Le congrès national des sapeur-pompiers va bientôt se tenir à Toulouse en 2023, l’occasion pour nous de présenter, le travail, parfois discret, qui a lieu en amont entre les sapeurs-pompiers et les grandes institutions.
Un livre est un bien inestimable. Lorsqu’il est ancien, voire très ancien comme les incunables, il est la mémoire d’un passé difficilement accessible par d’autres moyens.
Le feu est pour le livre un ennemi redoutable et c’est pourquoi, tout récemment, le 12 juin 2023, un exercice regroupant les personnels de la Bibliothèque Universitaire (BU), les agents du PC Sécurité de la Doua (campus universitaire de Lyon) et les sapeurs-pompiers du SDMIS ont simulé l’évacuation des 15 000 documents des fonds anciens de l’Université Claude Bernard Lyon1.
De quoi est-il question ?
Rappelons-nous dans la nuit du 11 au 12 juin 1999, à 1 heure du matin, le gardien du palais Hirch situé sur les quais du Rhône et regroupant les Universités Lyon 2 et Lyon 3, a été réveillé, par les sapeurs-pompiers, faute d’alarme : la bibliothèque était en feu. La progression a été difficile à cause de portes fermées, d’étagères mal disposées, et l’incendie n’a été réellement éteint que le 18 juin ! Sur les 460 000 ouvrages, 300 000 ont été irrémédiablement détruits, une grande partie des autres, ayant été très abimés par l’eau, est encore dans les mains habiles des restaurateurs de livres .
Une chaîne humaine réunissant pompiers et volontaires a permis d’évacuer quelque 5 000 ouvrages datant des XVIIe et XVIIIe siècles, qui font partie du fonds le plus précieux de la bibliothèque. Néanmoins, toutes les collections de périodiques et toutes les thèses depuis le XIXe siècle ont brûlé. Il est important de noter que le cœur du site, situé en sous-sol n’a pas été atteint, épargnant les incunables (imprimés entre les années 1450 et 1501), et les manuscrits. Cependant la perte patrimoniale est considérable.
Le projet
1_ Le Service Commun de la documentation (SCD), en charge des BU Lyon 1 et le Service départemental-métropolitain d’incendie et de secours (SDMIS) ont élaboré toute une procédure, pour mettre au point des plans d’évacuation ;
2_ Le Service Sécurité de Lyon 1 a également été impliqué, notamment dans le cadre de la mise en exercice du plan de sauvegarde des fonds anciens. Le Poste Central (PC) du Service Sécurité de la Doua (Campus Lyon 1) a planifié et mis en route un exercice, suivant un protocole établi en amont par la BU.
3_ Le but d’un tel entrainement permet, en cas de sinistre, d’être opérationnel plus rapidement en connaissant au préalable le plan de sauvegarde de la BU Sciences mais aussi de faciliter la collaboration entre les sapeurs-pompiers de Villeurbanne et les agents de sécurité de la Doua. L’articulation entre les compétences des agents Lyon 1 et celles des sapeurs-pompiers était l’un des principaux enjeux de cet exercice.
L’exercice
L’exercice a commencé le 12 juin 2023 à 9h40 pour se terminer à 10h47. Je vous invite à en découvrir les détails en suivant ce lien. Tout s’est bien passé et surtout, l’articulation et la communication entre les sapeur-pompiers du SDMIS et l’équipe du PC sécurité de la Doua ont été fluides.
L’exercice a aussi permis de se rendre compte que l’évacuation des ouvrages nécessite beaucoup de manutention car il y a de nombreux livres à extraire.
Une nouvelle convention entre le SDMIS et le PC sécurité est en cours d’élaboration.
A quoi sert une bibliothèque ?
- Préserver la connaissance et l’histoire pour les générations futures ;
- Offrir un accès à une vaste gamme de ressources documentaires, telles que des livres, des revues, des journaux, des magazines, des bases de données en ligne …. Cela permet au public d’acquérir des connaissances et de faire des recherches ;
- C’est un lieu d’apprentissage où les étudiants, les chercheurs et le grand public peuvent accéder à des ressources éducatives pour améliorer leurs compétences, leur éducation et leur formation ;
- La bibliothèque encourage la lecture en mettant à disposition une grande variété de livres ;
- Une bibliothèque universitaire et de recherche est essentielle pour les chercheurs, car elle abritent des collections spécialisées et fournissent des services de recherche avancés pour aider les chercheurs dans leurs travaux ;
- C’est aussi un lieu de rassemblement pour la communauté, offrant des espaces de réunion, des programmes culturels et éducatifs, des expositions artistiques, des ateliers et bien d’autres activités ;
- Une bibliothèque peut aussi collecter et préserver des documents relatifs à la culture et à l’histoire locales, y compris des archives, des photographies, des enregistrements audio et bien d’autres choses, afin de documenter et de célébrer la diversité culturelle.
