Par François NR Renaud, conseiller scientifique
Les gants, dont l’origine remonte jusqu’à l’Antiquité sont des éléments de protection de la main ; manutention (contre l’abrasion), protection contre la chaleur ou le froid (pompiers, métallurgistes, soudeurs), protection contre les produits chimiques ou biologiques (industrie chimique, laboratoires), contre les menaces NRBC, contre les coupures (bouchers)… Ce sont donc des équipements de protection individuels (EPI).
En ce qui nous concerne plus directement, on porte des gants pour travailler dans le jardin (contre les ronces par exemple), pour bricoler (piqure, coupure…), pour faire le ménage, quand il fait froid (pour faire du ski par exemple) et dans toutes les situations ou nos mains sont en danger. Dans le sport on utilise des gants au baseball, pour conduire des motos ou des automobiles, on en porte en faisant du vélo…sans oublier les gants du gardien de but.
Mais le gant a aussi d’autres fonctions : par exemple, on a retrouvé dans la tombe de Toutankhamon (mort en 1350 av. J.-C.) une paire de gants en lin, symbole de son statut. Ces gants avaient des doigts séparés et n’étaient pas sous la forme de moufles retrouvées par ailleurs.
Au Moyen Âge, le gant devient un symbole de dignité et de d’honneur. Le pape, les évêques et les cardinaux portent des « gants pontificaux » lors de la célébration de la messe afin de se protéger contre les souillures du monde matériel et conserver ainsi leur pureté.
Symbole de déférence, de soumission et de loyauté, il est d’usage de se déganter devant un supérieur. Et quand jeter son gant signifie défier un adversaire, celui-ci en le relevant signifie qu’il accepte le combat.
À partir du XVe siècle, les gants se font accessoires de mode et bijoux à la fois. Les classes supérieures de la société recherchent des gants en peau (de mouton, de brebis, de veau… ) Quant au reste de la population, elle porte des gants confectionnés avec trois ou cinq doigts. Les gants des Inuits sont souvent à 2 pouces pour pouvoir être interchangeables d’une main à l’autre.
À la fin des années 1800, les gants sont un symbole d’élégance. Les hommes et les femmes portent avec fierté des gants de soie boutonnés et de velours avec une tenue de soirée et des gants en daim pendant la journée.
De nos jours, il y a toujours des personnes qui maintiennent la tradition de porter des gants aux funérailles, aux mariages, aux fonctions d’état, aux événements formels et à l’opéra.
Et les gants dans le domaine médical ?
Historique
Ils sont nés en 1889 à l’hôpital John Hopkins, à Baltimore aux États-Unis.
À l’époque, selon les préceptes de Lister, le personnel médical se désinfecte les mains avec du chlorure de mercure et de l’acide phénique ainsi que les outils chirurgicaux afin de ne pas transmettre les infections. Caroline Hampto, infirmière du bloc opératoire souffre d’importantes allergies (dermites) à ces produits et c’est pourquoi son fiancé William Halsted, son fiancé qui est aussi chirurgien et chef de service, demande à la “Goodyear Rubber Company” de lui fabriquer des gants en caoutchouc pour protéger les mains de sa future épouse.
Très satisfaite de ses nouveaux gants, Caroline Hampton en fait la promotion et est imitée par les chirurgiens et les infirmiers qui commencent à en porter. Ces gants en caoutchouc vulcanisé ont bien des avantages car, non seulement ils sont une efficace pour une protection cutanée, mais en plus ils permettent de réduire les infections. En effet, en 1899, le Dr Bloodgood qui a été le premier chirurgien de Joan Hopkins à porter régulièrement des gants lors de ses opérations a constaté que sur 100 patients opérés d’une hernie inguinale, un seul a souffert de complications infectieuses.
Puis c’est un médecin français, Henri Chaput (1857-1919), qui a fait évoluer les gants chirurgicaux en les faisant imperméabiliser et stérilisables à l’autoclave. Ces gants sont alors réutilisables.
Petit à petit, les gants chirurgicaux sont utilisés dans tous les blocs opératoires. Les gants à usage unique ne sont généralisés qu’en 1975 et aujourd’hui, ils sont incontournables.
Dès 1985, avec le développement du SIDA, le port des gants se généralisent et les premières réactions allergiques au latex apparaissent par dermites de contact.
De plus, certains cas mortels de réactions allergiques chez les patients opérés ont été recensés. Maintenant, certains médecins utilisent des gants en vinyle (chlorure de polyvinyle, PVC) qui n’est pas, lui non plus, exempt de provoquer des allergies.
Pourquoi porter des gants chirurgicaux ?
Au XVIe siècle, c’est à dire bien avant les travaux de Semmelweis (1818-1865) qui préconisait le lavage aseptique des mains avant l’accouchement afin d’éviter les infections postpartum, l’obstétricien Joseph Jakob von Plenck (1738-1807) recommandait déjà l’usage des gants au moment de la naissance d’enfants de mère syphilitique. Mais c’était dans un autre but : en effet, l’agent de la syphilis, Treponema pallidum, est un des rares germes à traverser la peau intacte ce qui fait que les personnes qui accouchaient les femmes syphilitiques attrapaient la maladie par les doigts d’où le nom de « maladie des accoucheurs ».
