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NRBCe : les attentats terroristes à l’arme chimique

De quoi est-il question ?

 

La base de données sur le terrorisme mondial (GTD) (US Department  of homeland security) documente plus de 200.000 attaques terroristes internationales et nationales qui ont eu lieu dans le monde entier de 1970 à 2019. En donnant des détails sur les différents aspects de chaque attaque, la base de données GTD fait connaître aux analystes, aux décideurs politiques, aux universitaires et aux journalistes les schémas du terrorisme.

La collecte de données est permanente et des mises à jour sont publiées chaque année

J’ai isolé de cette base les évènements impliquant les produits chimiques pour en analyser les principales caractéristiques.

Mais attention, le document original qui se présente sous la forme d’un tableau Excel de 201.183 lignes et 45 colonnes a été simplifié à l’extrême afin d’en tirer des résultats pédagogiques. Il est bien évident que l’analyse fine de tels résultats est extrêmement complexe et que je ne m’y aventurerai pas, d’autant plus qu’au fil des années, certaines données nouvelles ont été introduites et donc inexistantes dans les bilans des années précédentes.

Les quelques conclusions tirées ici l’ont été grâce à de ce j’appelle souvent un « raisonnement incorrect mais qui donne à penser ».

Je vous présente donc ce qui est une étude purement descriptive (et personnelle !)

 

Qu’est-ce qu’un acte terroriste selon le GTD ?

Définition

Le GTD définit une attaque terroriste comme étant l’utilisation, menacée ou effective, de la force et de la violence illégales, par un acteur non étatique pour atteindre un objectif politique, économique, religieux ou social, par la peur, la coercition ou l’intimidation.

L’incident doit être intentionnel, le résultat d’un calcul conscient de la part de l’auteur.

L’incident doit impliquer un certain niveau de violence ou une menace immédiate de violence – y compris la violence contre les biens, ainsi que la violence contre les personnes.

Les auteurs des incidents doivent être des acteurs infranationaux. La base de données n’inclut pas les actes de terrorisme d’État.

Les différents critères

Critère 1 – L’acte peut être à visée politique, économique, religieuse ou sociale.

L’acte violent doit viser à atteindre un objectif politique, économique, religieux ou social. Ce critère n’est pas rempli dans les cas où l’auteur ou les auteurs ont agi dans un but purement lucratif ou pour des motifs personnels sans rapport avec l’évolution générale de la société.

Critère 2 – L’acte a pour intention de contraindre, d’intimider ou de faire connaître sa cause auprès d’un public plus large que les victimes immédiates. Des preuves peuvent inclure, sans s’y limiter, des déclarations avant ou après l’attaque par le ou les auteurs, un comportement passé des auteurs, ou la nature particulière de la cible, de l’arme ou du type d’attaque.

Critère 3 – L’acte concerne le droit humanitaire international extérieur. L’action se situe en dehors du contexte des activités de guerre légitimes, dans la mesure où elle vise des non-combattants.

Les différents actes terroristes

Les actes terroristes sont classés par

Types d’armes 

– Biologique, chimique, radiologique, nucléaire, armes à feu, explosifs, armes fictives, sans armes (objets contondant, poings, couteaux…), véhicule, sabotage, autre, inconnu ;

Types d’attaques       

– Assassinat, détournement (avion, bus…), enlèvement, barricade, bombardement/explosion, attaque armée, attaque non armée, attaque des infrastructures, inconnu ;

Types de cibles

– Entreprises, gouvernement, police, militaires, tout ce qui est lié à l’avortement, aéroports/avions, diplomates, milieu enseignant, nourriture et eau, journalistes et média, activités maritimes, organisations non gouvernementales, lieux publics, religion, télécommunications, informateurs, touristes, moyens de transports autres que l’aviation, installations comme les usines électriques, gazoducs, groupes politiques violents…

L’arme chimique

Le but de cette étude est de nous pencher plus spécifiquement sur les évènements ou le type d’arme était « chimique ».

