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L’histoire des masques médicaux : pourquoi sommes-nous passés du masque réutilisable au masque jetable ? Était-ce le bon choix ?

De quoi est-il question ?

La pandémie de Covid-19 semble s’apaiser. Pour nous scientifiques, elle a été révélatrice d’un très grand nombre d’enseignements :  comment appréhender un tel virus émergent ?

Quel ont été le rôle des chaînes d’informations en continue et de leurs lobbies, le rôle des  « experts », le rôle du conseil scientifique, le rôle de la haute autorité de santé, le rôle de l’OMS ?

Plus grave, nous avons assisté à un déchirement du monde médical entre les dogmatiques ne jurant que par les tests en double aveugle (bien souvent liés aux grands laboratoires pharmaceutiques) et les pragmatiques souvent des médecins de ville qui suivaient de près l’état de leurs patients en leur administrant leur propre traitement.

Un autre fait historique dont nous scientifiques, avions déjà conscience avant l’épidémie mais qui est apparu au grand jour : le peu de confiance à accorder parfois aux études paraissant dans les grands journaux scientifiques.   Et oui, nous sommes peut-être en train d’assister à la chute d’un très grand éditeur du domaine médical « The Lancet ».

Mais ce sont aussi les stratégies de la prévention qui sont questionnables avec la controverse concernant le port du masque entraînant une mauvaise stratégie dictée à l’évidence par le manque de masques. Pour réparer l’erreur, ce sont des milliards de masques qui ont été fabriqués (dont la majeure partie à l’étranger), masques chirurgicaux et FFP2 en non tissé : mais, comment en est-on venu à faire faire tous ces masques en « plastique » ? Un rappel historique s’impose…

L’invention du masque dans le domaine de la santé

Les premiers masques sont apparus lors de la grande peste noire du Moyen-Âge Les médecins de la peste portaient alors une grande tunique en cuir, des gants, des bottes, un chapeau et un masque en forme de bec d’oiseau. Ce grand nez contenait des herbes aromatiques. On comprend mieux maintenant pourquoi ce vêtement protégeait réellement le médecin : le cuir éloigne les puces dont on sait qu’elles sont vectrices de la maladie et les herbes du nez, apparemment disposées là pour masquer les odeurs des cadavres ont des propriétés antiseptiques, neutralisant ainsi les bactéries passant directement d’un individu à l’autre dans la phase pulmonaire de la maladie.

Plus près de nous, Pasteur montra que les maladies pouvaient avoir une origine microbienne, puis le chirurgien britannique Joseph Lister (1827-1912) mit au point en 1867 une méthode antiseptique par projection de phénol sur la plaie ouverte d’un patient pour empêcher la surinfection.  En 1897, Johann Mikulicz et Carl Flügge, lequel venait juste de montrer que les postillons étaient remplis de microbes pathogènes, travaillaient à l’hôpital de Breslau (Wroclaw) en Pologne. Ils eurent l’idée, plutôt que de traiter les germes qui se déposent sur la plaie, peut-être est-il préférable de les empêcher d’atteindre le champ opératoire par le port d’un masque qu’ils décrivent comme étant un morceau de gaze noué par 2 cordes au calot et qui couvre le nez, la bouche et… la barbe.  Le masque chirurgical était né.

Le masque protège aussi le porteur contre l’infection

Le port d’un masque « antipeste  [2]» pendant l’épidémie en Mantchourie en 1910-1911 a sauvé la vie à de nombreux médecins auquel il était destiné dans un premier temps pour être ensuite étendu aux patients eux-mêmes puis à toute la population : la prophylaxie par le port du masque était née et elle a été reproduite pendant la grande grippe espagnole de 1918. Il a été prouvé que le port du masque obligatoire à San Francisco pendant cette épidémie est à l’origine de la diminution très importante des décès. Et vous savez quoi ? A l’époque son utilisation était déjà très controversée !

Dorénavant, au-delà la protection dans la salle d’opération, le masque protège son porteur contre l’infection.

Le masque poursuit son développement

Composé généralement de couches de coton avec parfois une couche extérieure complémentaire imperméable aux gouttelettes, le masque se développe en mélangeant les propriétés antibactéries, antipoussières et antigaz.  De nombreux brevets furent déposés. Dans tous les cas, il est lavable et parfois stérilisable.

Le grand changement : 1930-1960

Dès 1930 les masques médicaux commencent à être remplacés par du papier jetable puis, en 1960 on voit apparaître les masques en fibre synthétique non tissées à usage unique. Certains d’entre eux ont une forme plus adaptée au visage et permettent de filtrer non seulement l’air sortant mais aussi l’air entrant (masques FFP). Mais, bien évidemment, perdant leurs capacités de filtration à la stérilisation, ils font partie du nouveau système hospitalier du « tout jetable » avec les seringues, les aiguilles et beaucoup d’autres matériels. Moins de coûts de main d’œuvre, moins de gestion de matériel et… développement d’industries spécialisées dans ce domaine.

