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UN GAZ DE COMBAT OUBLIÉ ? LE CHLORE

Dans les colonnes de ce blog, nous avons déjà parlé du chlore à plusieurs reprises et nous avons rappelé, en particulier, qu’il fut utilisé pour la première fois par l’armée allemande le 22 avril 1915 à Ypres  [1]: 160 tonnes de chlore qui ont enveloppé dans leurs nuées dérivantes les troupes françaises, obligeant les hommes paniqués à effectuer un retrait chaotique.

 Dans l’article intitulé « l’état de la menace NRBCe » [2] nous avons fait un bilan très complet de l’utilisation des armes chimiques par les armées étatiques, l’état islamique et l’utilisation terroriste et on constate que le chlore y apparaît de nombreuses fois.

Dans l’article sur « La reconnaissance des toxidromes lors d’une attaque chimique NRBCe  [3]», on signale que le chlore se caractérise par la présence de bruits respiratoires (toux, enrouement), irritation des yeux, de la gorge et de la peau, respiration courte montrant la présence d’un agent pulmonaire central (bronches).

De quoi est-il question ?

Un article paru dernièrement nous rappelle que l’utilisation du chlore est toujours d’actualité et il nous en rappelle les principales caractéristiques.

Elsafti Elsaeidy A M, Alsaleh O I, Van Berlaer G, et al. (August 28, 2021), Effects of Two Chlorine Gas Attacks on Hospital Admission and Clinical Outcomes in Kafr Zita, Syria. Cureus 13(8): e17522. DOI 10.7759/cureus.17522

L’arme chimique

Les armes chimiques ont été utilisées en Syrie dès décembre 2012, lorsque des civils à Homs ont été traités pour des symptômes d’exposition chimique. L’utilisation d’armes chimiques s’est intensifiée à partir de mars 2013, notamment dans la zone rurale de Damas. Après l’attaque chimique contre des civils à Homs, 87 autres attaques ont été enregistrées, dont plusieurs impliquant du chlore.

Le chlore est un produit d’inhalation toxique et un puissant irritant pour les yeux, la peau et les voies respiratoires. À température ambiante, c’est un gaz jaune-vert modérément soluble dans l’eau, plus de deux fois plus lourd que l’air, avec une odeur détectable à faible concentration. Le chlore, puissant oxydant, réagit avec l’eau dans les muqueuses et les voies respiratoires pour former des acides chlorhydrique et hypochloreux, entraînant une inflammation aiguë de la conjonctive, de la muqueuse nasale, du pharynx, du larynx, de la trachée et des bronches. Les expositions aiguës peuvent entraîner des symptômes cliniques non spécifiques d’obstruction des voies respiratoires, notamment une respiration sifflante, une toux, des râles, une oppression thoracique, une dyspnée et une hypoxémie. Les radiographies du thorax peuvent montrer des lésions infiltrées. Les symptômes peuvent varier en fonction du degré d’exposition, les concentrations plus élevées pouvant contribuer au syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA), à l’œdème pulmonaire, à l’inflammation pulmonaire avec ou sans infection, à l’insuffisance respiratoire et à la mort. La réduction des lésions pulmonaires et l’amélioration de la fonction respiratoire sont les principaux objectifs thérapeutiques pour les patients exposés.

L’étude proprement dite

Les auteurs ont analysé les dossiers médicaux des personnes ayant subi une attaque chimique au chlore de la part du gouvernement syrien en 2014 et qui se sont présentées à l’hôpital de Kafr Zita, dans le nord-ouest de la Syrie, afin de décrire les manifestations cliniques de l’exposition au chlore et d’identifier les facteurs conduisant à l’admission en établissement de soins et à la nécessité d’une réanimation/intubation dans les zones touchées par le conflit et disposant d’infrastructures de soins limitées.

Ils ont comparé l’origine des patients, les symptômes, le traitement et les résultats obtenus entre les patients non hospitalisés (au nombre de 7) et les patients hospitalisés (au nombre de 8) afin d’envisager des approches de traitement dans des conditions de soins dégradées.

Les attaques

En 2014, deux attaques successives se sont produites. La première s’est produite le 11 avril 2014, lorsqu’une bombe baril improvisée a été larguée par hélicoptère, touchant environ 100 personnes. Elle a fait cinq blessés graves, dont trois sont décédés. Les blessés ont été répartis dans différents centres de santé, dont celui de Kafr Zita qui a hospitalisé les 7 personnes qui lui avait été envoyées.

La seconde s’est produite le 22 mai 2014, blessant environ 38 personnes, dont aucune n’est décédée. Tout comme pour la première attaque, les blessés ont été répartis dans différents centres, l’hôpital de Kafr Zita, en ayant reçu 8,et  l’un d’entre eux a été hospitalisé. Tous présentaient des symptômes similaires, indiquant une exposition au chlore gazeux.

Les signes et symptômes

Tous les patients souffraient de tachypnée, de tachycardie et d’hypotension, bien que la température soit dans la fourchette normale. Tous les patients présentaient le spectre complet de la détresse respiratoire, y compris des infiltrats pulmonaires non spécifiques sur la radiographie pulmonaire, un rythme sinusal et une tachycardie, confirmés par l’ECG, une détresse intestinale, des spasmes musculaires généralisés, une irritation, une urticaire et un larmoiement excessif. Tous sont restés pleinement conscients, sans enregistrement d’une altération de la conscience ou d’une modification du diamètre des pupilles.

