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Tremblement de terre et épidémies : quelles relations ?

Un terrible tremblement de terre vient de se produire en Turquie et Syrie le 6 février 2023. Il semble que le bilan dépasse actuellement les 41 000 morts.

De quoi est-il question ?

Alors que plus de 26 millions de personnes sont potentiellement touchées, l’OMS considère que plus de 5 millions d’entre elles sont particulièrement vulnérables (personnes âgées, enfants…). On redoute maintenant la propagation d’épidémies : quel est le lien entre tremblement de terre et épidémies ?

Les tremblements de terre sont, parmi les catastrophes naturelles, celles qui sont les plus fréquentes. Généralement imprévisible, un tremblement de terre ne dure que quelques secondes mais les conséquences sont ravageuses, avec généralement des milliers de personnes tuées sous les éboulements de leurs maisons. De plus, les infrastructures, comme l’approvisionnement en eau, sont endommagées, altérant gravement les conditions d’hygiène des survivants.

Qu’est-ce qu’un tremblement de terre ?

Profitons en pour redonner quelques notions à propos des tremblements de terre.

La croute terrestre se compose de quinze plaques majeures et 40 mineures, flottant sur une couche liquide de magma.

Toutes ces plaques se déplacent de 1 à 20 centimètres par an dans des directions différentes en formant des zones de divergence (les plaques s’éloignent l’une de l’autre), de subduction (en se rapprochant une plaque se glisse sous une autre), de collision (la partie entre les 2 plaques se soulève en formant des montagnes) et de coulissage (les plaques coulissent l’une par rapport à l’autre par un mouvement transversal).

Le point où les plaques s’accrochent, à plusieurs kilomètres de profondeur, et où le séisme se produit est connu comme la source ou « l’hypocentre » du séisme. L’épicentre est le point correspondant à l’hypocentre situé en surface de la terre, là où le séisme est le plus fort.

Le choc principal est généralement précédé de chocs plus petits, qui émettent néanmoins des vibrations dans toutes les directions et qui devraient permettre d’alerter les populations lorsqu’ils sont détectés.

Le choc principal est généralement suivi de « répliques » plus ou moins importantes : elles correspondent aux réarrangements et la stabilisation des différentes plaques.

Un séisme [1] est caractérisé par le calcul de sa magnitude [2] à partir des ondes détectées par les sismographes. Un séisme de magnitude 5 correspond à peu près à l’énergie dégagée par la bombe nucléaire qui détruisit Hiroshima. Le séisme de magnitude la plus élevée eut lieu au Chili en 1960 avec une magnitude de 9,5 sur l’échelle de Richter qui en comporte 9.

Les magnitudes sont logarithmiques, un séisme de magnitude 7 est dix fois plus fort qu’un séisme de magnitude 6 et 100 fois plus fort qu’un séisme de magnitude 5. Les séismes de magnitude 3 sont perceptibles par les populations.

Le séisme de Turquie et Syrie du 6 février 2023

L’épicentre de ces séismes se situe dans une zone géologiquement active, à proximité de la jonction triple de Maraş formée par l’intersection des plaques africaine, anatolienne et arabique (voir schéma [3]). 

Une première secousse a eu lieu à 1h 17 min 36 s (UTC) d’une magnitude 7,8 et d’une profondeur de 17,9 km. Un deuxième séisme se produisit 9 heures plus tard avec une magnitude de 7,5 à 7,7 , mais à seulement une vingtaine de kilomètres de profondeur. Il s’en est suivi de multiples répliques (au moins 120).

Schéma des plaques responsables du séisme de TUrquie et Syrie
Localisation du séisme

Les principaux effets sur la santé

Les simples mesures d’hygiène ne sont plus assurées

Les cadavres pris sous les décombres se décomposent et l’odeur s’amplifie de jour en jour. Les morgues ne suffisent plus. Les cadavres emballés dans de simples sacs attendent d’être enterrés dans des fosses communes creusées à la hâte.

Les poubelles s’entassent, les rescapés vivent dans la rue, sans eau ni toilettes fonctionnelles. Sans chauffage, ils tombent malades à cause du froid et il n’y a pas de médicament pour les traiter. Souvent c’est la nourriture qui manque.

Les conséquences sur la santé [4] des populations sont très nombreuses

Traumatismes et blessures

On considère que 75 % des traumatismes sont dus à l’effondrement des bâtiments. Les blessés coincés sous les gravats ne survivent pas longtemps sans eau ni nourriture. Cependant, au cours de ce récent séisme des personnes vivantes ont été sauvées plus de 13 jours après le début de la catastrophe. Sous les décombres, les personnes souffrent de plaies non soignées qui peuvent s’infecter, de fractures, et leurs muscles compressés peuvent souffrir du « crush syndrome » qui se manifeste par des dysfonctionnements rénaux.

