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Les EPI NRBCe : derniers développements

A l’occasion du « CBRNE protection symposium 2022 » qui va se tenir à Malmö, il nous a semblé utile de redonner les grands principes sur lesquels reposent les textiles de protection contre les risques Nucléaires, Radiologiques, Biologiques et Chimiques (NRBCe [1]) et de voir comment ces textiles sont en train d’évoluer.

De quoi est-il question ?

La libération de gaz sarin dans le métro de Tokyo [2] en 1995 a été la première attaque à grande échelle par un groupe terroriste utilisant une arme toxique chimique.  En 2001, c’est une attaque par un agent biologique, de la poudre de spores de Bacillus anthracis (anthrax), qui a été perpétrée par l’envoi de courriers à des autorités administratives [3] américaines. La menace terroriste existe et il faut en tenir le plus grand compte. Nous avons déjà parlé dans ce blog de l’utilisation de l’arme chimique en temps de guerre, [4] cette menace étatique est toujours bien réelle et ce ne sont pas les derniers développements de la guerre en Ukraine [5] qui nous démentira…

De plus, la protection contre les TICs [6], (toxiques industriels et chimiques), nécessite, elle aussi, des vêtements de protection spécifiques.

Les personnels combattants et les premiers secours doivent donc s’équiper d’EPI chargés de les protéger dans leur mission.

Les matériaux d’habillement sont aujourd’hui couramment utilisés comme équipement de protection individuelle, et ils sont classés comme « textiles techniques ou industriels ». En outre, les textiles de protection d’aujourd’hui doivent protéger contre un large éventail de dangers tout en répondant à un grand nombre de besoins fonctionnels : un bon vêtement de protection doit offrir une protection contre les risques tout en préservant le confort de l’utilisateur et sa capacité à accomplir ses tâches vitales.

Quels sont les agents NRBC ?

Les mécanismes de la protection NRBC

L’EPI comprend une protection de l’ensemble de l’individu (généralement une combinaison) et une protection respiratoire (masque).

Les équipements doivent empêcher la pénétration de matières dangereuses grâce à diverses techniques : créer une barrière imperméable entre l’agent et l’individu, filtrer, adsorber ou réagir avec les matières dangereuses pour les éliminer, maintenir l’air contaminé loin des points d’entrée en utilisant la surpression ou le flux d’air directionnel.

Matériaux de barrières

Les vêtements NRBC fabriqués en caoutchouc imperméable empêchent l’absorption des produits toxiques et sont imperméables à l’air et à la vapeur d’eau. L’ancienne combinaison soviétique, par exemple, était faite de toile imperméable recouverte de caoutchouc.

Fig 1 : ancienne combinaison soviétique en caoutchouc

Cependant, ce type de combinaison génère rapidement beaucoup de chaleur et est inconfortable ; elles réduisent également les performances humaines à un niveau très bas, ce qui est incompatible avec la plupart des missions militaires. Les combinaisons en caoutchouc n’ont aucune capacité d’adsorption ; elles ne sont que des barrières imperméables aux dangers NRBC. Ces vêtements étaient censés offrir une protection suffisante contre les agents de guerre chimique, mais, parce qu’ils sont imperméables et aussi en raison de la transpiration, ils constituent une barrière inacceptable pour les processus de refroidissement naturels du corps humain. De ces équipements ne subsistent à l’heure actuelle que des bottes [7] et des gants [8] en caoutchouc butyle.

Par conséquent, l’une des caractéristiques les plus importantes d’une combinaison de protection fonctionnelle est qu’elle doit permettre un refroidissement approprié du corps, ce qui est indispensable. En raison de leur porosité ouverte, ces matériaux doivent être perméables à l’air, pour faciliter l’évacuation de la transpiration.

Matériau à perméabilité sélective

Le matériau à perméabilité sélective laisse passer les petites molécules, tout en bloquant les plus grosses molécules toxiques. Il possède de bonnes caractéristiques de protection et peut résister aux produits chimiques dangereux tels que les liquides, les gaz, les aérosols et les solides de poids moléculaire élevé. En outre, les matériaux à perméabilité sélective présentent une bonne perméabilité à l’humidité et un bon confort au porté, ce qui en fait un excellent candidat pour les combinaisons de protection perméables.

