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Quelles sont les 10 armes chimiques les plus meurtrières de l’histoire ?

Hormis les armes nucléaires qui restent l’une des plus grandes menaces de l’ère moderne, les armes chimiques sont celles qui, de par leur puissance et leur efficacité, présentent de fortes capacités d’atteintes à la vie humaine.

De quoi est-il question ?

On peut considérer que les premières armes chimiques ont été utilisées dans le but de tuer des populations à grande échelle le 22 avril 1915 à Ypres par les Allemands en utilisant du chlore sur le champ de bataille. Mais depuis cette date, les armes chimiques se sont largement développées et nous allons faire le point sur les 10 produits les plus mortels.

Un rappel historique

En 1855, durant la guerre de Crimée, l’amiral britannique Dundonald voulut réduire la garnison russe de Sébastopol à l’aide de vapeurs de soufre, mais il n’obtint pas l’accord de son gouvernement.

C’est pareil pour l’américain Doughty qui a proposé l’utilisation de chlore gazeux pendant la guerre civile : il envisageait de mettre au point des obus contenant du chlore liquide qui, en explosant sur la tête de l’ennemi, les envahirait de gaz. Il se heurta lui aussi à un refus des autorités pour des raisons morales…

En revanche, pendant la guerre des Boers (1899-1902), les Britanniques ont utilisé l’acide picrique comme explosif : sa combustion incomplète donne des vapeurs jaunâtres toxiques. L’ennemi s’est protégé en respirant à travers des tissus imprégnés de vinaigre. Les résultats ont été insignifiants.

Tout a donc commencé au moment de la 1ère guerre mondiale pendant laquelle des produits très toxiques ont été mis au point et utilisés comme le chlore, le phosgène et l’ypérite.

Puis la situation évolua peu, ces armes n’ayant pas été utilisées pendant le second conflit mondial : sauf pour l’Allemagne qui a mis au point et utilisé le Zyclon B dans ses chambres à gaz !

Quelles sont les 10 armes chimiques les plus meurtrières ?

Il est difficile d’établir un classement sur des critères objectifs mais on peut tenir compte de l’efficacité sur le champ de bataille et de la menace qu’elles représentent pour les civils et les militaires par leur toxicité intrinsèque.

En commençant par les produits les moins puissants pour aller vers les plus mortels.

10- L’ypérite ou gaz moutarde

La menace pour l’homme est considérée comme modérée.

Utilisée pour la première fois pendant la 1ère guerre mondiale par l’Allemagne, l’ypérite est rarement mortelle (mortalité estimée entre 2 et 10% mais souvent retardée).  C’est un agent incapacitant (on a calculé qu’en moyenne, les soldats gazés revenaient sur le front après en moyenne 42 jours). Il occasionne de graves brûlures de la peau d’autant plus que, sous sa forme gazeuse, il est capable de traverser les vêtements.

Les premiers symptômes de l’exposition sont généralement considérés comme légers à modérés et comprennent un écoulement nasal, de la toux, une irritation de la peau et des yeux, une sensibilité à la lumière,une cécité temporaire, des éternuements, des douleurs abdominales, de la diarrhée, des nausées et des vomissements. Les séquelles sont oculaires, cutanées, respiratoires, psychiques et génétiques.

Ce gaz à une odeur de moutarde d’où son nom. Une fois dispersé, le gaz est souvent qualifié d’ « arme persistante », car il reste au sol pendant plusieurs jours (ou semaines), en fonction des conditions météorologiques.

Le gaz moutarde a été utilisé par divers états et groupes terroristes au cours des 100 dernières années. Il s’agit notamment de l’Union soviétique, de l’Iran, de l’Irak, du Soudan, de l’Égypte, de la Syrie et de l’état islamique.

9- Benzilate de 3-quinuclidinyle (BZ)

Développé par les États-Unis, il a été utilisé pour la première fois en 1960 et la menace pour l’homme est considérée comme importante.

Originellement développé comme médicament gastro-intestinal, ses effets secondaires sur le système nerveux étaient tellement importants que c’est l’armée qui l’a récupéré pour le militariser. Inodore, le BZ est un anticholinergique qui agit rapidement sur le système nerveux : après quelques secondes, il provoque des vertiges, de la confusion, des hallucinations, un comportement erratique et une perte des capacités motrices de base. C’est un puissant agent incapacitant, agissant sur le système nerveux en diminuant les capacités intellectuelles. À forte dose, il crée un délire rendant impossible toute activité intellectuelle.

En raison de sa capacité à inhiber les sécrétions glandulaires, le BZ provoque une sécheresse de la bouche ainsi qu’un rougissement de la peau. Dans les cas d’exposition extrême, le coma, les convulsions, les tremblements, l’insuffisance rénale aiguë et la mort sont fréquents.

Il a été utilisé à plusieurs reprises au cours des 40 dernières années, notamment par les États-Unis contre les Viêt-Cong pendant la guerre du Viêt-Nam et par les troupes yougoslaves contre les musulmans en Bosnie et au Kosovo.