Fréquence

Pendant les 49 ans il s’est produit 201.183 évènements au total soit environ 4.000 par an ou 340 par mois.  Pendant ce même temps, les armes chimiques ont été utilisées 344 fois soit environ 7 fois par an. Je rappelle ici que par définition, les évènements terroristes sont le fait d’acteurs « non étatiques », l’emploi de l’arme chimique stricto sensu par les états n’est donc pas comptabilisée ici.

Sur la totalité des actes terroristes, l’utilisation de produits chimiques ne représente donc qu’environ 0,17 %.

À titre de comparaison, les explosifs ont été utilisés dans près de 50 % des cas et les armes à feu dans 32 % des cas.

Le nombre de cas d’utilisation de l’arme biologique est de 36, nous aurons l’occasion d’en reparler dans un article prochain.

Localisation

Les pays dans lesquels sont intervenus ces attaques sont très divers. Les plus concernés sont l’Afghanistan (62) et l’Irak (52) dans les années 2000. Puis les États-Unis (26), le Japon (13), la Syrie (12) et la Colombie (12).

En ce qui concerne la France 4 attentats sont répertoriés :

– Le 4 avril 1973, 2 attentats sont dirigés contre la Turquie et perpétrés par des hommes non armés du front de libération de l’Arménie, l’un à l’aéroport d’Orly et l’autre contre du personnel diplomatique à l’aide de gaz lacrymogène . Aucun mort, aucun blessé.

– Le 1 octobre 1978, Israël était la cible de l’armée révolutionnaire arabe contre un commerce alimentaire. La molécule mise en cause était le mercure mais je n’ai pas trouvé traces sur internet de ces différents incidents. Le lieu n’est pas répertorié .

– Le 4 octobre 1994 c’est l’affaire Rey-Maupin qui s’est déroulée à Paris, la police étant la cible. Il y eut prise d’otage, utilisation ‘armes à feu et de bombes lacrymogènes. Bilan : 4 morts, 6 blessés. Audry Maupin décèdera le lendemain de l’attaque .

Les faits que j’ai retenus

– En 1987 aux Philippines c’est un empoisonnement de masse par distribution d’eau contenant certainement des pesticides qui fit 19 morts et 140 blessés. C’est la gendarmerie qui était visée. Aucune revendication et l’enquête n’a pas abouti .

– Le 15 juin 1990 au Sri Lanka des membres des « Tigres de libération de l’Îlam tamoul » attaquent une base militaire Sri Lankaise au moyen de chlore. L’attaque a fait 1 mort et 60 blessés.

– Le 31 mars 1992, à Antananarivo (Madagascar) un assaut armé est donné au cours d’un meeting. Il a été perpétré par le « Mouvement Militant pour le Socialisme Madagascan » (MMSM). Des gaz lacrymogènes et des armes à feu ont fait 8 morts et 40 blessés .

– Le 1er janvier 1994 à Douchanbé au Tajikistan, du champagne a été servi dans un Camp militaire. Celui-ci était empoisonné avec du cyanure. Ce sont les forces militaires russes au Tadjikistan qui étaient la cible et les membres de l’opposition tadjik les responsables de l’attaque. Au moins 9 soldats et 6 civils décédèrent. Près de 53 autres personnes ont été intoxiquées.

– En 1995, l’attentat au gaz sarin dans le métro de Tokyo. Nous en avons déjà parlé ici [1]. Le bilan a été de 13 morts et 5 500 blessés. La secte Aum en était la responsable .

– Plusieurs autres tentatives au gaz ont été réalisées la même année à Yokohama (Japon). Elles ont fait 716 blessés.

– En 1999, les FARC tuent 65 personnes au cours d’une attaque avec des grenades lacrymogènes dans une base navale à Jurado en Colombie.

– Le 17 mars 2000 à Kasese en Ouganda les partisans du « Mouvement pour la restauration des dix commandements de Dieu » ont été empoisonnés en buvant du thé contaminé par un produit chimique inconnu. Dans ce cas la cible a été nettement identifiée comme étant religieuse.

