Appelée menace NBC – Nucléaire, Bactériologique ou Biologique, Chimique – pendant la guerre froide, nous l’appelons maintenant la menace NRBCE – Nucléaire, Biologique, Chimique, Explosive.
Au-delà du changement de sigle, c’est aussi un changement de paradigme qui a été réalisé : aux menaces étatiques des « Armes de Destruction Massives » (ADM) sont venues se substituer les menaces terroristes des Armes de Désorganisation Massive.
Qu’est-ce que tout cela signifie ?
1 De NBC à NRBCE
1.1 Risque Nucléaire
Le risque nucléaire ne peut être que d’ordre étatique étant donnée sa complexité. L’explosion d’une bombe nucléaire produit plusieurs effets : thermique, mécanique (souffle), radioactif, électromagnétique. Les rayonnements sont nombreux : alpha, bêta, gamma et neutrons. Les rayonnements de type neutron, en particulier, sont caractéristiques d’une arme nucléaire à vocation militaire. Les conséquences sont tellement dévastatrices. A Hiroshima, le 6 aout 1945, 70 000 personnes sont tuées. La plupart meurt dans les incendies consécutifs à la vague de chaleur. Les autres sont grièvement brûlées et beaucoup d’autres mourront des années plus tard des suites des radiations (on évoque un total de 140 000 morts). A Nagasaki, le 9 aout 1945, ce sont de 60 à 80 000 personnes qui furent tuées. On a bien affaire ici à une arme de destruction massive (ADM).
1.2 Risque Radiologique
L’évolution majeure des années 90 a été la prise en compte de la menace radiologique, issue de la décomposition de la menace nucléaire. Les rayonnements alpha et bêta pouvant être contenus avec une relative facilitée, seuls étaient considérés comme constituant la composante radiologique de la menace nucléaire les rayonnements de type neutron et gamma. L’exposition à une source radioactive n’entraîne aucun effet mécanique mais une irradiation et/ou une contamination par des matières radioactives.
Les particules en suspension dans l’air peuvent être à l’origine de contaminations externes- dépôt sur la peau – et internes- le radioélément peut passer à l’intérieur du corps par inhalation, ingestion ou passage transcutané.
Les effets ne sont pas visibles immédiatement.
Ce risque est lié au concept de bombe sale. Un engin explosif peut répandre autour de lui une source radioactive. Comment peut-on se procurer des radio-isotopes ? Des millions de sources sont utilisées dans le monde (industrie, hôpitaux, recherche). Il faut savoir qu’aux USA une source disparaît chaque jour (perte, abandon, vol) Dans la communauté européenne ce sont 70 sources qui disparaissent par an. Enfin, plusieurs générateurs thermoélectriques à radio-isotope — qui utilisent l’énergie de leur propre désintégration de matières radioactives pour produire de l’électricité et étaient largement utilisées en tant que source d’énergie autonome — ont été noyés en mer pour différentes raisons et au moins un, perdu en 1987 près du cap Nizki de Sakhaline, n’a toujours pas été retrouvé. Toujours en Russie des générateurs thermoélectriques pour les phares des régions isolées (ex-URSS) auraient disparu provoquant l’irradiation de 3 bûcherons en décembre 2001 en Géorgie.
Des bombes sales ont réellement été mises au point : en novembre 1995 à Moscou on a découvert une caisse contenant du césium dans le parc Ismailovsky. En décembre 1998 en Tchétchénie c’est un récipient rempli de matériaux radioactifs attachés à une mine explosive qui a été désamorcée.
Les radiations peuvent aussi servir pour des empoisonnements. On se rappellera l’assassinat au polonium 210 d’Alexandre Litvinenko, ancien agent des services secrets russes opposant de Vladimir Poutine.
1.3 Risque biologique
Il est constitué par l’utilisation de bactéries, virus et toxines.
La contamination est réalisée par gouttelettes, aérosols ou poudre. Dans le cas des maladies infectieuses transmissibles, la transmission d’un individu à l’autre représente un système d’amplification de la maladie (variole, peste). Dans le cas des toxines qui sont des poisons synthétisés par des organismes biologiques, il n’y a pas de transmission d’une personne à l’autre mais le pouvoir toxique et infiniment plus grand que n’importe quel autre produit chimique. Exemple : la ricine
Il existe 3 classes d’agents biologiques
Classe A. Faciles à produire et à disséminer, transmissible d’une personne à l’autre, létalité importante, impact sur la santé publique, panique et perturbations sociales assurées. On citera la maladie du charbon, la variole, la toxine botulinique. Ainsi que la peste, les fièvres hémorragiques, la tularémie).
Classe B. Faciles à disséminer, faible létalité. Ce sont la fièvre Q, l’entérotoxine B du Staphylocoque, les Salmonella, Shigella, choléra…).
Classe C. Facilement produites et disséminables, peu létales, mais au potentiel modifiable. C’est le cas de la tuberculose résistante aux antibiotiques et de nombreux virus (Hantavirus, fièvre jaune…).
Toutes ces maladies présentent une période d’incubation et l’alerte se fait donc à distance temporelle de la contamination initiale. Les méthodes d’identification sur le terrain se multiplient actuellement.
