Note importante : avant d’ouvrir ce nouveau chapitre, nous venons d’apprendre qu’un terrible tremblement de terre vient d’avoir lieu au Maroc. Si les conséquences directes sont dramatiques avec, pour le moment (10/09/23) plus de 2000 morts, les conséquences sanitaires et en particulier le développement d’épidémies sont à venir : nous vous invitons à relire l’article que nous avons consacré à ce sujet en suivant ce lien.
Un cas de dengue a été identifié dans la métropole de Lyon, à Couzon-au-Mont-d’or au mois d’aout. La commune précise que c’est un « cas importé » en provenance de Martinique cela signifie que la personne a contracté la maladie en se faisant piquer par un moustique dans un pays où sévit l’endémie.
De quoi est-il question ?
Depuis 2010, une trentaine de « cas autochtones », le malade n’ayant jamais voyagé dans un pays contaminé par la dengue a déjà été détectée dans les Alpes-Maritimes, le Var, les Bouches du Rhône, l’Hérault et le Gard.
En 2022, ce sont 66 cas autochtones qui ont été déclarés, touchant de nouveaux départements comme la Haute Garonne, les Hautes-Pyrénées ou les Pyrénées orientales.
Il semble donc que la maladie s’installe durablement en France. Rien que dans le Rhône, 13 cas de dengue ont été détectés de mai à Août dans le département du Rhône
La dengue est transmise par le moustique tigre tout comme 2 autres maladies à arbovirus : Zika et Chikungunya.
En fait, l’augmentation du nombre de cas de Dengue en France est corrélée à l’augmentation de la colonisation des espaces par le moustique tigre (Aedes albopictus), lequel colonisait au 1 janvier 2023, 71 des 96 départements de France métropolitaine. Dans les Amériques, 2,8 millions de cas de dengue ont été identifiés en 2022, soit plus du double qu’en 2021 et le Pérou est victime d’une épidémie sans précédent.
Les effets du changement climatique sur la santé de l’homme
Le changement climatique a une influence sur la santé humaine en perturbant les écosystèmes et les impacts directs sont plus fréquents et plus intenses. Les impact indirects, c’est-à-dire les effets sur les systèmes naturels comme la qualité de l’air, la disponibilité de l’eau, la biodiversité, la production alimentaire jouent aussi une part importante.
Les canicules et la hausse continue des températures dépassent les capacités de la thermorégulation : la mortalité augmente par l’effet combiné du vieillissement de la population et l’intensification des période de canicule.
Les évènements climatiques extrêmes : tempêtes, inondations, sécheresses, incendies provoquent des décès directs et indirects par :
- la pollution de l’air (particules fines) ;
- la propagation des maladies véhiculées par l’eau (Leptospirose, choléra..) ;
- les conséquence de la dénutrition due à la famine ;
- les traumatismes liés à la santé mentale…
La disponibilité de nouvelles ressources en eau favorise l’émergence des pathologies infectieuses à transmission hydrique (gastroentérites, dysenteries bacillaires ou parasitaires).
L’insécurité alimentaire est la conséquence des crises agricoles, de la pèche et de l’élevage (sécheresse, diminution des rendements…). La migration des stocks de poissons vers les pôles privent les populations tropicales de leur source alimentaire principale.
Pathogènes, hôtes/vecteurs, et modalités de transmission à l’homme
De plus en plus d’études montrent le lien entre le changement climatique et la menace croissante des zoonoses, c’est-à-dire des maladies transmises de l’animal à l’homme.
Le changement climatique, impacte plusieurs facteurs, notamment environnementaux, et entraîne des changements dans la distribution spatio-temporelle des maladies infectieuses ainsi que dans la fréquence et la sévérité des épidémies. Ces modifications vont surtout agir sur la survie, la reproduction, le cycle de vie et l’habitat des hôtes transmettant les maladies.
Par exemple, il a été montré que les conditions climatiques étaient plus favorables à la transmission du virus de la Dengue et du parasite Plasmodium falciparum responsable du paludisme à l’échelle globale depuis 1950 : la capacité vectorielle du moustique tigre pour la transmission de la dengue à augmenté de 19 % au niveau mondial et de 40 % en Europe. Pour le paludisme, la capacité vectorielle d’Aedes a augmenté de près de 150% dans la région du pacifique occidental.
Le changement climatique permet l’allongement de la période d’activité des moustiques (actuellement mai à septembre) et la température élevée favorise la multiplication des virus dans les moustiques.
Comment évoluent les pathologies infectieuses sous l’effet du changement climatique ?
Maladie de Lyme
L’incidence de la maladie de Lyme (transmise par la tique du genre Ixodes) augmente dans plusieurs régions du nord de l’Europe et en altitude, très certainement favorisée par l’adoucissement des températures hivernales.
En Amérique du Nord, le réchauffement des températures élargit l’aire de répartition des tiques porteuses de la maladie de Lyme.