En somme, les bibliothèques sont des institutions indispensables qui favorisent l’accès à l’information, l’éducation, la culture, la recherche et la préservation du savoir, tout en jouant un rôle vital dans le développement des individus et des communautés.
Les précédents incendies de bibliothèques dans le monde
Il n’est pas facile de faire un bilan des grandes bibliothèques incendiées dans le monde, en voici quelques exemples :
- Bibliothèque d’Alexandrie, Égypte. La bibliothèque d’Alexandrie était l’une des plus grandes bibliothèques du monde antique. Elle a été fondée en 283 avant J.-C par Ptolémée Ier. Elle contenait près d’un demi-million de manuscrits. Cependant, cette magnifique bibliothèque a subi plusieurs incendies au cours de son histoire. Elle a été détruite entre 48 av. J.-C. et 642. faisa,t disparaître une grande partie des précieux manuscrits et parchemins. Cette bibliothèque était l’un des plus grands centres de savoir de l’Antiquité ;
- Bibliothèque royale de Copenhague, Danemark : En 1728, un incendie a éclaté dans la bibliothèque royale de Copenhague, détruisant environ 30 000 livres ;
- Bibliothèque du Congrès, États-Unis : en 1851, un incendie s’est déclaré dans la bibliothèque du Congrès à Washington D.C., détruisant environ 35 000 livres soit les 2/3 des 55 000 volumes ;
- En 1870, pendant la guerre franco-prussienne, la bibliothèque municipale de Strasbourg a été complètement détruite par un incendie lors du siège de la ville par les troupes prussienne ;
- En 1871, la bibliothèque de la ville de Paris, a été entièrement détruite dans l’incendie provoqué par les insurgés à la fin de la Commune de Paris, environ 120 000 volumes disparaissent ;
- Pendant le siège de Sarajevo en 1992, la bibliothèque de l’Université a été délibérément incendiée par les artilleurs serbes, détruisant une grande partie de sa collection. Cet acte de destruction a été considéré comme une attaque contre la culture et le patrimoine de la ville ;
- La Bibliothèque nationale d’Irak, également connue sous le nom de Bibliothèque d’Alexandrie d’Irak, a été détruite pendant la guerre en 2003. Le bâtiment de la bibliothèque contenait environ 1,5 millions de livres et de documents historiques. L’armée américaine a été accusée d’être à l’origine de cet incendie qui a détruit une grande partie de la culture et de l’histoire irakiennes. Mais, il a été révélé plus tard, que l’incendie a été causé par des pillards locaux qui ont profité de la guerre pour voler des objets de valeur dans la bibliothèque.
- En 2018, un incendie a ravagé une grande partie de la collection de la Bibliothèque nationale du Brésil à Rio de Janeiro. L’incendie a été causé par un court-circuit électrique dans l’un des systèmes de climatisation de la pièce où étaient stockées les œuvres audiovisuelles. Plus de 20 millions de pièces, y compris des livres rares, des documents historiques et des photographies, ont été détruits. La perte sur le plan du patrimoine historique et culturel est considérable, voire « incalculable ».
La perte est parfois d’autant plus inestimable que beaucoup de bibliothèques renferment des oeuvres qui n’existent qu’à un seul exemplaire dans le monde…
Comme on peut le constater, il y a eu des incendies accidentels et aussi des incendies volontaires.
Les causes d’incendie sont multiples et on citera : – les court-circuit électriques, – la négligence comme la présence de cafetières, de radiateurs, de luminaires et autres bougies, – les guerre et les pillages, -les catastrophes naturelles comme les tremblements de terre ou les incendies de forêt.
On trouvera un tableau plus exhaustif en suivant ce lien.
Les ennemis du livre
Le feu n’est pas le seul ennemi du livre.
On citera l’eau (infiltrations, inondations), les mauvaises conditions environnementales, les moisissures, les insectes, les manipulations, les conditions de stockages, voire les lecteurs…
Le feu : si le feu peut réduire en cendres il est aussi nocif par la chaleur qu’il produit en asséchant les papiers et le cuir. Il fait fondre les microfilms et cédéroms, et dégage des fumées et de la suie sèche ou grasse qui peuvent s’infiltrer dans le corps des ouvrages.
