De quoi est-il question ?
En cas de contamination par des agents chimiques de guerre, des projections acides ou de produits chimiques industriels, il est impératif de disposer d’un procédé de décontamination permettant d’éliminer rapidement les agents dangereux de la surface sur laquelle ils ont été dispersés.
La décontamination immédiate (concept militaire) ou décontamination d’urgence (concept médical) est généralement réalisée sous la forme d’une décontamination sèche par utilisation d’une poudre absorbante qui déplace l’agent toxique de la surface. La terre de Foulon sous la forme montmorillonite ou smectite est la plus largement utilisée car elle est facile d’emploi et son spectre d’action très étendu. Aisément répandue elle est éliminée en emportant avec elle le produit toxique. La terre de Foulon a donc naturellement servi de témoin dans nos expérimentations. Néanmoins, initialement prévue pour être utilisée par des soldats équipés d’EPI et de masques respiratoires elle peut aussi servir à décontaminer des civils non équipés mais avec des sérieux inconvénients : en effet, la ré-aérosolisation de fines particules potentiellement contaminées dans l’air peut les faire pénétrer dans les poumons, la bouche et les oreilles des personnes traitées en entrainant des effets toxiques secondaires. De plus, n’ayant aucune action sur la toxicité du produit elle peut contaminer l’environnement et être à l’origine de contaminations secondaires.
Decpol® développé par la société Ouvry se présente sous la forme d’un gant super-absorbant contenant des agents actifs capables de détruire le produit qui y a pénétré. Les inconvénients de la poudre sont donc résolus puisque le liquide suspect est immédiatement absorbé dans le tampon fibreux par capillarité et qu’il est ensuite détruit à l’intérieur du gant : pas de risque de ré-aérosolisation, et destruction des agents toxiques.
Les tests scientifiques
S’il n’est pas question de détailler ici les protocoles expérimentaux nous citerons les méthodes et les principaux résultats obtenus.
1- Efficacité de décontamination
Les produits chimiques utilisés étaient HD et VX et les coupons de matériel testés (5 x 5 cm) le verre, l’acier inox peint et le tissu de la tenue TFI® de chez Ouvry. La contamination s’est faite par 20 gouttes de 1 µL de HD (10 g.m-2) ou 25 gouttes de 1 µL de VX (10 g.m-2).
Les protocoles de décontaminations après 5 minutes d’exposition ont été effectués selon les recommandations des producteurs du Decpol® et de la terre de Foulon. Nous avons suivi les standard OTAN AEP 58 (STANAG 4653) pour les tests et STANAG 2352 pour l’interprétation.
Après 3 extractions dans du 2-propanol, les produits chimiques ont été dosés par chromatographie en phase gazeuse GC-FID/FPD.
Comptes tenus du nombre d’éprouvettes des marges d’incertitudes ont été calculées. Les résultats comparés Terre de Foulon-Decpol® sont les suivants :
Fig 1. Efficacité de décontamination du Decpol® et de la terre de Foulon sur l’ypérite
Fig 2. Efficacité de décontamination du Decpol® et de la terre de Foulon sur de VX
Concernant la décontamination de l’ypérite, les 2 systèmes sont tout à fait équivalents sur le verre et le textile avec des pourcentages de décontamination aux alentours de 99%. Les contaminations résiduelles sont inférieures au seuil imposé par l’AEP-7 dans les deux cas. Concernant la décontamination du VX les résultats sont tout aussi équivalents.
Comme nous pouvons le constater, ni la terre de foulon, ni Decpol® ne parviennent à décontaminer correctement l’acier inox peint. Il faut noter que la peinture ordinaire utilisée ici n’avait pas les caractéristiques d’une peinture « décontaminable » utilisée maintenant pour les matériels spécialisés.
2- Tests de transfert de contamination
Des éprouvettes de verre de 5 x 15 cm ont été contaminées par 20 gouttes de1 µL de HD (10 g.m-2). Après 5 minutes d’exposition le Decpol® a été utilisé pour essuyer le dépôt par un mouvement de la partie contaminée à la partie propre des lames. Après coupure des lames, HD a été mesuré sur les parties initialement contaminées et les parties dites « propres ». Pour une contamination initiale de 9538.7 mg.m-2, le taux de HD a été mesuré à 51,7 mg.m-2 sur la partie “sale” soit un facteur de décontamination de 99,46%. Sur la partie “propre” le taux était < 1 mg.m-2. On en déduit que le produit toxique n’a pas été transféré sur la partie propre, n’entraînant pas de contamination croisée ou de transfert de la zone sale à une zone propre.
3- Tests de désorption
Ils sont destinés à mesurer la quantité de produit chimique toxique désorbés (relargués) du dispositif de décontamination immédiate.
Fig 3. Cellule d’évaporation en acier inox (schéma)
La terre de Foulon ou le Decpol® ont été déposés dans une cellule tempérée. Un mélange d’azote, d’hydrogène et d’air comprimé a été introduit et les gaz résiduels s’échappant des supports ont été mesurés en chromatographie en phase gazeuse. Le système permet en outre de quantitifier très exactement la dégradation du produit chimique à l’intérieur du support (Decpol® ou terre de Foulon).
Les tests ont été réalisés avec GD à cause de sa volatilité.
En comparaison avec la terre de foulon, les résultats sont les suivants :
Fig 4. Quantité résiduelle de GD à l’intérieur du support Decpol® (en bleu) ou la terre de Foulon (en orange).
On constate sur ce graphique que 2 heures après la contamination du Decpol®, plus de 90 % de GD ont été détruits et qu’en 6 heures ce sont 95 % de GD qui ont été dégradés. Au bout de 24 heures le pourcentage restant est infime. En ce qui concerne la terre de Foulon, en 2 heures, seulement 45 % de GD sont inactivés et 62 % en 6 heures. Après 24 heures il reste encore plus de 20 % de produit toxique.
Pour fixer les idées, un rapide coup d’œil sur le graphe nous montre que l’activité de Decpol® sur GD en 1 heure est équivalente à celle de la terre de Foulon en un jour !
Aucun agent actif n’étant inclus dans la terre de Foulon, ce sont des phénomènes non spécifiques qui interviennent dans la décroissance de la quantité de GD.
Conclusion
Decpol® possède d’excellentes capacités de décontamination par transfert, tout à fait équivalentes à celles de la terre de Foulon. En outre, il ne transfère pas de substance toxique d’un point contaminé à un point non contaminé, évitant ainsi les contaminations croisées.
Ne contenant pas de poudre aérosolisable, il évite la dispersion du contaminant dans l’air et donc le colmatage des masques à gaz dans un environnement clos, pire, l’inhalation des particules contaminées par des personnels non équipés de masques à gaz.
Ses propriétés neutralisantes évitent une dispersion du produit dans l’environnement, néanmoins, le produit doit être considéré et traité comme un déchet contaminé après son utilisation, même si le risque de contamination à son contact est extrêmement réduit.
On peut rappeler que ce produit peut être aussi bien utilisé dans le domaine militaire que dans le domaine civil.