Les prions sont des agents infectieux tout à fait particuliers puisqu’ils ne possèdent ni ADN, ni ARN. L’agent transmissible est une protéine, codée par l’individu lui même mais qui prend une structure spatiale inhabituelle. Non éliminée par l’organisme, elle s’accumule dans le cerveau en provoquant la formation de trous donnant au tissu nerveux un aspect spongieux. La structure spatiale défaillante provient, soit d’une mutation dans le cas d’une maladie génétique, soit du dépliage suivi d’une mauvais repliage de la protéine normale sous l’action de la protéine anormale elle-même. C’est alors une maladie infectieuse transmissible.
Les prions ou agents transmissibles non conventionnels (ATNC) ont été récemment mis en évidence dans les maladies neurodégénératives. Il n’y a pas de thérapeutique, ni de prophylaxie. Peuvent-ils être utilisés comme arme biologique NRBCe ?
Les micro-organismes
Les micro-organismes (organismes vivants visibles au microscope) responsables de maladies infectieuses peuvent être classés selon leur structure et leur mode de reproduction.
On distingue :
– les bactéries, êtres unicellulaires dont la taille est d’environ 1 à 10 µm, possédant un appareil nucléaire qui n’est pas un vrai noyau d’ou le nom de « procaryote » et qui est constitué d’ADN portant les gènes. C’est le cas par exemple de Staphylococcus aureus ou de Bacillus anthracis.
– les virus 100 à 1000 fois plus petits, constitués d’une capside protéique et d’un acide nucléique (ADN ou ARN). Leur génome est très petit ce qui les rend incapables de se reproduire d’une manière autonome. Ils se multiplient à l’intérieur d’une cellule vivante en faisant tourner son métabolisme à leur profit. Citons le virus de la variole ou celui de la grippe ;
– les parasites, dont certains sont unicellulaires comme les amibes par exemple. Organismes eucaryotes, ils ont un noyau vrai et leurs cellules sont semblables à celles qui nous constituent. Avec une structure un peu différente on citera le plasmodium, responsable du paludisme ou le toxoplasme donnant la toxoplasmose ;
– certains champignons comme Aspergillus niger, eux aussi eucaryotes.
Les agents infectieux
Selon le postulat de Koch de 1876, un agent infectieux répond aux 4 définitions suivantes :
– le micro-organisme doit être présent dans tous les organismes souffrant de la maladie ;
– le micro-organisme doit pouvoir être isolé de l’organisme malade et cultivé ;
– le micro-organisme cultivé doit entraîner l’apparition de la maladie lorsque introduit dans un organisme sain (sauf exception) ;
– le micro-organisme doit être à nouveau isolé du nouvel organisme hôte rendu malade puis identifié comme étant identique à l’agent infectieux original.
Tous les micro-organismes infectieux connus jusqu’ à maintenant possédent un génome constitué d’ADN ou d’ARN permettant leur multiplication chez l’homme ou les animaux en modifiant leur fonctionnement physiologique et induisant chez eux une pathologie. L’hôte développe une maladie dont l’aspect transmissible peut mener à une épidémie. Lorsqu’elle cette épidémie est provoquée intentionnellement en répandant l’organisme infectieux dans une population on parle alors d’arme biologique de type NRBCe.
Les maladies à prions
Un certain nombre de maladies provoquent une dégénérescence du système nerveux central qui est toujours fatale.
– l’encéphalopathie spongiforme bovine (ESB ou maladie de la vache folle) ;
– la tremblante du mouton et de la chèvre ;
– la maladie de Creutzfeldt-Jakob chez l’homme se caractérisant par une démence précoce aboutissant au décès ;
– un nouveau variant de la maladie de Creutzfeldt-Jakob apparaissant chez les sujets jeunes de moins de 30 ans qui ont consommé de la viande de bovin contaminé par l’ESB ;
– le kuru retrouvé en Papouasie Nouvelle-Guinée ou encéphalopathie spongiforme humaine transmise grâce aux rites anthropophagiques mortuaires consistant à consommer le cerveau des morts ;
– la maladie de Gertsmann-Sträussler-Scheinker ou insomnie fatale familiale.
Toutes ces maladies ont en commun la présence de « trous » microscopiques dans les tissus nerveux infectés, leur donnant un aspect d’éponge.
La protéine infectieuse
La maladie dite de la « tremblante du mouton » a été décrite en 1732. En 1938, Cuillé et Chelle ont injecté à des moutons des tissus broyés de cerveaux de moutons morts de cette maladie. Les animaux inoculés ont à leur tour développé la tremblante. L’agent contenu dans le cerveau des animaux morts est donc bien un agent infectieux. La résistance particulièrement élevée aux rayons ionisants montre que l’agent infectieux à une taille très petite, sans commune mesure avec celle des bactéries et même des virus. Il a même été formulé l’hypothèse que cet agent était dépourvu d’acide nucléique et donc de génome !!! Ce concept est tout a fait novateur. L’agent responsable pourrait être réduit à une simple protéine : une protéine infectieuse…L’hypothèse est osée et très novatrice !