« Le propre d’une main, c’est d’être sale » peut-on lire dans certains services hospitaliers.
En effet, la peau héberge 2 types de flores microbiennes ;
– la flore résidente qui vit et se multiplie sur notre peau, elle nous est propre et nous protège, en particulier des éventuels germes pathogènes qui ne trouvent pas leur place pour se multiplier à cause de la compétition acharnée des germes déjà en place ;
– la flore transitaire constituée des germes récupérés de l’environnement par contact, la peau des doigts jouant alors le rôle d’intermédiaire entre 2 individus. Soixante-dix à 80 % des infections sont manuportées ! Cette flore transitaire est facilement éliminée par un lavage des mains.
Pour quel type de protection ?
– protection des patients : les gants qui ne possèdent donc pas de flore transitaire protègent donc le patient contre une éventuelle infection (à condition que les gants soient correctement utilisés, on va en reparler) ;
– protection du soignant : contre le risque infectieux en cas de contact avec du sang, d’autres liquides biologiques, la peau lésée d’un patient, et chaque fois qu’il y a un geste mettant en cause une piqure, des manipulations de tubes, de linges contaminés etc.
Dans les cas d’une piqure accidentelle par exemple, la charge virale qui pourrait être injectée au soignant est diminuée en passant à travers le gant et le risque d’infection est réduit (cas du VIH, VHC (virus de l’hépatite C), VHB (virus de l’hépatite B)).
Les gants protègent aussi des produits chimiques comme les produits de chimiothérapie, les désinfectants, les détergents…
Ils protègent aussi contre les risques physiques : coupures, piquants, tranchants…
C’est pour cela que la quasi-totalité du personnel hospitalier, en contact des patients, des dispositifs médicaux, du linge, des produits biologiques est amené à porter des gants en fonction des risques.
Comment utiliser les gants ?
Bien sûr, l’utilisation des gants de soins en milieu hospitalier suit des recommandations précises comme le respect de la taille en fonction de la main, le lavage des mains avant l’enfilage et après l’utilisation, la technique de retrait, le temps d’utilisation et leur élimination. Nous ne les détaillerons pas ici.
Les gants stériles sont chargés d’assurer la protection bactériologique entre le patient et le manipulateur (et dans les deux sens). Ils sont indiqués dans des cas très précis comme lors des interventions chirurgicales ou des gestes invasifs comme la pose de drains ou les sondages.
Doit-on utiliser des gants pendant l’épidémie de Covid-19 ?
Au début de l’épidémie, certains magasins conseillaient le port de gants pour effectuer nos achats. D’ailleurs, les hôtesses de caisse en portaient même mais, était-ce opportun ?
Le message qui consistait à dire que le virus était présent sur les surfaces nous incitait à nous en protéger par le port de gants, en caoutchouc par exemple, ou des gants à usage unique. Or, utiliser des gants est très compliqué ! Si on sait comment les mettre, il est beaucoup plus difficile de les enlever car on doit les inverser, ce qui très difficile à faire sans contaminer autour de soi ou même l’intérieur des gants, surtout si on veut s’en resservir et les remettre dans leur position initiale. S’en on veut les réutiliser, il faut nécessairement les nettoyer ce qui, pour des gants à usage unique, perturbe leur intégrité et peut les rendre perméables et donc inefficaces. On ne doit pas laver des gants à usage unique.
Il s’est avéré que le port des gants pendant l’épidémie est contre-productif. Le virus ne passe pas la peau saine pour laquelle il est inoffensif et ne représente aucun danger pour elle. Pire encore, puisqu’on ne le lave pas, il peut accumuler des virus et devient alors un vecteur de contaminations croisées. Manipuler avec une main nue et régulièrement lavée avec du savon ou du gel hydroalcoolique est plus maitrisable et donc beaucoup plus efficace.
À l’heure actuelle tous les grands organismes comme l’OMS par exemple, ne recommandent pas le port des gants pour se protéger de la Covid-19.
Conclusion
Le gant peut être un accessoire de mode mais c’est avant tout un équipement de protection individuel. Il protège la main contre les agressions physiques, chimiques et microbiologiques. Mais attention, il répond à un certain nombre de normes en fonction du domaine dans lequel il est employé. Son utilisation est elle aussi réglementée. Dans tous les cas, il ne présente aucun intérêt et peut même être nocif lorsqu’on s’en sert pour se protéger du coronavirus.
Bibliographie
Stéfane Girard, Histoire et origine des gants d’homme (9/05/2017)
Les généralistes CSMF : une histoire d’amour à l’origine des gants chirurgicaux (septembre 2014)
Michel A. Germain, L’épopée des gants chirurgicaux, Stéphane Héas, http://journals.openedition.org/lectures/8412