Les difficultés pour traiter le feu peuvent être accentuées par des véhicules garés sur les voies d’accès pompiers ou devant les issues de secours. La crainte des vols mène aussi parfois à des attitudes de protection néfastes.
L’eau : elle peut provenir de dégâts des eaux internes au bâtiment (fuite des canalisations, mauvaise étanchéité, toitures, fenêtres), à une inondation extérieure et elle peut aussi résulter de la lutte contre les incendies ! En cas d’humidité excessive, les livres se gorgent d’eau jusqu’à saturation, et fragilisent le document qui perd de sa résistance et entraîne des dégradations mécaniques comme le rupture des coutures, la perte du pouvoir adhésif des colles et le détachement des feuillets, la déformation les reliures. Le cuir et le parchemin se détendent, les émulsions photographiques gonflent et se détachent de leur support, les encres se dissolvent…
Les micro-organismes : outre les dégradations physiques, un excès d’humidité peut entraîner un développement intempestif de micro-organismes (moisissures et bactéries) sur les documents mais aussi dans le local qui joue alors de réservoir : un magasin peut être entièrement infesté en quelques jours !
La surélévation des rayonnages apporte déjà une sécurité contre les inondations.
Il faut veiller aux conditions climatiques des locaux afin qu’elles ne permettent pas le développement des micro-organismes qui sont particulièrement redoutables. Des tests microbiologiques de l’environnement peuvent alerter en cas de problème. Les moisissures ont la capacité de se développer sur et à l’intérieur de la plupart des matériaux qu’elles utilisent comme source nutritive, les matériaux organiques étant les plus vulnérables. On maintient les conditions climatiques les plus défavorables au développement microbien : Humidité relative : 50 % +/–5% et température 18 °C +/–2 °C,
Nous ne parlerons pas ici de la nocivité des insectes (poissons d’argent, blatte, pou des livre, ni des rongeurs !
Les librairies
À une moindre échelle, les librairies jouent aussi un rôle fondamental dans la vie de la cité et on a pu le constater lorsqu’il a fallu les classer dans les commerces essentiels ou non pendant la pandémie de COVID-19. Dans un premier temps, leurs fermetures a laissé la population dans l’incompréhension, voire le désarroi ! La mise à disposition des ouvrages classiques aussi bien que celle des nombreuses nouveautés (650 à la rentrée 2023 !) paraissant chaque année, permet de se cultiver, de se construire, de réaliser un cheminement personnel, de s’évader…
Si les librairies n’ont pas vocation à garder le patrimoine culturel de l’humanité, elles jouent un rôle fondamental dans la vie de la cité, réunissant dans un même lieu les populations différentes d’un même quartier, jouant le rôle de « trait-d’union » entre les habitants. Elles permettent aussi l’accès à la culture des personnes qui n’ont pas accès facilement aux bibliothèques. Il est plus aisé de rentrer dans une librairie que de prendre une carte d’inscription dans la bibliothèque de quartier. Beaucoup d’ouvrages sont proposés à des prix réduits et le « pass-culture » institué par de nombreuses villes est un « plus certain ». Néanmoins, comparativement à une bibliothèque à laquelle on doit rendre le livre après l’avoir lu, garder l’ouvrage peut être un geste fondateur pour la constitution de sa propre bibliothèque.
Puis, plus fondamentalement, elles accueillent les plus jeunes et surtout les enfants, la littérature jeunesse étant très riche dans notre pays.
Elles jouent aussi le rôle de lieu de rencontre en recevant des auteurs, en organisant des conférences et aussi en réalisant des lectures particulièrement destinées aux enfants.
Concernant la sécurité, elles doivent elles aussi satisfaire à un certain nombre de règles.
Ce qu’il faut retenir
Ces incidents tragiques ont souligné l’importance cruciale de la préservation du patrimoine littéraire. Afin de prévenir de tels désastres à l’avenir, les bibliothèques françaises ont mis en place diverses mesures de sécurité, telles que des systèmes avancés de lutte contre les incendies, des systèmes de surveillance et de sécurité, des projets de préservation numérique et des plans d’urgence (comme on vient de le voir pour l’Université Claude Bernard Lyon 1). Il est essentiel de sensibiliser les lecteurs à l’importance de la préservation du patrimoine littéraire et aux conséquences dévastatrices des incendies sur notre histoire et notre culture. Les bibliothèques travaillent activement pour éviter de tels incidents et protéger les trésors littéraires pour les générations futures.
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