Et pourtant elle s’est révélée être exacte !
C’est le groupe de Prusiner qui identifie une protéine appelée PrPC pour « Cellular Protease Resistant Protein », codée par le génome de l’hôte, convertie en une protéine anormale en PrPSC qui s’accumule dans les tissus nerveux des cerveaux des malades.
Les mécanismes ne sont pas encore tout à fait élucidés mais le résultat est que la protéine anormale PrPSC provient d’une protéine normale PrPC mal repliée dans l’espace, justement sous l’action de PrPSC dépliant et repliant sous une forme pathologique la PrPC devenant alors une nouvelle PrPSC. Cette dernière s’accumule dans les tissus nerveux sous forme de plaques.
PrPC——–→ PrPSC sous l’action de PrPSC
On est en présence d’un agent transmissible non conventionnel ou ATNC.
La transmission du prion
La transmission peut être congénitale ou externe
Il existe des mutations dans le gène PRPC provoquant des mauvais repliements de la protéine native. Ce sont généralement des maladies génétiques familiales.
La transmission peut aussi se faire par une voie externe. C’est la voie digestive qui est la plus fréquente. Ce fut le cas bien connu du Kuru cité plus haut, ou du nouveau variant de la maladie de Creutzfeldt-Jakob dû à la consommation de viande bovine contaminée.
On se rappellera aussi l’affaire dite de « l’hormone de croissance contaminée » dans les années 70-80 au cours de laquelle 117 enfants sont morts de la maladie de Creutzfeld-Jakob contractée lors d’injection d’hormone de croissance extraite d’hypophyses contenant du prion.
Il a aussi été décrit des transmissions au cours de greffes de cornée ou d’interventions neurochirurgicales au moyen de matériel insuffisamment stérilisé.
Le prion : arme NRBCe ?
Les prions recombinants ne sont pas difficiles à produire en laboratoire chez l’animal comme le rat, la souris ou le singe.
Au cours de l’affaire dite du « parapluie bulgare » le dissident Georgi Markov a été assassiné par la police secrète bulgare aidée du KGB, par injection de ricine. Le système d’inoculation était caché dans un parapluie. Faute de diagnostic, il mourut en 3 jours. Une agression similaire avec des prions est imaginable. Ils ne tuent pas instantanément (les périodes d’incubation sans symptômes peuvent être très longues de l’ordre de plusieurs jours, années voire décennies) et, bien évidemment, lorsque la maladie se déclare il est difficile de retrouver le responsable !
On peut aussi voir une similitude avec une agression à l’aide d’un produit radioactif. Aucun compteur Geiger ne détectera l’agent et de plus, c’est moins dangereux pour l’agresseur. En revanche, les effets psychologiques peuvent être tout aussi dévastateurs.
La plus effrayantes des hypothèses serait l’utilisation d’une telle arme au cours d’un conflit. La communauté internationale ne serait alertée qu’à la survenue de symptômes identiques chez un grand nombre de personnes c’est-à-dire, beaucoup trop tard.
Il a été montré que les prions pouvaient aussi être dispersés en aérosol ce qui aboutirait alors à la mort d’un très grand nombre de personnes. D’autant plus que, dans ce cas là, les particules infectieuses restent actives dans le sol pendant plusieurs années. Dans ce cas, la menace est bien réelle, touchant aussi les espèces sauvages et en particulier les mammifères. Toute personne en contact avec les surfaces ou ayant consommé de la viande contaminée pourrait mourir en quelques jours, mois ou années. Ce type de menace maintenue sur le long terme est donc à comparer avec celle de la radioactivité ou des spores de Bacillus (voir ce blog sur l’ile de Gruinard).
http://www.ouvry.com/CBRNe/la-decontamination-de-l-ile-de.html?id_rubrique=33&id_groupe=3
Conclusion : la menace bioterroriste est parallèle au développement des biotechnologies. L’arme prion pourrait être dévastatrice, contaminant le bétail, les hommes et beaucoup d’autres espèces animales et pouvant mener à la mort de plusieurs milliers de personnes voire provoquer une pandémie globale accompagnée d’une crise économique majeure.
On pourra télécharger l’article correspondant en suivant ce lien :
http://www.scielo.br/readcube/epdf.php?doi=10.1590/1678-457x.6342&pid=S0101-20612014000300001&pdf_path=cta/v34n3/01.pdf&lang=en