8- Ricine

Nous lui avons consacré un article dans ce blog [1].

Son potentiel de menace pour l’homme est considéré comme important. La ricine est une arme chimique dérivée des graines de ricin. Elle est hautement létale pour l’homme et a été développée pour la première fois par l’armée américaine au cours de la première guerre mondiale vectorisée par des balles ou des poudres toxiques. L’union soviétique a elle-même produit différentes formes de ricine.

Profondément affectée par la température et les conditions météorologiques, la dissémination de la substance très difficile à réaliser. Par conséquent, la ricine a plutôt été utilisée pour des assassinats plutôt que pour des attaques à grande échelle contre des troupes ou des populations.

Nous avons déjà parlé de l’assassinat de d’écrivain bulgare Georgi Markov (l’affaire dite du parapluie bulgare [1]) et plusieurs groupes terroristes internationaux, tels qu’Al-Qaïda, auraient également tenté d’utiliser la ricine, avec des résultats limités.

Inhalée, la ricine peut provoquer de graves problèmes respiratoires, notamment une toux, une respiration difficile, une oppression thoracique et finalement une insuffisance respiratoire en 24 heures. Ingérée, les symptômes de la ricine varient considérablement et comprennent des vomissements, une incapacité à manger ou à boire, des convulsions, une insuffisance rénale aiguë, une défaillance d’un organe et un arrêt complet du système nerveux central. Dans les 2 cas, les décès sont fréquents.

7-  Le chlore

Son potentiel de menace pour l’homme est considéré comme important et nous en avons parlé plusieurs fois dans ce blog [2].

Il a été utilisé pour la première fois par l’armée allemande à Ypres en 1915. Classé dans les suffocants, il provoque de graves lésions pulmonaires (effets irréversibles). Un œdème pulmonaire se forme, et la mort intervient par asphyxie.

Le chlore est toujours utilisé comme arme chimique par divers États et groupes terroristes, dans le monde entier. Il s’agit entre autres, de l’Iran, l’Irak, et de la Syrie qui a déployé à plusieurs reprises ce gaz mortel contre sa propre population.

6-  Le phosgène

La menace vis-vis de l’homme est considérée comme importante. C’est un agent suffocant au même titre que le chlore, utilisé la première fois par l’armée allemande pendant la première guerre mondiale.

Il produit un prurit oropharyngé, des difficultés respiratoires suivies d’un œdème aigu du poumon et d’un syndrome de détresse respiratoire aiguë.

Le phosgène a été déployé pour la première fois comme arme chimique par les Français en 1915 pendant la Première Guerre mondiale. Ce gaz fut également employé par l’armée allemande le 22 juin 1916, durant le même conflit, à Verdun, mélangé à du dichlore, et sous forme de vague gazeuse dérivante.

Ce produit a aussi été utilisé entre les 2 guerres par le Japon contre les Chinois.

Actuellement, l’exposition au phosgène est plus susceptible de se produire dans l’industrie où il est utilisé pour fabriquer divers pesticides et plastiques.

5- le Sarin (GB)

La menace contre l’homme est extrême. Comme tous les organophosphorés, ll fait partie des agents neurotoxiques. Pendant la seconde guerre mondiale, 12 000 tonnes de GA (Tabun) et GB (Sarin) ont été synthétisées par l’Allemagne qui ne les a pas utilisés.

Ce sont tous des liquides à température et pressions normales. Ils sont très volatils. Le tabun a été utilisé pour la première fois sur un champ de bataille par les Irakiens pendant la guerre Iran-Irak contre les Kurdes. En 1995 la secte Aum répand du sarin dans le métro de Tokyo [3].

En cas de contact avec le sarin, les symptômes sont les suivants : sécrétion surabondante de salive, (hypersialorrhée), difficultés respiratoires, (dyspnée), pupilles contractées (myosis), nausées, vomissements, incontinence, perte de conscience et coma. La mort intervient par asphyxie après une période de convulsion. Tous les agents neurotoxiques agissent en inhibant l’acétylcholinestérase provoquant une accumulation d’acétylcoline au niveau des synapses. La crise cholinergique qui s’ensuit provoque une hyperstimulation des organes donnant les symptômes précédemment décrits.

4- Le soman (GD)

C’est lui aussi un agent neurotoxique de la série G. Développé par les Allemands, ce produit, dont la menace est considérée comme extrême,  est encore plus toxique que le tabun et le sarin. Le liquide est incolore avec une odeur de camphre. Très volatil, il se disperse généralement dans les minutes qui suivent son activation. La menace est immédiate mais de courte durée car il ne reste pas longtemps dans l’environnement.

Après contamination, le sujet présente des vomissements, une incontinence, des diarrhées, des difficultés respiratoires et des faiblesses musculaires. La victime, prise de convulsions, sombre dans le coma et décède par étouffement dans le quart d’heure après qu’une dose mortelle a été absorbée.

Il semble que ce produit n’a jamais été utilisé bien que certains pays l’aient synthétisé et stocké, particulièrement pendant la guerre froide.

