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Le Sarin

Nous venons d’apprendre que 7 ex-membres de la secte Aum qui avaient participé a l’attaque au gaz sarin à Tokyo en mars 1995, condamnés à mort venaient d’être exécutés ce matin du 6 juillet 2018.

Cela nous permet de revenir sur cet attentat dramatique et de faire le point sur le gaz Sarin et son utilisation.

La secte Aum Shinrikyō

La secte Aum Shinrikyō dont le nom signifie Vérité suprême d’Aum a été créée en 1984 par Shōkō Asahara et c’est en 1987 que ce simple atelier de yoga obtient le statut d’organisme religieux avec le soutien officiel du 14è dalaï-lama, appui que ce dernier a regretté estimant avoir été dupé.

L’idéologie est un mélange pour le moins étrange de bouddhisme, d’hindouisme, d’apocalyptisme chrétien et de New Age ! Le mouvement est bien décidé à provoquer un « Armageddon », c’est à dire l’ultime combat entre les forces du bien et du mal lors du jugement dernier (Apocalypse 16:16), au cours duquel, seuls les adeptes de la secte survivraient à ce combat.

Pour « encourager » les donations et punir les personnes qui s’opposent à la secte, des assassinats et enlèvements sont régulièrement pratiqués. Afin de justifier ces crimes, le gourou développe le concept de « poa », c’est-à-dire que le meurtre est légitime s’il empêche la victime de commettre un acte qui lui attirerait un mauvais Karma. En résumé, les membres de la secte pouvaient tuer n’importe qui !

Pendant les séances de Yoga, les fidèles atteignaient l' »expérience divine » avec l’aide d’amphétamines et de LSD ! Le groupe a compté jusqu’à 10 000 membres au Japon et 35 000 en Russie.

Les actes criminels de la secte

 – le bioterrorisme

En avril 1990, 3 véhicules répandent de la toxine botulinique dans les rues vers le parlement japonais à Tokyo, vers la base navale militaire américaine de Yokosuka et à l’aéroport international de Narita. La souche de Clostridium botulinum trop faiblement virulente utilisée pour isoler la toxine, une quantité insuffisante et de mauvais systèmes d’épandage ont été responsables de l’échec de l’attaque. En 1992, le gourou lui-même essaye de se procurer du virus Ebola lors d’une mission « humanitaire » au Zaïre. En 1993, une autre tentative de dissémination de toxine botulinique a été perpétrée contre des dignitaires étrangers venus au Japon à l’occaion du mariage du prince Naruhito. La même année une souche de Bacillus anthracis est disséminée du haut d’une tour d’immeuble et de plusieurs véhicules : la souche vaccinale utilisée était bien évidemment trop peu pathogène pour être efficace ! Tous ces évènements n’ont été connus qu’en 1995.

     – le gaz sarin

En 1994, un laboratoire consacré à la fabrication de produits chimiques de guerre a été mis en place par la secte. Plusieurs personnalités ont été la cible de produits tels que le sarin, le phosgène et le VX.

Le premier attentat à grande échelle au gaz sarin a eu lieu en 1994 dans la ville de Matsumoto qui s’était opposée à la secte et il fit 8 morts et 200 blessés.

Le 28 février 1995, le frère d’un adepte en fuite est enlevé et tué. Les auteurs sont identifiés comme appartenant à la secte Aum et le 18 mars la secte est prévenue d’une action policière imminente ce qui précipita l’avènement d’Armageddon et l’attentat au gaz sarin dans le métro de Tokyo [1] qui fit 11 morts et plus de 5 500 blessés que nous avons déjà relaté dans ce blog. En 1995, 50 tonnes de sarin étaient retrouvées dans une chapelle abandonnée.

Les responsables

Quelques 190 membres de la secte ont été condamnés à diverses sentences. La première peine capitale a été prononcée en septembre 1999. Celle de Shōkō Asahara (de son vrai nom Chizuo Matsumoto) a été confirmée en 2006. Le gourou a été exécuté par pendaison ce vendredi 6 juillet 2018 avec 6 autres condamnés. Six autres attendent encore dans le couloir de la mort.

