traiter les cas, rechercher les contacts et réduire les contacts sociaux », quand il était encore temps…

Ses autres combats

Il défend la création d’un droit sanitaire international et d’un office international d’hygiène publique

Il contribue à la loi relative à la protection de la santé publique, portée par le gouvernement Pierre Waldeck-Rousseau et votée en 1902. Ses principes rencontrent l’opposition de sénateurs qui voient une atteinte aux libertés.

 Il ne connaitra pas, en 1907 soit 4 ans après sa disparition, la création de « l’Office International d’Hygiène publique » (OIHP) créé à Rome. 

L’OIHP est à sa création composé de 13 nations, sa langue officielle est le français et son siège à Paris. Elle a pour fonction d’assurer la surveillance et la lutte de la peste, du choléra et de la fièvre jaune. Après plusieurs évolutions, elle donnera en 1948 naissance à l’Organisation Mondiale de la santé (l’OMS).

Conclusion

Adrien Proust avait déjà mis le doigt sur le dilemme « privilégier l’économie globalisée ou la santé ? » Cette dualité est toujours très présente pendant cette crise du coronavirus ! et les conséquences du choix de l’économie ont été très visibles : Grande Bretagne à son début, États Unis…

Comme nous avons déjà eu l’occasion de le dire :

      on sait depuis la peste de Mandchourie que le port du masque peut à lui seul arrêter les infections transmissibles par les sécrétions bronchiques (peste pulmonaire, grippe…) ;

     on sait qu’un confinement rapide et strict empêche la maladie de progresser.

Alors pourquoi vouloir toujours ré-inventer la roue ?

Bibilographie

Quand le père de Marcel Proust inventait le « cordon sanitaire » [3]

Les lazarets et l’émergence de nouvelles maladies pestilentielles au XIXe et au début du XXe siècle. Pierre-Louis Laget https://doi.org/10.4000/insitu.1225 [4]

Adrien Proust, l’homme qui voulait confiner tout le monde [5]

Epidémie : les leçons oubliées du professeur Adrien Proust [6]

Adrien Proust : wikipédia [7]