De quoi est-il question ?
Les textiles ont la capacité de retenir l’humidité et d’offrir une grande surface d’adhésion aux micro-organismes de toute nature. Pour peu qu’il s’y dépose des nutriments, les bactéries et autres champignons microscopiques peuvent se multiplier et ainsi porter préjudice au textile lui-même en le détériorant ou être un facteur de contamination dans des milieux sensibles comme les établissements de santé.
Depuis une quarantaine d’année, des textiles antimicrobiens ont été développés : quels sont les agents utilisés ?
Pourquoi des textiles antibactériens ?
Dans la vie de tous les jours : la multiplication des micro-organismes sur les textiles peut être responsable de nuisances diverses comme la formation de taches indélébiles par des champignons microscopique sur des toiles de parasol par exemple, la modification des propriétés mécaniques des toiles de tente ou la production des mauvaises odeurs par la multiplication des bactéries cutanées sur les sous-vêtements.
Dans les milieux de soins, si le contrôle de la propagation des infections par le biais des mains, de l’eau ou des d’aliments contaminés est bien maitrisé grâce aux pratiques d’hygiène, la propagation des infections par les matériaux textiles peut être contrôlée par l’utilisation de textiles antimicrobiens qui inhibent leu développement ou tuent les agents pathogènes à leur contact avant d’être transférés à un autre matériau ou à une autre personne. En effet, il a été clairement démontré que les textiles comme les draps, les tenues des soignants, voire la cravate du chef de service peut être responsables de la transmission des germes pathogènes. L’utilisation de textiles à propriétés antimicrobiennes semble être une solution pour rompre la chaine de contamination
Le marché
En l’an 2000, on estime à 30 000 tonnes la production de textiles antimicrobiens en Europe occidentale et 100 000 tonnes pour le reste du monde. Les chaussettes, les vêtements de sport, les doublures de chaussures et la lingerie représentaient environ 85 % de la production totale de textiles antimicrobiens. En outre, un marché important de fibres antimicrobiennes a récemment vu le jour dans les filtres à air, les textiles d’extérieur, les tissus d’ameublement et les textiles médicaux.
Prérequis
L’antibactérien doit être facile à appliquer sur les substrats textiles, être capable d’inactiver les microbes indésirables tout en n’affectant pas la flore utile, la flore cutanée par exemple dans le cas des sous-vêtements. Il doit résister aux lavages répétés, au nettoyage à sec, au repassage et au stockage prolongé, y compris résister aux détergents utilisés pour l’entretien des textiles. Il doit être stable pendant l’utilisation sans se dégrader en produits secondaires dangereux.
Les différents antimicrobiens
Les agents antimicrobiens les plus utilisés pour les applications textiles sont basés sur les sels métalliques (par exemple, l’argent), les composés d’ammonium quaternaire (CAQ), les phénols halogénés (par exemple, le triclosan), les polybiguanides (par exemple, le PHMB), le chitosan et les N-halamines. Presque tous les agents antimicrobiens commerciaux utilisés dans les textiles (argent, polyhexaméthylène biguanide (PHMB), composés d’ammonium quaternaire et triclosan) sont des biocides qui tuent les bactéries (bactéricides). Ils peuvent endommager la paroi cellulaire ou perturber la perméabilité de la membrane cellulaire, et inhiber l’activité des enzymes ou la synthèse des lipides. Les autres sont généralement des agents bactériostatiques qui inhibent le développement des micro-organismes. Certains de ces produits sont fermement attachés au textiles, d’autres peuvent s’en échapper mais, dans ce cas, l’agent antimicrobien finit par s’épuiser et le textile perd de son efficacité. Les sels métalliques (par exemple, l’argent) et les phénols halogénés (par exemple, les triclosan) en sont des exemples.
Triclosan
Très utilisé depuis les années 60 pour la protection des produits d’hygiène, c’est l’un des produits les plus controversés car, détruit par la chaleur, il dégage de la dioxine et, lorsqu’il est en faible quantité, il acquière des propriétés antibiotiques, dont l’action présente des réactions croisées avec certains antituberculeux : il est interdit dans un grand nombre de pays.
QAC Ammonium quaternaire
Les CAQs sont actifs contre un large éventail de micro-organismes tels que les champignons, les bactéries à Gram positif et Gram négatif, et certains virus.
Le groupe ammonium cationique et la membrane bactérienne chargée négativement sont attirés l’un vers l’autre. Par conséquent, les interactions entraînent la formation d’un complexe tensioactif-microbe qui interrompt toutes les fonctions normales de la membrane. Les CAQ affectent aussi l’ADN bactérien, entraînant la perte de la capacité de multiplication. De plus, la pénétration du groupe hydrophobe dans le micro-organisme, peut aussi se produire permettant au groupe alkylammonium d’interrompre physiquement toutes les fonctions clés de la cellule. Les composés d’ammonium quaternaire sont donc des agents membranaires actifs, leur site cible se situant au niveau de la membrane cytoplasmique chez les bactéries ou de la membrane plasmique chez les levure. L’un des mécanismes proposés fait intervenir l’adsorption et la pénétration des CAQs dans la paroi cellulaire du micro-organisme puis la réaction avec la membrane cytoplasmique lipidique ou protéique, qui en se désorganisant laisse fuir du matériel intracellulaire de faible poids moléculaire. Les acides nucléiques et les protéines sont dégradés. La paroi est lysées par les enzymes autolytiques.