Le réchauffement contribue à étendre l’aire de répartition géographique de la maladie. Les tiques se développent à des températures supérieures à 7,2 °C et dans des climats plus humides, de sorte que le réchauffement de l’Amérique du Nord offre des habitats plus favorables à ces tiques. Comme pour les moustiques, un climat plus chaud peut accélérer le temps nécessaire pour qu’une jeune tique devienne adulte, ce qui raccourcit le cycle de reproduction global. De même, des hivers plus doux permettent à certaines tiques de survivre à la saison froide et de rester actives plus longtemps chaque année. Le changement climatique peut également affecter d’autres facteurs environnementaux, tels que les niveaux de population de cerfs et d’autres hôtes.
Avec l’augmentation de la température moyenne dans le monde, le nombre de nouveaux cas de maladie de Lyme signalés aux Centers for Disease Control and Prevention (CDC) aux États-Unis a presque doublé depuis le début des années 1990, pour atteindre environ 30 000 cas par an.
Au Canada, le nombre de cas est passé de quelques centaines à plusieurs milliers ces dernières années.
Dengue et Chikungunya
Comme on l’a vu en introduction, ces maladies à arbovirus ont proliféré en France mais aussi dans le sud de l’Allemagne, en Italie et en Croatie. Le réchauffement climatique crée également les conditions favorables au retour des moustiques A. albopictus et A. aegypti en Europe. Une fois le vecteur établi, des cas de transmission autochtone peuvent se déclarer si l’agent pathogène a été importé par des personnes infectées en zones d’endémie (cas importés).
En Asie du Sud-Est, les cas de dengue sont montés en flèche, car les saisons des pluies plus longues et les inondations plus fréquentes et plus graves, permettent aux moustiques de prospérer.
Les moustiques Aedes se développent dans des environnements chauds et humides. Avec l’augmentation des températures, les insectes peuvent survivre dans des zones qui étaient auparavant trop fraîches pour eux. Les températures plus chaudes réduisent également le temps nécessaire aux jeunes moustiques pour devenir des adultes vecteurs de maladies. En outre, les moustiques pondent généralement leurs œufs dans les eaux stagnantes, de sorte que les inondations peuvent entraîner une augmentation des cas de dengue à mesure que la population de moustiques s’accroît.
Les cas peuvent également augmenter en cas de sécheresse, car les gens sont plus enclins à stocker de l’eau dans des récipients, où les moustiques préfèrent pondre leurs œufs.
Hantavirus
C’est une maladie virale des rongeurs. Il donne chez l’homme des infections pulmonaires (toux, essoufflement) ou des fièvres hémorragiques avec syndrome rénal qui peuvent être sévères. La contamination se fait par contact avec les rongeurs malades ou leurs déjections ainsi que par l’inhalation des particules virales aérosolisées provenant d’excréments de rongeurs. Les facteurs climatiques tels que l’augmentation des températures estivales et automnales ou l’abondance des précipitations peuvent être à l’origine de la recrudescence de la maladie. Dans plusieurs zones d’Europe, on a déjà observé une association entre un climat plus chaud et l’infection à Hantavirus,
En Amérique du Sud, on craint que la variabilité accrue des précipitations n’entraîne une augmentation des cas de maladies à Hantavirus transmises par les rongeurs.
Ces dernières années, on a constaté une augmentation de la transmission de personne à personne de l’Hantavirus des Andes, que l’on trouve en Argentine et au Chili.
Vibrio spp.
Ils sont responsables de maladies à transmission hydrique qui ont augmenté ces dernières années notamment en mer Baltique, où depuis 2018, l’ensemble du littoral est propice à la prolifération de la bactérie en raison du réchauffement de l’eau en surface. Les infections cutanées sont généralement bénignes, mais des cas mortels de septicémie ont également été observés ces dernières années chez des patients immunodéprimés.
Ebola
De nombreux effets du changement climatique devraient offrir de meilleures conditions aux animaux porteurs de la maladie. Par exemple, un climat plus chaud et plus humide dans les forêts de la République Démocratique du Congo (RDC) pourrait produire plus de végétation pour nourrir plus d’animaux hôtes. Le virus a donc plus de chances de passer à l’homme. Les précédentes épidémies d’Ebola ont coïncidé avec le passage de saisons sèches à des périodes de fortes précipitations.
Dans le même temps, les habitants des régions connaissant des sécheresses plus fréquentes pourraient souffrir d’insécurité alimentaire. Cela pourrait les pousser à s’enfoncer davantage dans les zones forestières à la recherche de viande de brousse (viande crue ou peu transformée d’animaux tels que les chauves-souris et les singes) et d’autres aliments, ce qui les exposerait à un risque accru d’entrer en contact avec le virus.
Conclusion
On constate que les maladies infectieuses qui s’étendent sous l’action du changement climatiques sont surtout celles qui font intervenir un hôte intermédiaire comme les moustiques, les tiques, les rongeurs, voire les chauve-souris. Sous l’action de l’augmentation de la température ou au changement d’humidité les aires géographiques se modifient. Cependant, ces phénomènes sont relativement récents et il faut tenir compte aussi de l’évolution des pratiques humaines et des développements sociaux économiques qui peuvent constituer la source de leur émergence et le moteur de leur possible propagation.
Bibliographie
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C. Klobucitsta and L. Maizland, Perilous pathogens : how climate change is increasing the threat of diseases, Council on foreign relations, 2022.
JF Guégan, Impacts sur l’épidémiologie des maladies infectieuses et risques épidémiques émergents, LPM formation, 2021.
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