Ces sociétés très puissantes et très agressives ont inondé les milieux médicaux et paramédicaux de publicités vantant les mérites du tout jetable.

D’une manière habile, les études sponsorisées par ces grandes firmes ont exclu des tests comparatifs les masques en tissu, la dernière parue en 1975 montrait néanmoins qu’un masque de 4 couches de mousseline de coton présentait des propriétés filtrantes supérieures aux masques en non tissé à condition que son design permette une fuite au niveau du visage minimale. De plus, certains masques en tissu voient leurs propriétés filtrantes augmenter avec le lavage qui provoque un resserrement des fibres. À l’heure actuelle, aucun masque textile n’étant commercialement disponible, aucune comparaison avec les masques en matière synthétique n’est possible à l’exception de masques « fait-maison » dont on laisse adroitement entendre qu’ils pourraient être potentiellement dangereux !

Il est vrai que les masques « grand-public » qui se sont développés pendant l’épidémie de Covid-19, peuvent redonner un nouvel élan aux masques réutilisables, à condition qu’ils répondent à des exigences clairement définies, à la fois pour la matière mais aussi pour la forme et l’adaptation au visage. Les informations sur les supports et les tutos laissaient parfois à désirer ! Une réflexion plus approfondie dans une période post-Covid permettra à chacun de se munir d’un moyen de protection personnel fiable et réutilisable. 

Le jetable ou le non-jetable ?

Les industriels du masque jetable ont amené les hôpitaux à penser qu’il était préférable de stocker du jetable plutôt que de gérer du réutilisable. On leur avait d’ailleurs fait comprendre que les masques en tissu pouvaient être dangereux mais, dans la littérature scientifique, aucune publication ne rapporte de problèmes d’hygiène avec les masques réutilisables.

Le stockage a donc été choisi avec tous les déboires apparus lors de cette crise : en 2010 après la menace de la grippe A,  la France stockait  2 milliards de masques dont la gestion a été pour le moins catastrophique : entre les dates de péremption dépassées qui ont obligé les autorités à retester les lots apparemment convenables, la destruction d’un grand nombre de lots devenus inactifs ou tout simplement moisis et la disparition d’autres lots, il n’en restait plus que 150 millions au début de la crise Covid-19.

De plus, tout récemment, nous découvrons que les masques jetables ont un impact écologique épouvantable : on les retrouve partout dans les rues des villes, dans les forêts, dans les lacs et finalement… dans la mer ! Ils représentent non seulement un danger sanitaire mais aussi un danger écologique. La durée de leur dégradation a été estimée à 400 ans… La crise sanitaire pourra donc être suivie d’une crise environnementale.

Alors que faire ?

Bien sûr, ces masques en non tissé peuvent toujours avoir un rôle dans certaines situations hospitalières grâce à leurs spécificités propres mais leur généralisation à la population entière est pour le moins déraisonnable.

À côté des masques faciaux composés d’une pièce unique filtrante en tissu tenue par des élastiques ou des cordons, on peut aussi développer de vrais masques composés d’une part d’une jupe en matière synthétique lavable, désinfectable et réutilisable sur de grandes périodes, et d’autre part d’un filtre réutilisable ou non réutilisable, dont la taille, la masse et l’encombrement sont très inférieurs à ceux d’un filtre d’un masque FFP. Ces masques FMP [3], écologiquement responsables, peuvent représenter une solution au « tout jetable ». On pourra prendre connaissance avec profit des caractéristiques du masque OCOV [4], de type FMP, qui va tout à fait dans le sens d’un produit efficace, réutilisable et d’une empreinte écologique faible.

Conclusion

Il est maintenant acquis que le port du masque est à la base même de la protection contre les maladies respiratoires (gestes barrières).

Il semble que les masques jetables ne soient plus appropriés pour la protection des populations que ce soit à cause de stocks difficiles à maîtriser que à cause de l’impact écologique très négatif pour la planète. L’ère du tout plastique et du tout jetable ne doit pas faire partie du « nouveau monde » après Covid-19.

Les masques filtrants en tissu réutilisable ou les masques type FMP avec jupe et filtre représentent, à n’en pas douter, une alternative raisonnable.

Bibliographie

The Art of medicine. A history of the medical mas and the rise of throwaway culture. Published online May 22, 2019.

L’élimination des masques réutilisables est un choix historique discutable. Patricia Joly, Le Monde 25 mai 2020.