L’arme biologique
Bacillus anthracis est considéré comme l’une des meilleures armes biologiques de la famille des armes NRBCe : ses spores…
L’arme biologique
Bacillus anthracis est considéré comme l’une des meilleures armes biologiques de la famille des armes NRBCe : ses spores sont très résistantes à la chaleur, au dessèchement, aux acides, aux bases, à la pression et au temps (plusieurs centaines d’années). Inhalées, elles provoquent des infections respiratoires mortelles.
Pendant la seconde guerre mondiale, le Royaume Uni a testé la fiabilité d’une telle arme dans des conditions réelles d’utilisation en fixant un échantillon de la souche bactérienne sur un explosif actionné par un détonateur électrique. Le but de l’expérience était de tester le pouvoir infectieux des bactéries après leur dissémination dans l’air après l’explosion.
Les essais
Le lieu choisi a été l’île de Gruinard. Située au nord ouest de l’Ecosse, c’est une petite île rocailleuse de 2 km de long uniquement utilisée pour y faire paître des moutons. La dérive du nuage de spores dans le vent a été mesurée par des capteurs positionnés à proximités des moutons attachés en ligne à différentes distances de la bombe. Après l’explosion, les moutons ont été transférés loin de la source de contamination pour être examinés : les plus contaminés sont morts d’infections pulmonaires. Les essais se sont prolongés jusqu’au 22 aout 1943.
La contamination NRBCe de l’ile
Des échantillons de sol prélevés en 1943, 1944 et 1946 ont montré des niveaux élevés de contamination et tout portait à croire que cette contamination pouvait se prolonger très longtemps. L’île a alors été achetée par le gouvernement pour la somme de 500 livres avec la promesse de la revendre au même prix à son propriétaire 6 mois après qu’elle soit déclarée saine.
Les prélèvements annuels de 1947 jusqu’à 1968 n’ont montré aucune décroissance ni dans la quantité de spores, ni dans leur pouvoir infectieux. En 1979 l’île a été confiée au « Chemical Defence Establishment ». Leurs prélèvements ont montré que les spores étaient principalement concentrées aux alentours des points d’explosion ce qui discrédite la thèse d’une contamination totale de l’île comme cela a été dit. Le CDE mit au point une nouvelle technique de numération des spores dans le sol capable de détecter un minimum de 3 spores par gramme de terre et permettant aussi de mesurer leur nombre dans la profondeur du terrain. C’est ainsi qu’ils ont montré que les spores étaient présentes seulement sur 1,1 hectare représentant environ 0,5 % de la surface de l’île et qu’elles étaient situées seulement sur une profondeur de 5 cm. Il a donc été décidé de décontaminer l’île.
Les expériences préliminaires
Plusieurs sporicides chimiques ont été envisagés :
– les oxydants comme l’hypochlorite de sodium ou le permanganate de potassium ont été rejetés car rapidement inactivés par les substances organiques de la tourbe ;
– la bêta propionolactone trop couteuse ;
– 4 substances ont finalement été testées : l’acide perchlorique utilisé classiquement par le laboratoire central vétérinaire, la dodécylamine, non sporicide mais qui provoque leur germination en bacilles beaucoup plus fragiles et donc leur élimination, la glutaraldéhyde et le formaldéhyde dénaturant les protéines sporales.
Le formaldéhyde est l’agent le plus efficace : elle est capable de tuer les micro-organismes dans le sol à la concentration de 5 %. Disponible, peu onéreuse on peut la diluer dans l’eau de mer et elle ne laisse pas de résidus toxiques.
En 1983, les premiers essais sur des surfaces de 3×3 ont montré qu’il fallait appliquer 50 L/M2 d’une solution à 5 % pour obtenir de bons résultats.
Un comité indépendant a validé les expériences préliminaires mais a demandé la décontamination d’une surface plus grande (3,7 ha au lieu des 1,1 prévus) ainsi que le traitement du lieu où étaient transportés les animaux pour les isoler, ce qui a porté à 4,1 ha la surface totale à décontaminer.
La décontamination NRBCe proprement dite
C’est le système Languard qui a été utilisé ; un système de pulvérisation douce distribue du formaldéhyde à 5 % (solution mère à 37 % diluée dans de l’eau de mer) sur un sol préalablement désherbé et brûlé afin que le produit soit correctement réparti et ne gêne pas la repousse de la végétation. Les lots ont été traités séparément pendant 2 heures par applications successives de 10 minutes afin d’éviter le ruissellement du produit. La décontamination totale a duré 2 mois.
Les résultats
Deux mois après le traitement, seuls 9 prélèvements sur 284 préalablement positifs ont montré des quantités de spores très faibles. Chacun de ces sites a été retraité avec de la formaline non diluée et en octobre 1987 aucune trace de spore n’a été détectée. De l’herbe a été semée en octobre 1986 et entre mai et octobre 1987 des brebis ont été mises à paître sur le site et aucune d’entre elles n’a été malade. De plus, les lapins sauvages ont largement proliféré montrant que le succès a été total.
R.J. Manchee and W.D.P. Stewart. The decontamination of Gruinard Island . Chemistry in Britain. July 1988, 690-691.
2 commentaires
Bonjour Est-ce l’ile est maintenant ouverte au tourisme ?
Cordialement
Elle l’est, mais reste peu attrayante