Introduction
L’actualité récente de ce début d’été 2025 nous rappelle que le risque d’intoxication alimentaire est bien présent et que celui-ci peut aboutir à des conséquences dramatiques.
Après la découverte de pizzas contaminées il y a quelques années, une série d’intoxications alimentaires entrainant une trentaine de victimes, une dizaine d’hospitalisation et le décès d’un enfant a été signalée en France dans le département de l’Aisne. La bactérie Escherichia Coli a rapidement été incriminée. Une alerte sanitaire et une enquête ont permis de remonter à la source de contamination et de lancer une alerte sanitaire nationale. Il s’agirait de boucheries ayant commercialisé de la viande contaminée par cette bactérie.

Qu’est-ce que la bactérie Escherichia Coli (E.Coli) ?

Un peu d’histoire :
On a pu reconstruire le génome de cette bactérie sur des fragments de momie datant du 16ieme siècle. Par contre on trouve peu de littérature sur d’éventuelles épidémies liées à cette bactérie. Cette bactérie a été isolée en 1885 par le pédiatre et bactériologiste allemand Theodor Escherich (1857–1911) qui effectuait des recherches sur la flore intestinale des nouveaux nés.
C’est un germe commensal, c’est-à-dire vivant en bonne intelligence avec son hôte.
C’est une bactérie (Gram négative) présente dans le microbiote intestinal des animaux à sang chaud et des humains. Il en existe plusieurs souches heureusement inoffensives pour la grande majorité d’entre elles. Elles ont mêmes des propriétés particulièrement intéressantes notamment sur :
- La digestion de certains nutriments
- La production de vitamine K2
- La protection contre des bactéries pathogènes.
Cependant, certaines bactéries, ayant acquis des facteurs de virulence, entrainent la libération de toxines (Shiga toxines) qui vont venir léser les cellules des vaisseaux sanguins au niveau intestinal et rénal. On parle alors d’E Coli entérohémorragiques (ECEH).
D’autres souches possèdent des pouvoirs pathogènes (il en existe plus de 100 répertoriées) :
- ETEC (Enterotoxigenic E. coli) : cause la “tourista” ou diarrhée du voyageur.
- EPEC, EIEC, UPEC, etc. : selon le site d’infection (intestins, voies urinaires…).
Ce que l’on sait moins c’est que ces bactéries sont fréquemment manipulées et utilisées dans l’industrie. Pour notamment la production de biocarburants et bio plastiques, production de vaccins et protéines thérapeutiques (insuline, hormone de croissance), production de lessive, de bière, et dans l’alimentation.
Un petit focus sur l’utilisation de cette bactérie en génie génétique : Cette bactérie possède des qualités particulières. Elle est facile à cultiver, son ADN peut se manipuler facilement, de nombreux outils sont disponibles pour obtenir des productions de masse de protéines étrangères.
Quels sont les modes de transmission ?
La contamination est essentiellement digestive par l’ingestion d’’aliments contaminés (viandes
insuffisamment cuites, plus rarement par des végétaux non lavés contaminés par les matières fécales du bétail, eau insuffisamment purifiée…)
Il peut exister une transmission interhumaine souvent observée au sein des collectivités.
Qu’observe t-on ?
Les symptômes sont les suivants, trois à quatre jours après la contamination, apparition de diarrhées, de douleurs abdominales, de vomissements et facultativement de fièvre. Les diarrhées peuvent être
sanglantes à type de colite hémorragiques. Dans le meilleur des cas l’évolution est favorable et le traitement symptomatique. Une forme sévère peut se développer appelée Syndrome hémolytique et urémique (SHU), c’est précisément ce qui s’est passé dans l’Aisne. Dans certains cas, les symptômes peuvent apparaitre jusqu’à 10 jours après la contamination.
Qui est concerné ?
Tout le monde mais …
Les cas les plus graves concernent les jeunes enfants, les personnes affaiblies, les personnes âgées …la population susceptible de présenter un certain déficit immunitaire.
Comment diagnostiquer la maladie ?
L’examen clinique, et la concordance avec des habitudes alimentaires (viande crue, légumes non lavés
…), l’apparition de cas identiques dans l’entourage sans que ces éléments soient obligatoirement retrouvés doit faire penser à une intoxication par ECEH. L’examen complémentaire principal est l’analyse des selles en laboratoire pour détecter les E Coli. Comme celles-ci sont extrêmement nombreuses dans le tube digestif, il faut les différencier pour détecter les ECEH (on peut isoler celles qui possèdent le gène codant la Shiga toxine ou détecter la Shiga toxine elle-même).
Quel est le traitement proposé ?
Les antibiotiques ne sont pas systématiques, ils sont souvent contrindiqués car en détruisant les bactéries, ils peuvent favoriser la libération de la toxine1. Certains antibiotiques spécifiques peuvent être administrés en fonction de la gravité des symptômes.
