Dans le cadre des JO de 2020, le Japon se prépare au bioterrorisme.
Dans une mini-revue parue dans « ADC Letters for infectious disease control », Eto A. et Kanatani Y. nous montrent comment le Japon se prépare à un éventuel attentat bioterroriste.
La stratégie pour faire du Japon « le pays le plus sûr du monde » repose sur un projet pilote «Sakigake» destiné à la promotion du développement de médicaments et autres dispositifs médicaux innovants. Le renforcement des contre-mesures médicales destinées à lutter contre l’apparition naturelle de foyers épidémiques implique aussi une surveillance accrue du bioterrorisme et donc la mise en œuvre d’agents thérapeutiques ou prophylactiques contre les germes du bioterrorisme plus rarement rencontrés.
C’est pour nous aussi l’occasion de bien faire la distinction entre une épidémie naturelle et une épidémie provoquée par un acte bioterroriste.
Le Japon et le bioterrorisme
En 1993, soit 8 années avant les attentats aux enveloppes contenant du bacille du charbon, aux États-Unis, la secte Aum avait aérosolisé des spores de Bacillus anthracis à partir du toit d’un immeuble de Kameido près de Tokyo. Seule l’odeur épouvantable avait attiré l’attention des habitants. Il n’y eut pas de victimes et c’est seulement au début des années 2000 que des prélèvements environnementaux ont révélé la présence de la souche pathogène. Vingt années se sont écoulées : les attentats bioterroristes de grande ampleur sont rares et c’est pourquoi il faut mettre à profit les temps de paix pour mettre au point des contre-mesures médicales spécifiquement destinées au bioterrorisme.
Qu’est-ce que le bioterrorisme ?
C’est la dissémination intentionnelle d’agents biologiques (virus, bactéries, champignons et toxines).
Les caractéristiques des épidémies consécutives au bioterrorisme sont les suivantes :
- La contamination causée par une exposition unique à des agents biologiques peut être mise en évidence à différents endroits à cause de la période de latence entre la dispersion de l’agent et l’infection proprement dite
- La maladie déclarée peut être différente en fonction des individus compte tenu de leur état de santé et en particulier de leur statut immunitaire vis-à-vis de l’agent
- Le nombre de patients peut augmenter en fonction des infections secondaires
- La distinction entre infection naturelle et infection due au bioterrorisme peut se révéler parfois très difficile à réaliser
- Il existe parfois des médicaments prophylactiques et/ou des vaccins
- Le risque de voir apparaître des germes à virulence augmentée (pouvoir infectieux, résistance aux antibiotiques…) par utilisation des nouveaux outils de biologie moléculaire n’est pas nul (Crispr/Cas9).
Tous ces points doivent être pris en compte lorsqu’on veut renforcer les contre-mesures médicales spécifiques au bioterrorisme.
Aperçu des contre-mesures médicales contre le bioterrorisme
L’effort porte principalement sur les germes classés « A » par le CDC d’Atlanta : dissémination aisée, transmission de personne à personne facile, mortalité importante, impact majeur sur la santé de la population, désorganisation massive des structures publiques à cause de la panique et des ruptures du tissu social. Les germes de cette classe A les plus surveillés sont : Bacillus anthracis (maladie du charbon), Yersinia pestis (Peste), Francisella tularensis (Tularémie), virus de la variole, virus des fièvres hémorragiques (Lassa, Ebola…), toxine botulique (de Clostridum botulinum).
Depuis les évènements de 2001, le gouvernement japonais a beaucoup travaillé dans le domaine du NRBC : mise au point de vaccins, coordination entre les structures chargées du suivi du bioterrorisme (administrations, premiers secours, gardes côtes…, et autorités médicales), gestion stricte des produits biologiques et chimique impliqués dans le NRBC.
Réponses
La surveillance habituelle de la survenue d’épidémies naturelle doit être élargie à la détection du bioterrorisme. La détection est fondamentale : l’augmentation anormale de cas suspects est un signe d’alerte : les infections sont très bien surveillées par les praticiens qui font remonter les informations à un organisme spécialisé. Lorsqu’une épidémie est suspectée, une enquête épidémiologique est rapidement mise en route dans le but d’identifier le plus rapidement possible le germe en cause. Des moyens identifications nouveaux comme la spectroscopie de masse (TOF-MS) sont aussi expérimentés. Cette identification rapide permettra de mettre en route dans les meilleures conditions les mesures prophylactiques et/ou curatives.
Les défis du contre-bioterrorisme
Si le Japon s’est procuré un vaccin anti variole, il faut bien être conscient qu’en règle générale, la production des vaccins et autres médicaments pour la constitution de stocks n’est sont pas suffisante. En outre, ces évènements étant relativement rares, la fabrication et les tests des produits destinés aux contre-mesures médicales ne peuvent pas se faire dans les mêmes conditions que pour les produits pharmaceutiques classiques.
Conclusions
Pendant que les JO de 2020 se préparent, le bioterrorisme se fait de plus en plus prégnant. Les répercussions sociales et les désordres engendrés par un tel évènement seraient très importants. L’utilisation des contre-mesures médicales pour les maladies infectieuses seraient en mesure d’atténuer leurs conséquences néfastes. Il faut développer un meilleur suivi de la santé publique et un diagnostic rapide et fiable des germes impliqués, y compris leur résistance aux antibiotiques, au niveau des laboratoires de microbiologie. Les défis de la mise au point des vaccins et des médicaments (antibactériens, antiviraux…) destinés à ces évènements rares sont très importants.
Bibliographie
Eto A, Kanatani Y. Countering bioterrorism: current status and challenges – a focus on pharmaceutical products and vaccines. ADC Let. Infec. Dis. Cont., 2018, 5, 50-52.