Au niveau toxicité, les CAQ sont connus pour être des allergènes (asthme, dermites de contact) lorsqu’ils sont sous forme de poudre ou en solution, ce qui n’est pas le cas lorsqu’ils sont fixés à des textiles.
Polyhexamethylène biguanide (PHMB)
Le PHMB est un mélange hétérodispersé de polyhexaméthylène biguanide. Déjà utilisé comme désinfectant pour les piscines, les bains de bouche, les pansements et dans l’industrie alimentaire. Le PHMB perturbe l’intégrité des membranes cellulaires.
N-halamines et peroxyacides régénérables
Les N-halamines sont des composés hétérocycliques contenant une ou deux liaisons covalentes formées entre l’azote et un halogène. L’halogène, qui est généralement du chlorure, est remplacé par de l’hydrogène en présence d’eau et agit comme un biocide.
N-Cl est transformé en N-H, qui peut être rechargé en chlore par exemple pendant le blanchiment, en utilisant de l’eau de Javel. N-H est alors transformé en N-Cl. Deux mécanismes peuvent être utilisés pour expliquer l’activité antibactérienne de la N-chloramine. Le premier mécanisme est que le chlore est libéré dans l’eau et forme alors HClO ou ClO-. L’autre est que le chlore se lie directement aux régions acceptrices des bactéries et influence considérablement les processus enzymatiques et métaboliques.
Cependant, les matériaux à base de N-halamine se décomposent lorsqu’ils sont exposés aux rayons ultraviolets, comme c’est le cas en plein soleil. Le principal problème avec les N-halamines est qu’elles produisent une quantité importante de chlore absorbé (ou peut-être d’autres halogènes), qui peut rester à la surface du tissu, entraînant une odeur désagréable et une décoloration du tissu. L’utilisation de l’eau de Javel et la présence d’oxydants puissants dégradent le colorant du textile, ce qui entraîne une décoloration.
Un autre agent antibactérien sont les peroxyacides (tels que l’acide peroxyacétique, qui est largement utilisé dans les hôpitaux). Les peroxyacides doivent se convertir en acide carboxylique afin de désactiver les bactéries, mais peuvent être régénérés en réagissant avec un oxydant (tel que le peroxyde d’hydrogène). Malgré la stabilité des peroxyacides sur le tissu pendant des périodes prolongées, l’activité antibactérienne diminue largement après un certain nombre de cycles de lavage et de recharge
Le chitosan et ses dérivés
Le chitosan est dérivé par désacétylation de la chitine, principal composant des carapaces de crevettes, de crabes et de homards. L’activité antibactérienne la plus répandue du chitosan consiste à se lier à la paroi cellulaire bactérienne chargée négativement, ce qui modifie la perméabilité de la membrane, puis elle se fixe à l’ADN, en inhibant sa réplication avant d’entrainer la mort cellulaire.
Étant donné que le chitosan ne se dissout pas dans les milieux aqueux aux pH neutres et alcalins et que son activité antimicrobienne n’est pas non plus particulièrement bonne dans les solutions neutres ou alcalines, il existe de nombreuses raisons de modifier chimiquement le chitosan. Ces modifications sont faites dans le but de proposer des dérivés de chitosan plus solubles et mieux adaptés aux textiles. Le chitosan peut être modifié pour inclure des groupes d’ammonium quaternaire, des groupes alkyle et aromatiques, des substituants ayant des groupes amino ou hydroxyle libres, des groupes carboxyalkyle et des acides aminés et des peptides. Parmi les dérivés du chitosane, on peut citer le carboxymethyl chitosan, N,N,N,-trimethyl chitosan (TMC) et le Chitosan nanoparticules (CSNP).
Les tests normalisés
Pour déterminer l’activité antibactérienne d’un textile, on utilise des méthodes standardisées. Elles sont nombreuses et se divisent en test qualitatif et tests quantitatifs.
Pour les tests qualitatifs, on dépose un morceau de textile sur une culture bactérienne à la façon d’un antibiogramme (NF EN ISO 20645). Après incubation, la formation d’un halo sans culture bactérienne autour de l’échantillon indique qu’il y a une action antibactérienne par diffusion de l’agent ce qui n’est pas toujours souhaitable à cause d’une éventuelle migration du produit dans l’organisme et parce que ce produit s’épuise obligatoirement au cours du temps (voir image de tête).
Pour les méthodes quantitatives, en France la méthode de référence est la NF EN ISO 20743 Textiles – Détermination de l’activité antibactérienne des produits finis antibactériens. Cette méthode consiste à mesurer la quantité de bactéries en 24 heures dans un milieu de culture standardisé en présence du textile actif et de la comparer à celle obtenue en présence d’un textile témoin sans agent antibactérien.
Développements
Parallèlement aux textiles antibactériens, se sont développés des textiles antiviraux et antifongiques. Des agents actifs peuvent aussi être intégrés dans des surfaces solides apportant une hygiène supplémentaire par exemple à des tables de restaurant, des surfaces de cuisine, des revêtements de sol, voire des billets de banque, eux aussi grands pourvoyeurs de contaminations croisées.
Conclusion
Les textiles antibactériens sont toujours d’actualité et cet article très complet nous permet de faire le point sur ceux qui ont résisté au cours du temps parmi tous ceux qui ont été testés. La bibliographie est très complète.
On trouvera cet article en ligne ici.