Le traitement est celui, symptomatique des diarrhées en favorisant la réhydratation des patients (tout en évitant les antidiarrhéiques afin de favoriser l’élimination de la toxine par les selles.).
Les troubles liés aux SHU nécessitent des traitements de réanimation plus poussés (dialyse transfusions, épuration plasmatique…).
Une piste de traitement repose sur l’administration d’anticorps de synthèse.
Existe-t-il une prévention ?
Le réservoir principal est le tube digestif des bovins2. Il est difficile de supprimer l’incidence des ECEH au sein des élevages ! Si des tests sont effectués et reviennent positifs ; il est possible d’appliquer à la viande un traitement thermique ou une irradiation.
L’essentiel de la prévention réside dans la stricte application de mesures d’hygiène alimentaire
Pour les jeunes enfants on déconseille la consommation de la viande crue ou peu cuite, ainsi que la
consommation de fromage au lait cru.
Les antibiotiques en prophylaxie sont déconseillés sauf en cas d’attente du système immunitaire.
Quel est la fréquence de la maladie ?
En France on dénombre environ de 150 à 200 cas graves par an, aux Etats-Unis on a dénombré 265 000 infections sur une seule année3 à EColi productrice de Shiga toxine sans que tous ces cas aboutissent à des formes gravissimes.
On estime que, pour 10% des patients, l’infection à E.coli (productrice) de Shiga toxines peut évoluer en SHU, avec un taux de létalité de 3 à 5%, résume l’Organisation mondiale de la santé (OMS)4.
Et le B de NRBC dans tout cela ?
Vu les caractéristqiues de cette bactérie, (production aisée, manipulation génétique facile pour produire des toxines …) peut-on envisager une utilisation de celle-ci comme arme biologique ?
En théorie oui mais, pour en faire une arme il faut un haut niveau de compétence en génie génétique, les risques sont présents pour les manipulateurs et il existe des contres mesures médicales, de plus les moyens de détection par les autorités sanitaires existent. Cette bactérie n’est donc pas à ce jour un agent de bioterrorisme prioritaire. Ce qui n’exclut pas une grande vigilance quant à sa surveillance.
Focus sur la classification des agents biologiques
Pour mémoire, les agents pathogènes sont classés en catégories :
- Le groupe 1 : agents biologiques non susceptibles de provoquer une maladie chez l’homme.
- Le groupe 2 : agents biologiques pouvant provoquer une maladie chez l’homme, leur propagation dans la collectivité est peu probable, il existe des contremesures efficaces.
- Le groupe 3 : agents biologiques pouvant provoquer des maladies graves chez l’homme et constituent un danger sérieux pour les travailleurs, la propagation dans la collectivité est possible, il existe généralement des mesures de prévention et de traitement efficace.
- Le groupe 4 : agents biologiques provoquant des maladies graves. Ils constituent un danger sérieux pour les travailleurs, Le risque de propagation dans la collectivité est élevé, il n’existe ni prophylaxie ni traitement efficace.5
Escherichia Coli est classée en catégorie 2, par contre ses souches hautement pathogènes sont
classées en catégorie 36.
Que retenir
Escherichia Coli est une bactérie extrêmement fréquente et indispensable à la vie ;
- Ce n’est pas la bactérie qui est dangereuse mais la toxine qu’elle secrète ;
- Des traitements efficaces existent et sont d’autant plus efficaces que la maladie a été diagnostiquée précocement ;
- Les antibiotiques ne sont pas systématiques et peuvent aggraver les SHU ;
- Il faut rester vigilant quant aux manipulations génétiques de cette bactérie ;
- Les mesures d’hygiène élémentaires permettent comme souvent dans le domaine biologique une prévention efficace.
Petit glossaire des abréviations :
- Escherichia Coli : E. Coli
- Syndrome hémolytique et urémique : SHU
- Enterohemorrhagic E. coli : EHEC
Bibliographie
- Oberc AM, Fiebig-Comyn AA, Tsai CN, Elhenawy W, Coombes BK. Antibiotics Potentiate
Adherent-Invasive E. coli Infection and Expansion. Inflamm Bowel Dis. 2019 Mar
14;25(4):711-721. doi: 10.1093/ibd/izy361. PMID: 30496418. ↩︎ - Kolenda R, Burdukiewicz M, Schierack P. A systematic review and meta-analysis of the
epidemiology of pathogenic Escherichia coli of calves and the role of calves as reservoirs for human pathogenic E. coli. Front Cell Infect Microbiol. 2015 Mar 12;5:23. doi:
10.3389/fcimb.2015.00023. PMID: 25815276; PMCID: PMC4357325. ↩︎ - https://my.clevelandclinic.org/health/diseases/16638-e-coli-infection ↩︎
- Par AFP le 31.03.2022 à 11h32 ↩︎
- https://www.inrs.fr/dms/inrs/CataloguePapier/DMT/TI-TO-30/to30.pdf ↩︎
- https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000044454319 ↩︎
Rédacteur : Bruno Garrigue