Le Sarin

Caractéristiques

Le sarin a été mis au point en 1939 dans les laboratoires de l’IF Farben (vallée de la Ruhr). Les inventeurs Gerhard Schrader, Ambros, Rüdiger et Van der Linde lui ont donné son nom.

Le gaz sarin appartient à la famille des organophosphorés [2] qui comprend les agents G (pour Germany) = GA Tabun, GB Sarin, GD Soman et les agents V (pour Venomous), VX et VR. Ce sont des molécules neurotoxiques [3].

 Formule du Sarin

 

A température ambiante, il est incolore, inodore et liquide. Il s’évapore rapidement sous la forme d’un nuage incolore et inodore également. Il est considéré comme un agent très létal et peu persistant. Il est soluble dans l’eau et dans la plupart des liquides biologiques.

Symptômes

En cas de contact avec le sarin, les symptômes sont les suivants : sécrétion surabondante de salive, (hypersialorrhée), difficultés respiratoires, (dyspnée), pupilles contractées (myosis), nausées, vomissements, incontinence, perte de conscience et coma. La mort intervient par asphyxie après une période de convulsion. Les caractères différentiels reconnu par le toxidrome [4] se caractérise par des contractions musculaires, une grande faiblesse, ou de paralysies et une augmentation des sécrétions.

Mode d’action

Tous les agents neurotoxiques agissent en inhibant l’acétylcholinestérase provoquant une accumulation d’acétylcoline au niveau des synapses. La crise cholinergique qui s’ensuit provoque une hyperstimulation des organes donnant les symptômes précédemment décrits.

Le traitement classique consiste à injecter de l’atropine qui bloque les récepteurs de l’acétylcholine, ou des antagonistes de l’acétycholine et de la pralidoxime qui réactive l’acétylcholinestérase. Des anticonvulsifs à base de benzodiazépines sont aussi utilisés.

Les différentes utilisations

À partir de 1950 l’Union soviétique et les États-Unis en produisent de quantités importantes.

Le 16 mars 1988, l’armée irakienne massacre 5000 civils à Halabja (Kurdistan Irakien). Les armes chimiques étaient du cyanure, de l’ypérite et des gaz neurotoxiques dont du sarin.

1983-1988. L’Irak a utilisé à plusieurs reprises des gaz de combat dont du sarin contre l’Iran pendant la guerre Irak-Iran

En 1991, au cours de l’insurrection irakienne faisant suite à la débâcle de l’armée irakienne à l’issue de la guerre du Golfe, des hélicoptères irakiens bombardent massivement les régions Najaf et Kerbala avec de 10 à 32 bombes au sarin.

En 1994 et 1995 la secte Aum répand le gaz à Matsumoto et dans le métro de Tokyo (voir ci-dessus).

En 2004, un engin explosif chargé au sarin explose au cours d’un attentat pendant la guerre d’Irak.

En 2013 des échantillons analysés par le centre d’études du Bouchet de la DGA montre que du gaz sarin a fait des victimes dans la région de Jobar en Syrie.

L’armée syrienne est responsable d’une attaque au Sarin au cours d’un bombardement sur la banlieue est de Damas le 21 aout 2013. Elle aurait fait entre 100 et 1 300 morts.

En avril 2017, plus de 80 personnes sont décédées à la suite d’une attaque au sarin à Khan Cheikhoun (Syrie), au cours de la guerre civile syrienne. La responsabilité semble être imputable au régime de Bachar al-Assad qui nie farouchement les faits.

Le 7 avril 2018, le régime syrien est encore accusé d’avoir visé des civils dans une attaque au Sarin le 7 avril à Douma (Ghouta) qui provoqua un véritable massacre. L’utilisation simultanée de chlore était destinée à masquer la présence de Sarin. Une riposte des États-Unis et de la France par l’envoi de plusieurs missiles à détruit l’aéroport militaire syrien de Tiyas situé entre Homs et Palmyre.

 

La CIAC

La convention internationale pour l’interdiction des armes chimiques a été ouverte à la signature à Paris en 1993. Elle est entrée en vigueur en 1997.

Les pays se sont engagés à détruire tout leur arsenal et l’OIAC, Organisation pour l’interdiction des armes chimiques est chargée de l’inspection et la destruction des armes chimiques.

Malgré cet accord, il est difficile d’imaginer que toute menace d’ordre chimique est écartée.