L’analyse de la séquence de la souche de Bacillus anthracis produite en grande quantité par l’Union soviétique en 1979 nous montre que cette souche n’a pas été génétiquement modifiée. Qu’est ce que cela signifie ? Quelles conséquences dans le domaine du NRBCe ?
Une publication importante nous révèle la séquence pratiquement complète de la souche de Bacillus anthracis qui a été relarguée accidentellement dans l’atmosphère en 1979.
Rappel des faits
Nous vous avions parlé de la préparation secrète d’armes biologiques par les autorités soviétiques et qui avait provoqué officiellement la mort de 64 personnes, contaminées par le bacille du charbon.
On pourra se reporter au lien suivant
Pour résumer, le 2 avril 1979 un filtre défectueux d’une usine de Sverdlosk n’a pas pu empêcher le rejet dans l’environnement d’un nuage de spores de Bacillus anthracis qui a entrainé par voie pulmonaire des infections chez l’homme et les animaux. L’URSS qui avait signé en 1972 la convention sur les armes biologiques a essayé de cacher cet accident mais des spores récupérées sur des lames de coupes histologiques ont été identifiées comme provenant d’une souche responsable de la maladie du charbon.
Petit rappel de bactériologie
Un certain nombre de bactéries sont capables, lorsqu’elles sont dans un milieu défavorable, de former des structures de résistance appelées « spores ». Lorsqu’on les remet dans un milieu de culture favorable, ces spores « germent » pour redonner des bactéries dites « végétatives » identiques à la bactérie d’origine. Les spores sont extrêmement résistantes : au temps (les spores retrouvées dans le momies Egyptiennes sont capables de germer pour redonner des bactéries telles qu’elles étaient il y a 4000 ans, à la température (supérieure à 100°C), à la pression, aux produits chimiques (acides, bases, antiseptiques…). Parmi les bactéries capables de sporuler, Bacillus anthracis responsable de la maladie du charbon.
Les faits nouveaux
Des souches retrouvées sur les biopsies ont été séquencées récemment par le laboratoire Northern Arizona University. Les résultats ont été publiés dans mBio
On sait que dans les années 1960, les scientifiques soviétiques ont travaillé sur le génome d’une souche pathogène de B. anthracis de façon à le rendre résistante aux antibiotiques. De plus, leur intention était de la modifier génétiquement de façon à ce qu’elle échappe aux réactions immunitaires développées par les vaccins classiques. Cette souche pourrait donc se développer chez des personnes vaccinées tout en étant résistante aux antibiotiques !
L’inquiétude était donc grande sur ce qu’on allait découvrir en utilisant les nouvelles techniques de séquençage des génomes qui permettent d’étudier les souches retrouvées dans les coupes histologiques des patients atteint en 1979.
Par comparaison avec les génomes des souches existantes, les souches isolées étaient identiques à quelques différences près : la souche qui s’est échappée de l’usine n’était pas génétiquement manipulée !
Quelle peut être la raison pour laquelle ce type de souche a-t-elle été produite en grande quantité ?
Il est connu depuis Pasteur que les souches de bactéries sporulées perdent leur pathogénicité à fur et à mesure qu’elles sont repiquées sur des milieux de culture in vitro. De plus, la sporulation fixe le pouvoir pathogène et la souche qui ne peut pas revenir en arrière devient de moins en moins agressive. On suppose donc que cette souche produite en quantité industrielle à Sverdlosk à partir d’une souche dite « sauvage » très pathogène pouvait jouer le rôle de réserve opérationnelle destinée à produire des spores pathogènes avec un minimum de repiquage sur milieu de culture afin qu’elle ne perde pas son pouvoir pathogène.
Une inquiétude demeure
Les souches modifiées, résistantes aux antibiotiques et aux vaccins qui ont très certainement été produites ne sont elles pas stockées dans les collections de cultures du ministère de la Défense de la Fédération de Russie ?
Que sont devenues les souches de Yersinia pestis (responsables de la peste) manipulées pour ne plus être détectable par les tests de diagnostic classique ?
Que sont devenues les souches de Francisella tularensis (responsable de la tularémie) génétiquement modifiées pour être résistantes aux antibiotiques ?
Que sont devenues les souches de Legionella (maladie du légionnaire) modifiées pour échapper aux réponses immunitaires ?
Autant de travaux dont on a retrouvé les rapports expérimentaux.