1.4 Risque chimique
On parle ici de produits chimiques industriels et de produits spécialement synthétisés : les agents de guerre.
L’action chimique agit sur les processus biologiques et aboutissent à la mort ou des incapacités permanentes ou temporaires. Ils se présentent sous forme gazeuse, liquide et solide.
Gazeux (agents suffocants, acide cyanhydrique (Zyclon B), chlorure de cyanogène). La pénétration se fait par inhalation, la persistance est nulle mais ils peuvent être piégés dans les vêtements.
Les liquides émettent de la vapeur. Le danger est donc double. Ce sont les neurotoxiques type G (sarin, tabin, soman), les vésicants comme l’ypérite et le lewisite.
D’autres sont liquides ou solides et peuvent être diffusés par aérosol (inhalation, transcutané). Parmi eux, le VX très persistant.
Dans le risque chimique on inclut les risques liés à l’activité industrielle. On se souvient des grandes catastrophes industrielles de Feyzin (France) le 4 janvier 1966, de Seveso (Italie) le 10 juillet 1976, Bhopal (Inde) le 3 décembre 1984 et Toulouse (France) le 21 septembre 2001. Des accidents de moindre ampleur sont très fréquemment répertoriés.
1.5 Risque explosif
Les attentats à la voiture piégée avaient déjà fait la preuve de leur efficacité au Liban, en Irlande du Nord ou au Sri Lanka. Les attentats suicides liés à la 2ème intifada au Moyen-Orient ont posé la question de l’intégration des explosifs dans les ADM. Même si les explosifs sont avant tout des produits chimiques, ils ont été individualisés pour former le risque E. Le risque terroriste par explosif est donc bien réel. L’attentat à l’explosif est le plus probable et le plus courant car le plus facile à perpétrer. La détection des explosifs est donc devenue une priorité des services de sécurité.
Pourtant, ce n’est qu’après les attentats du 11 septembre et la prise en compte globale de la menace terroriste par la puissance américaine que les spécialistes commencent à parler de menace nucléaire, radiologique, biologique, chimique et explosive (NRBCE).
2. Changement de sémantique ou changement de paradigme ?
Jusqu’alors, les ADM apparaissaient comme des armes régaliennes dont l’usage ne se concevait que dans le cadre de conflits entre États. Depuis les attentats au gaz sarin de la secte Aum Shinrikyo au Japon (1995), la menace de l’utilisation d’agents chimiques ou biologiques par des terroristes est prise au sérieux et devient l’un des moteurs affichés des efforts sécuritaires sur le plan intérieur comme sur celui des relations internationales.
A l’heure actuelle les menaces NRBCE s’appliquent donc au terrorisme et les Armes de Destruction Massive (ADM) deviennent plus des Armes de Désorganisation Massive.
En allant plus loin dans la réflexion, si on considère que les ADM sont maintenant clairement liées au terrorisme, tout individu en possession d’un engin explosif improvisé ou au volant d’un véhicule suicide serait de facto un « terroriste » et non plus un combattant.
De plus, si on veut lutter contre la prolifération des ADM, il faut clairement y inclure les explosifs et donc surveiller de près des produits industriels comme le nitrate d’ammonium majoritairement utilisé comme engrais chimique.
3. Les traités
Le protocole de Genève en 1925 interdit l’emploi des armes chimiques et biologiques (interdit l’emploi mais pas le stockage). Pendant la 2ème guerre mondiale aucun belligérant ne l’a employé certainement à cause du caractère dissuasif des stocks constitués.
La convention sur l’interdiction des armes biologiques et à toxine CIABT a été signé en 1972 par 175 états. Aucune vérification n’est prévue, les USA s’y étant opposés. Ce traité n’a pas toujours été respecté : les Russes ont développé Biopreparat entre 1970 et 1990 bien qu’étant signataires.
L’ouverture à la signature de la CIAC (Convention d’Interdiction des Armes Chimiques) en 1993 marque la fin de la course aux armements et 192 états l’ont signé. L’OIAC, Organisation pour l’Interdiction des Armes Chimiques est chargée d’inspecter les sites chimiques.
Les 2 traités interdisent la production, le stockage et l’emploi des armes chimiques et biologiques (sauf à des fins de protection).
Il n’existe pas de convention sur l’interdiction des armes nucléaires car elles calibrent le rang mondial de leurs détenteurs. Pas de convention non plus sur l’utilisation des matières radioactives.
Bibliographie :
Gaël Marchand. De la menace NRBC à la menace NRBCE : glissement sémantique ou changement de perspective ? http://strato-analyse.org/fr/spip.php?article143
Sylvain Degraeve. La menace NRBC et les réponses de la chaîne de secours? Session tutoriale N°9 SFRP. Congrès de Nantes 14-15-juin 2005
2 commentaires
Bonjour, Merci de m’avoir cité dans votre article qui est intéressant. Toutefois, sans vous offenser mon nom s’écrit DEGRAEVE et non DEGREAVE et il s’agit du congrès de Nantes et non de Nates. Bien à vous.
Je vous prie de m’excuser, j’ai fait les corrections nécessaires.
Bien à vous
F. Renaud