Le cas syrien
Le cas syrien représente un défi majeur pour l’OIAC, particulièrement en raison de l’utilisation récurrente d’armes chimiques pendant le conflit qui dure depuis 2011. La Syrie, un État signataire de la CIAC depuis 2013, a été accusée à plusieurs reprises d’avoir utilisé des armes chimiques contre sa propre population. Voici les perspectives pour l’OIAC dans ce contexte :
- Le rôle de l’OIAC en Syrie : En 2013, après une attaque chimique présumée dans la Ghouta orientale, la Syrie a signé la Convention sur l’Interdiction des Armes Chimiques et accepté de détruire son arsenal chimique. L’OIAC, en collaboration avec l’Organisation des Nations Unies (ONU), a supervisé cette destruction. Toutefois, la communauté internationale a identifié de possibles lacunes et des irrégularités dans la déclaration des stocks chimiques.
- Le Directeur Général de l’OIAC a mis en place le 29 avril 2014, une équipe d’évaluation de la déclaration syrienne (la DAT : Déclaration Assessment Team) qui est une équipe pluridisciplinaire composée d’experts du Secrétariat technique de l’OIAC. Le mandat de la DAT est de vérifier si les déclarations soumises par la République arabe syrienne sont exactes et complètes. La DAT échange avec les autorités compétentes de la République arabe syrienne sur les lacunes, les incohérences et les divergences identifiées par le secrétariat technique dans la déclaration initiale de la Syrie (2013) concernant son programme d’armes chimiques. Le DAT fait régulièrement rapport aux États membres de l’OIAC et à d’autres organismes internationaux. Néanmoins, des allégations régulières d’utilisation d’armes chimiques ont persisté, notamment en 2017 et 2018.
- L’OIAC s’est également doté d’une autre capacité ce même 29 avril 2014, en créant la mission d’établissement des faits (FFM : Fact-Finding Mission) de l’OIAC qui est chargée de déterminer si des produits chimiques toxiques ont été utilisés comme armes en République arabe syrienne. Son mandat n’inclut pas l’identification des responsables des attaques présumées.
- Sur la base des conclusions de la FFM, c’est l’équipe d’enquête et d’identification de l’OIAC (IIT: Investigation and Identification Team), créée le 27 Juin 2018 qui recueille et analyse les éléments de preuve susceptibles d’aider à identifier les auteurs des attaques aux armes chimiques en Syrie (comme le faisait auparavant le mécanisme d’enquête conjoint OIAC-ONU (JIM)).
- Les limites de l’OIAC face aux accusations et aux violations : L’un des défis majeurs de l’OIAC dans le contexte syrien réside dans les accusations répétées d’utilisation d’armes chimiques par le régime de Bachar al-Assad. Bien que l’OIAC ait confirmé certaines attaques chimiques (comme l’attaque de Khan Sheikhoun en 2017), l’accès limité à certaines zones, l’opposition du gouvernement syrien à certaines inspections, et la complexité géopolitique rendent les enquêtes difficiles. L’OIAC doit faire face à des obstacles politiques considérables, notamment à cause du veto russe au Conseil de sécurité de l’ONU, qui protège le régime syrien.
La visite du Directeur Général de l’OIAC en Syrie, un tournant dans les relations entre la Syrie et l’OIAC ?
- L’impact de la chute de Bachar el-Assad : Le pouvoir de Bachar el-Assad s’est effondré le dimanche 08 décembre 2024 suite à une offensive de groupes rebelles armés. Suite à la chute de Bachar el-Assad, il est possible que la dynamique de la guerre civile syrienne et la position de la Syrie vis-à-vis de la CIAC changent. La transition politique pourrait entraîner un renouvellement des engagements envers la communauté internationale, y compris un renforcement de la coopération avec l’OIAC pour garantir la destruction complète des stocks d’armes chimiques, si ce n’est déjà fait. En revanche, une telle transition pourrait aussi engendrer de nouvelles tensions, notamment en raison de l’implication d’acteurs extérieurs qui auraient des intérêts divergents, sans oublier le risque de prolifération des armes chimiques non déclarées comme l’indique le ministère des affaires étrangères[1].
- Visite du Directeur Général de l’OIAC en Syrie en date du 08 Février 2025 : Après la chute de Bachar el-Assad un nouveau gouvernement de transition a été mis en place pour une durée de trois mois. Ahmed al-Charaa a été nommé « président pour la phase de transition », il est chargé de former un « conseil législatif intérimaire », après avoir annoncé la dissolution du Parlement et le gel de la Constitution de 2012.À l’invitation du ministre syrien des affaires étrangères intérimaire, le directeur général de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC), l’ambassadeur Fernando Arias, vient de se rendre à Damas pour rencontrer Ahmad al-Sharaa, et le ministre intérimaire des affaires étrangères, Asaad Hassan al-Shaibani. Cette visite marque une première étape vers le rétablissement d’une relation de travail directe entre le secrétariat technique de l’OIAC et la Syrie, après onze années de stagnation et d’absence de progrès avec les anciennes autorités. « Cette visite marque un nouveau départ. Après onze années d’obstruction de la part des autorités précédentes, les autorités syriennes intérimaires ont la possibilité de tourner la page et de respecter les obligations de la Syrie au titre de la convention », a déclaré le directeur général, M. Arias[2]. Espérons que cette visite établira de nouvelles fondations pour une collaboration transparente et efficace visant à clore définitivement le dossier des armes chimiques syriennes gage de stabilité régionale et au maintien à la sécurité internationale.
Conclusion
L’avenir de l’OIAC dépend de la poursuite de ses missions de vérification, de prévention de la prolifération et de réponse aux violations. En ce qui concerne la Syrie, l’organisation se trouve à un carrefour critique, entre la nécessité de garantir la destruction complète des stocks d’armes chimiques et des défis complexes à la fois géopolitiques et diplomatiques. Dans la transition politique conduite par la nouvelle administration de la République arabe syrienne, l’OIAC pourrait jouer un rôle central dans la reconstruction de la confiance internationale, qui s’est émoussée depuis que OIAC s’est vue décernée le prix Nobel de la paix en 2013 pour « ses efforts considérables en vue d’éliminer les armes chimiques » notamment en Syrie.
[1] Syrie – Armes chimiques (12.12.24) – Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères
[2] OPCW Director-General visits Syria; meets with Syrian caretaker authorities to discuss next steps in eliminating Syria’s chemical weapons programme | OPCW