Le traitement

Les 15 patients ont nécessité de l’oxygène et de bronchodilatateurs, et 14 ont reçu de l’hydrocortisone, 12 des antiémétiques et 2 de la dexaméthasone. Sept (47 %) ont vu leur état s’améliorer dans les heures qui ont suivi le traitement et sont sortis du service des urgences dans les 24 heures qui ont suivi leur admission. Huit (53 %) ont dû être hospitalisés, pour un séjour médian de 2,1 jours (fourchette 1-6). Les décisions d’admission dépendaient de l’intensité des symptômes respiratoires, gastro-intestinaux et neurologiques, déterminée cliniquement. Deux fois plus de patients hospitalisés que de patients non hospitalisés ont reçu des antiémétiques (huit contre quatre), tandis que seuls les patients non hospitalisés ont reçu de la dexaméthasone (0 contre 2). Cependant, les chiffres sont trop faibles pour en déterminer la signification.

Il n’y a pas de corrélation entre l’utilisation de l’hydrocortisone et la durée du séjour.Pas de corrélation non plus entre l’origine des patients et la gravité de leurs symptômes.

Tous les patients, à l’exception d’un seul, ont été renvoyés chez eux en bon état général et avec une absence apparente de complications. Un seul patient, une femme de 25 ans, a dû être intubé et ventilé mécaniquement, ce qui l’a conduit à l’unité de soins intensifs. Elle ne s’était pas plainte de suffocation, de nausées, de douleurs abdominales ou de vertiges avant son admission aux soins intensifs. Elle pesait 65 kilogrammes, sa tension artérielle était de 60/40, son pouls de 130 et sa température de 36,5°C. Elle a reçu de l’hydrocortisone et un antiémétique mais pas de dexaméthasone et a été transférée dans une unité de soins intensifs en Turquie, où elle est décédée quatre jours plus tard en raison d’un SDRA grave.

Discussion

Tous les patients exposés ont développé des troubles respiratoires importants, indiquant une inflammation sévère des voies respiratoires, ainsi que des symptômes digestifs, suggérant une inflammation gastro-intestinale, et un certain degré de troubles du système nerveux. La prise en charge, qui comprenait un traitement symptomatique à base d’oxygène, de bronchodilatateurs inhalés et de corticostéroïdes par voie intraveineuse, a semblé efficace compte tenu de la faiblesse des infrastructures et des ressources médicales disponibles.

Chez la plupart des patients, la résolution des signes et des symptômes a été rapide, ce qui indique que même les patients gravement malades peuvent souvent être libérés dans un délai relativement court après avoir reçu des soins de soutien.

Les auteurs font une analyse critique de leur analyse statistique compte-tenu du nombre peu élevé de cas étudiés.

Conclusions

Les résultats ont démontré que même dans les contextes humanitaires à faibles ressources, le taux de survie des patients exposés au gaz de chlore est correct, en particulier si un traitement symptomatique de base est effectué avec de l’oxygène, des bronchodilatateurs et des corticostéroïdes.

Bien que la plupart des personnes exposées au chlore gazeux se rétablissent en quelques mois et ne présentent que peu ou pas de dysfonctionnement résiduel, la littérature indique que l’exposition peut provoquer une altération permanente de la fonction pulmonaire ou entraîner le développement d’une hyperréactivité bronchique persistante et non spécifique

Sachant que la première réaction des gens face aux bombardements est d’utiliser les sous-sols comme abris qui offrent généralement une certaine protection contre les attaques explosives, mais ils ignorent souvent que dans le cas d’attaques chimiques, où les gaz toxiques sont plus lourds que l’air, ils courent un risque accru de décès. Il devient prioritaire de mener des campagnes de sensibilisation auprès du public et de former les prestataires de soins de santé. Parmi les obstacles à la réalisation de campagnes efficaces, on peut citer la perturbation des infrastructures, le déplacement des populations, le manque de ressources éducatives et la limitation des communications et des déplacements.

Rappels 

Si un attentat terroriste utilisant du chlore n’est pas improbable dans nos contrées, il est bon de rappeler que les intoxications au chlore d’origine industrielle ne sont pas rares. On pourra se référer à l’article « La protection contre les tics, toxiques industriels et chimiques (NRBCe) [4] ». Dans cet article, vous trouverez aussi des tests destinés à mesurer le passage de chlore dans un flux d’air à 1m/s à travers le tissu constituant la Polycombi [5] : pour une concentration de chlore au départ de 4 000 mg.min/m3 les tests ont montré un passage de l’autre côté du textile inférieure à 205 mg.min/m3 après 6 heures. Dans ces conditions, la dose pénétrante n’est donc que de 5 % de celle mise au départ. Cette expérience montre bien l’efficacité de la protection de la polycombi contre le chlore gazeux.

On peut aussi rapeller ici que la combinaison PolyAgri [6] de chez Ouvry a été testé dans une ambiance chargée de chlore et qu’elle n’a laissé pénétré que 0,05 % de produit contre 26,6 % pour un EPI classique. L’article se trouve ici [7].