Bien que ces matériaux conviennent à la protection contre les agents biologiques et radioactifs, ils ne sont pas nécessairement adaptés à une protection NRBC totale car ils ne sont pas imperméables à la perméation chimique ou à la vapeur.

Des barrières microporeuses comme le film PTFE super-expansé (polytétrafluoroéthylène, ePTFE) ont été mises au point par la société GORE. Un film PTFE coulé est étiré à un taux élevé mais sans changer ses dimensions extérieures. Des millions de pores se forment dans la structure au lieu de se rétrécir ou de s’amincir lors de l’étirage. Le matériau PTFEe est hydrophobe par nature et possède l’une des énergies de surface les plus faibles de tous les matériaux connus. La vapeur d’eau, en revanche, peut facilement s’écouler à travers les pores, alors que l’eau liquide ne le peut pas.

Fig 2 : textile à perméabilité sélective

Technologie de l’adsorption au charbon actif

La principale méthode de protection contre les vapeurs d’agents est le charbon actif capable d’adsorber les agents de guerre chimique. Pour se protéger des liquides, on utilise du charbon actif et des matériaux barrières (voir figure 3), et les vêtements sont souvent dotés de propriétés hydrofuges. Lorsque ces vêtements de protection sont exposés à de l’air contaminé, les gaz toxiques transportés par le flux sont adsorbés par la couche unique de charbon actif, laissant l’air purifié circuler librement à travers le vêtement de protection, assurant ainsi une ventilation suffisante pour le porteur.

Pour la protection NRBC, deux couches protectrices distinctes, une couche de membrane sélective sur une couche de carbone actif, peuvent être couplées. L’avantage de cette combinaison est que toute vapeur qui parvient à pénétrer dans le système, soit par perméation, soit par les interfaces, est absorbée par la couche intérieure de carbone actif, et le matériau dans son ensemble résiste à la pénétration des liquides.

Fig 3 : adsorption sur charbon actif – vêtements de protection NRBC
 

De nouveaux matériaux, de nouvelles technologies ont amélioré ce système de base dans un souci de haute performance, de multifonctionnalité, de légèreté et de confort.

La Polycombi [9] de chez Ouvry est basée sur ce modèle : combinaison filtrante protègeant contre les agents NRBC sous forme liquide, vapeur et aérosol pendant 12h. Extrêmement légère et ergonomique, elle apporte  à l’utilisateur un confort et une protection optimale.  Elle permet une évacuation rapide de la chaleur, et diminue ainsi les risques de coup de chaleur. Elle est certifiée CE EPI de catégorie III : type 4, 5 et 6.

Matériaux multifonctionnels à base de nanofibres

Des matériaux multifonctionnels à base de nanofibres (électrofilées par exemple) peuvent être incorporés dans des systèmes de vêtements de protection. En raison de la taille minuscule des pores et de la grande surface des nanofibres, les membranes en nanofibres ont une grande efficacité de filtration des aérosols, une bonne perméabilité à l’air, une faible densité de surface et une faible perte de pression. Les équipements de protection à base de nanofibres peuvent être légers tout en offrant une large gamme de capacités et pourraient conduire à un nouveau type de vêtements de protection.

Les tissus électrofilés autodétoxifiants pourraient constituer un nouveau type de textile conçu pour se prémunir contre les agents de guerre chimiques et biologiques. Les produits chimiques fonctionnels tels que la cyclodextrine, l’acide iodobenzoïque, les polyoxométalates, les peroxydes, les oximes et les chloramines pourraient améliorer considérablement les performances de détoxification. Cela ouvre de nouvelles possibilités pour le développement de systèmes avancés capables de se prémunir contre les menaces chimiques et biologiques. Les vêtements de protection électrofilés sont encore en cours de développement et leur production commerciale présente certaines contraintes.

Fig 4 : Nanofibres électrofilées

D’autre part, les nanoparticules d’oxyde métallique, telles que MgO, CaO, ZnO, TiO2, Al2 O3, MnO2, Fe2O3, présentent des capacités à dégrader les agents chimiques mais, leur fixation pérenne sur le tissu est un problème encore difficile à résoudre.

Technologie de seconde peau intelligente

Ces membranes intelligentes encore en développement sont dites « commutables ». Elles ferment leurs pores en réaction à des substances chimiques, mais restent ouvertes en l’absence de contact.