Maladies diarrhéiques

L’interruption de l’approvisionnement en eau potable et la destruction des installations d’assainissement entrainent des pratiques d’hygiène de mauvaise qualité. Les bactéries et autres virus entériques donnent des diarrhées, lesquelles se transmettent rapidement à cause de la promiscuité et du manque d’assainissement.

Plus spécifiquement, lorsque le choléra sévit dans une région, il faut surveiller de près son éventuelle réapparition après un séisme. Au Pakistan, la shigellose peut être, elle aussi, un problème spécifique.

Maladies respiratoires et cutanées

Les déplacements massifs de population et les hébergements d’urgence communs surpeuplés sont à l’origine de maladies respiratoires et cutanées. Les services de santé de routine ne fonctionnant plus, les vaccinations ne sont plus assurées et la transmission des maladies infectieuses se fait d’autant mieux. C’est le cas en particulier pour la rougeole dans les régions ou la vaccination n’est pas suffisamment pratiquée et qui risque de se répandre rapidement à cause de la promiscuité.

Maladies à transmission vectorielle

Les services d’assainissement ne fonctionnant plus, les déchets s’accumulent, les moustiques prolifèrent dans les eaux stagnantes favorisant une transmission accrue de la dengue, du chikungunya et/ou du paludisme. Mais il faut insister sur le fait que ces épidémies n’auront lieu que dans les régions ou elles existent préalablement au tremblement de terre. En proliférant, les rats au contact avec l’homme augmentent le taux d’incidence de la leptospirose.

La santé en général

Comme il n’y a plus de structure de soins, il n’y a plus de stocks, donc plus de soins infantiles nécessitant du matériel spécifique : lait maternisé, couches… De plus, le suivi des maladies chroniques n’est plus assuré.

Pour les survivants, la priorité en termes de santé publique, doit être l’accès à des abris décents, à l’eau potable et à des soins.

Les risques d’épidémie

Rappelons ici que les cadavres [5] ne véhiculent pas de maladies contagieuses. Ils ne représentent pas une menace épidémique dans ce type de contexte. Leur enlèvement est cependant nécessaire à cause des odeurs et de l’aspect psychologique négatif qu’ils engendrent. Sans compter que les rats peuvent aussi jouer un rôle dans la transmission de la leptospirose !

On craint toujours après un tremblement de terre (ou tout autre catastrophe naturelle comme un tsunami) que des épidémies surviennent. Mais, comme on vient de le voir, les risques d’épidémie ne sont pas directement liés au séisme. Des foyers isolés peuvent apparaitre (choléra, dysenterie, rougeole, dengue, paludisme…) mais ils résultent des conditions de vie précaires dans les zones détruites et ces épidémies n’existent que si la maladie préexistait avant la catastrophe. La surveillance épidémiologique est cependant indispensable afin que les foyers isolés ne se transforment pas en épidémie généralisée.

Cependant, on sait que le choléra sévit en Syrie depuis août 2022. La maladie étant favorisée par l’absence d’eau potable et de réseau d’égouts, il faudra surveiller étroitement l’apparition d’éventuels cas. Il en est de même pour Salmonella Typhi, responsable de la fièvre typhoïde, de Shigella et de Campylobacter (agents de la dysenterie) qui prolifèrent dans l’eau souillée par les déjections humaines.

Un cas particulier, celui du choléra après le tremblement de terre de 2010 à Haïti [6]

Le séisme de 2010 en Haïti est un tremblement de terre d’une magnitude de 7,0 à 7,3 survenu le 12 janvier 2010. Alors qu’aucun cas de choléra n’avait été déclaré depuis un siècle, une épidémie s’est déclarée 6 mois après le séisme : elle est à l’origine de 10 000 morts essentiellement en Haïti et en République Dominicaine mais aussi à Cuba et au Mexique. Il s’est avéré que la bactérie, Vibrio cholerae, avait été importée par des « soldats casque bleu » Népalais, porteurs sains de la maladie qui sévissait dans leur pays à cette époque et en Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti. Cette épidémie s’est brusquement propagée dans le pays, favorisée par la promiscuité et les conditions sanitaires précaires après le tremblement de terre.

Les deux évènements, tremblement de terre et épidémie de choléra, même s’ils sont liés dans notre esprit, sont complètement indépendants, la bactérie ayant été amenée bien après le séisme mais elle a pu proliférer rapidement à cause des conditions d’hygiène non encore rétablies.

Conclusion

Pas de lien direct entre « tremblement de terre et épidémie » mais des conditions d’hygiène dégradées permettant l’amplification de maladies respiratoires et dysentériques en particulier. En revanche, si des épidémies préexistent, comme le choléra, les dysenteries bacillaires ou les maladies à vecteurs comme le paludisme, les conditions d’hygiène dégradées peuvent les amplifier.

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