3-  Le cyclosarin

C’est un organophosphoré neurotoxique : il dérive du sarin mais sa toxicité est plus élevée. Contrairement au sarin, c’est un liquide persistant qui s’évapore relativement lentement (environ 69 fois plus lentement que le sarin) ce qui augmente les risques d’exposition de l’environnement. Tout comme le sarin, le cyclosarin provoque une hypersalivation, une dyspnée, un myosis, des nausées, des convulsions, puis la mort par asphyxie.

À l’heure actuelle, le seul pays à avoir utilisé elea cyclosarin au combat est l’Irak, pendant la guerre Irak-Iran.

2-  Le VX

Sa menace contre l’homme est considérée comme mortelle (il est 10 fois plus mortel que le sarin). Ce sont les Britanniques qui l’ont mis au point dans les années 50.

Contrairement aux autres neurotoxiques, le VX est constitué d’un liquide huileux dont la consistance est similaire à celle de l’huile de moteur. Cette concoction huileuse est déterminante pour son efficacité en tant qu’arme chimique, car le VX a l’une des vitesses d’évaporation les plus lentes de toutes les armes chimiques existantes. Cela lui permet de contaminer une vaste zone pendant plusieurs jours (voire plusieurs mois si les conditions sont relativement froides).
Les symptômes sont ceux des agents neurotoxiques et il peut provoquer la mort en quelques minutes après une exposition. Le VX est l’agent neurotoxique le plus toxique jamais synthétisé.

On sait que la Corée du Nord en possède puisque Kim Jong-nam, le frère du dirigeant Nord-Coréen Kim Jong-un, a été assassiné par ce produit qui imbibait un mouchoir que 2 jeunes femmes lui ont plaqué sur le visage.

Notons que l’équivalent russe, le VR, a été synthétisé et stocké à raison de 15 557 tonnes selon leur déclaration à l’ Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC).

1- Les agents Novichok

On pourra se reporter aux articles suivants : Les gaz Novichok [4]: une arme du domaine NRBCe et Les agents Novichok : mini-revue des données disponibles [5].

Comme le VX, leur menace est considérée comme mortelle. Ces produits ont été mis au point par l’Union Soviétique entre les années 1971 et 1993.  Novichok signifie « nouveau venu ».

Leurs toxicités sont d’environ 8 fois plus élevées que le soman. L’exposition à l’un de ces produits est toujours fatale.Les novichocks sont des armes « binaires ». Lorsqu’une nouvelle substance toxique est synthétisée et testée en laboratoire, sa production industrielle est développée de telle sorte que la synthèse du composé soit interrompue avant la réaction donnant le produit final. Nous sommes donc en présence de 2 composés relativement inoffensifs, stockés dans des conteneurs séparés afin qu’ils puissent être transportés et stockés en toute sécurité puis mélangés juste avant l’application militaire.

Les novichocks sont des molécules organophosphorées donc des agents neurotoxiques. Il est d’ailleurs très probable que le premier d’entre eux ait été la version binaire du VR russe.Le 4 mars 2018, Sergueï Skripal (ancien agent de renseignement militaires russe puis espion britannique) et sa fille Ioulia Skripal ont été empoisonnés à Salisbury en Angleterre, avec du  Novitchok. En 2020, c’est Alexeï Navalny [6] qui est victime d’une tentative d’assassinat au « Novitchok ». 

Résumé

Vers la sophistication

Les différentes classes

Conclusion

Comme on peut le voir, la question des armes chimiques est toujours d’actualité.

Le classement des armes chimiques de cet article n’a pas été scientifiquement établi mais il reflète l’accumulation d’un certain nombre de données comme la toxicité de la molécule (DL50), la voie d’entrée du produit, sa mise en œuvre, sa volatilité, sa capacité à persister dans le milieu extérieur…

On peut considérer ce classement comme

« Un raisonnement incorrect mais qui donne à penser… ».

Ces produits sont étroitement surveillés par l’OIAC [8] (Organisation pour l’Interdiction des Armes Chimiques). La Convention [9] sur l’interdiction de la mise au point, de la fabrication, du stockage et de l’emploi des armes chimiques et sur leur destruction (encore appelée Convention sur les armes chimiques) a été ouverte à la signature lors d’une cérémonie qui a eu lieu à Paris le 13 janvier 1993. Quatre ans plus tard, en avril 1997, la Convention entrait en vigueur. Cent quatre vingt treize états se sont engagés à respecter la Convention sur l’interdiction des armes chimiques – 98 % de la population mondiale vit sous la protection de la Convention – 100 % des stocks d’armes chimiques déclarés par les états détenteurs ont été détruits de manière vérifiable.

Un état l’a signée mais pas ratifiée : Israël. Trois états demeurent encore en dehors de la Convention : la Corée du Nord, l’Égypte et le Soudan du Sud.

Dans un prochain chapitre, on rappellera comment se protéger de ces produits, comment les détecter, comment les reconnaitre d’après les signes pathologiques des patients atteints (toxidromes), comment ler éliminer par les procédés de décontamination.

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