Fig 5 : Schéma de la seconde peau. Publication N°4

Il y a actuellement trois stratégies pour les mettre au point :

Les nanotubes de carbone peuvent accélérer efficacement le transfert de molécules de gaz ou de liquide en raison de leur structure intrinsèque unique en forme de cavité, de leurs nanocanaux monodispersés et de leurs propriétés de transport, ce qui permet d’espérer la fabrication de vêtements de protection ultra-légers et super-respirants extrêmement fins.

La première stratégie consiste à intégrer des nanotubes de carbone alignés dans les membranes hautement respirantes qui constituent une barrière efficace contre les menaces biologiques et une fine couche fonctionnelle sensible greffée ou enduite à la surface de la membrane. Soit elle ferme l’entrée des pores des nanotubes de carbone alignés verticalement au contact d’un agent de guerre chimique, soit elle s’auto-exfolie dans la région des polluants après neutralisation de la menace.

En fermant l’entrée des pores ou en éliminant la couche de surface contaminée, le tissu se met en mode de protection.

La deuxième méthode consiste à créer une membrane en copolymère intégrant une enzyme. Ces membranes se dilatent et se referment lorsqu’elles sont exposées à des agents chimiques, à la suite d’une réaction enzymatique avec l’agent chimique, protégeant ainsi les combattants qui portent le vêtement.

Une troisième méthode consiste à recouvrir les tissus existants d’éléments conducteurs d’électricité. Lorsqu’il est soumis à un petit courant électrique, ce revêtement réagit en scellant le tissu contre toute pénétration. En quelques secondes, les pores se ferment, formant une barrière protectrice qui peut durer jusqu’à 24 heures. Un courant différent peut soit ouvrir la membrane, soit la maintenir fermée.

Matériaux à cadre métallo-organique

Les cadres métallo-organiques (MOF) sont des solides cristallins poreux composés d’unités ou de clusters d’ions métalliques liés entre eux par des ponts organiques maintenus ensemble par de fortes liaisons de coordination. En raison de leur excellente adsorption, de leur réactivité et de leur capacité catalytique vis-à-vis des agents chimiques de guerre, les MOF ont été identifiés comme l’un des matériaux les plus importants pour la détection et la détoxification des agents chimiques de guerre.

Techniques d’autoréparation des microcapsules

Les mécanismes d’autoréparation des microcapsules contribuent à l’établissement d’une bonne barrière physique contre les agents chimiques mortels, les bactéries et les virus. Cette technologie associe de nouvelles techniques de fermeture des interstices à des microcapsules cicatrisantes qui s’activent lorsqu’elles sont déchirées, permettant ainsi de réparer les coupures et les perforations. La couche autoréparable contient des composés réactifs qui neutralisent les menaces nuisibles, telles que les produits chimiques mortels, tout en reformant la barrière physique contre les bactéries et les virus.

Fig 6 :Des microcapsules – ici pulvérisées sur un tissu de l’armée – sont en cours de développement pour permettre aux vêtements de protection chimique et biologique de se réparer eux-mêmes lorsqu’ils sont perforés ou déchirés. Photo publication N°5

Conclusion

La menace NRBC est toujours bien présente mais la recherche sur les textiles techniques avance rapidement pour mettre au point des tenues protectrices toujours plus efficaces en terme de protection et en terme de confort.

Bibliographie

1_M.A.R. Bhuiyan, L. Wang,  R. A. Shanks and J. Ding , Advances and applications of chemical protective clothing system, J. Indus. Textile, 2019, Vol. 49, 97–138. DOI: 10.1177/1528083718779426

2_ Md. Khalilur Rahman Khan, CBRN Personal Protective Clothing, Kohan Textile Journal (2021), https://kohantextilejournal.com/category/all/technical-textile/ [10]

3_ X. ZHAO, B. LIU, Permeable Protective Suit: Status Quo and Latest Research Progress, Materials Reports  2018, Vol. 32  Issue (17): 3083-3089, http://www.mater-rep.com/EN/10.11896/j.issn.1005-023X.2018.17.022     

4_ A Second Skin for the First Layer of Defense [11]

5_ U.S. Army Investigates Self-Healing Protective Clothing [12]