– Le 23 mai 2002, au Zimbabwe ce sont les membres de « l’Église apostolique Johanne Marange » qui étaient visés. Il y eut 7 morts et 47 blessés par absorption de thé empoisonné aux pesticides.  Un enfant de 4 ans a fait partie des victimes .

– En 2007, 3 attentats suicides en Irak menés par Al Quaida contre la police ont fait 23 morts et 380 blessés. Les camions qui ont explosé étaient chargés de chlore.

– En 2009, 4 attaques au gaz, visant des établissements d’enseignement ont eu lieu en Afghanistan. Elles ont fait 1 mort et 207 blessés.  Des gaz toxiques ont été utilisés par les Talibans qui ont mené ces attaques.

– Puis on note toute une série d’empoisonnements, généralement dirigés contre des écoles de jeunes filles en Afghanistan, qui ont eu lieu entre 2010 à 2015. Généralement menées par les talibans, ces attaques ont fait plus de 1700 blessés. Les moyens utilisés étaient très diversifiés : empoisonnement de nourriture ou de l’eau, eau de Javel sur les fruits et dans les boissons, dispersion de gaz et de matières toxiques dans l’atmosphère…(ces évènements sont repérés dans le tableau final).

– À partir de 2014 c’est l’état islamique en Irak qui constitue la majeure partie des évènements « chimiques ». On en a déjà parlé dans ce blog [2] et on pourrait en faire un chapitre complet. On a dénombré 51 morts et 17.889 blessés au cours de ces attaques.

Les produits chimiques utilisés

On pourra citer le mercure, l’acide sulfurique, les gaz lacrymogènes, les insecticides, les raticides, le cyanure de potassium, le chlore, le thallium, le VX, le Sarin, le gaz moutarde, l’ammoniac, le diphénylamine chlorarsine, des organophosphorés, l’eau de Javel…

Qu’en est-il du risque chimique actuellement en France ?

On vient de voir que le risque chimique ne représente qu’une toute petite partie des actes terroristes, loin derrière les explosifs et les armes à feu. Néanmoins, il ne faut surtout pas le sous-estimer. Les risques Nucléaires, Radiologiques, Biologiques, Chimiques (NRBC) constituent une menace grandissante partout dans le monde. La France s’y prépare [3].

« Le combat contre cette menace est aussi leur toute première attente envers les services de sécurité, qu’ils soient intérieurs ou extérieurs, et envers les forces armées », rapportait Florence Parly, ministre des Armées dans sa déclaration devant le 4e régiment d’hélicoptères des forces spéciales terre, à Pau le 13 juin 2019.

Devant une telle menace, une circulaire interministérielle a été adoptée le 2 octobre 2018. Visant les principaux services publics qui auraient vocation à intervenir sur le terrain, elle définit les moyens de secours et de soins et détermine les procédures à mettre en œuvre en cas d’attentat ou d’attaque chimique. Cette circulaire formulée à la demande du Premier ministre actualise la doctrine nationale d’emploi des moyens de secours et de soins à adopter en cas d’action terroriste ou d’accident majeur, adoptée en 2008.

Dans ce contexte, Ouvry [4]® propose des EPI « duals » intéressant la défense, les forces de l’ordre, les premiers secours (sapeurs-pompiers, SAMU), les opérateurs d’infrastructures critiques comme EDF ou la RATP, ainsi que l’industrie chimique et l’agriculture ».

 

Conclusion

Cette imposante base de données permet de faire le point sur les différentes attaques terroristes. Même si celles qui impliquent un agent chimique sont en faible proportion, rien ne nous met à l’abris d’un tel évènement, sachant que le terrorisme n’a pas de frontière. Et encore nous n’avons pas abordé les attaques individuelles à l’aide de bouteilles d’acide par exemple sur les forces de l’ordre dans les manifestations. Ces actes ne sont pas encore répertoriés mais il en est tenu compte dans la stratégie de protection des personnels de maintien de l’ordre.

 

Bibliographie

On pourra compléter avec les références suivantes

https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/32703327/

https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/31280729/