Textiles à Usage Technique N°59 MC SAVOUREY, MC Launay, Guy. NEMOZ
L’enjeu majeur des concepteurs de solutions de protection individuelle NRBC…
Textiles à Usage Technique N°59
MC SAVOUREY, MC Launay, Guy. NEMOZ
L’enjeu majeur des concepteurs de solutions de protection individuelle NRBC est de proposer des solutions qui permettent de réduire les pertes de capacités opérationnelles du porteur afin qu’il conserve son efficacité le plus longtemps possible, même dans des conditions climatiques extrêmes. L’évolution des tissus techniques utilisés pour ces tenues NRBC conduit à des niveaux de confort très acceptables.
Les tenues de protection NRBC
Les tenues de protection NRBC sont constituées d’une doublure filtrante, chargée de piéger et de stocker les produits toxiques nocifs, associée à un textile externe déperlant. L’ensemble de ces deux textiles laisse circuler l’air et la vapeur d’eau. Le port de tels textiles permet d’accroître l’autonomie de son utilisateur par rapport aux tenues étanches utilisées par les armées du Pacte de Varsovie. Elles sont aujourd’hui largement adoptées par les armées du monde entier.
Une tenue filtrante NRBC est comparée à une tenue légère à base d’une membrane, perméable à la vapeur d’eau, couramment utilisée dans les domaines du sport et loisirs. Ces deux tenues sont évaluées à l’aide d’un modèle simulant différents climats et efforts, puis sur trois porteurs réels en situation.
Les équipements testés
La tenue filtrante NRBC étudiée, FRA, est constituée d’une doublure filtrante Saratoga, fabriquée par la société Blücher. Cette doublure agit comme un filtre et permet d’assurer une protection contre les agents chimiques de guerre, sans risque de dégazage des toxiques piégés et une utilisation dans toutes les conditions climatiques. La tenue FRA pèse 2 kg. La tenue de référence choisie pour mener la comparaison, MBA, est un ensemble sport et loisirs constitué d’une membrane microporeuse, imperméable à l’eau et perméable à la vapeur d’eau. Cette tenue pèse environ 1,4 kg. Comme la tenue NRBC FRA, elle comporte une capuche et leur patronage est relativement proche.
Conditions expérimentales
La modélisation a été réalisée avec le modèle dynamique THDYN pour lequel l’équilibre thermique du porteur est déterminé en fonction des paramètres du vêtement et de l’environnement. Les paramètres environnementaux (température, humidité relative et vitesse du vent) sont fixés suivant une gamme spécifique (Stanag 2895 conditions climatiques extrêmes). Les niveaux d’exercice sont basés sur les valeurs du métabolisme spécifiques à chaque tâche (Parsons 2003, Iso 8996). Plusieurs itérations pour chaque variable sont réalisées. Les propriétés thermiques de chaque vêtement sont déterminées par l’IFTH suivant NF EN 31902 standard, sur Skin Model. Les sousvêtements en coton ont une résistance thermique de 0,0186 m2K/W. Les ventilations mesurées sont de 120 l/m2min pour la tenue FRA et de 20 l/m2min pour la tenue MBA. Le critère d’arrêt des calculs est défini par une température interne maximale de 38,5 °C selon Iso 12894, permettant ainsi de déterminer la durée limite d’exposition (DLE) ou durée critique. Les calculs sont réalisés avec un taux de métabolisme de 325 W/m2, simulant des cycles avec des charges externes de 2 W/kg. La couche d’air entre le corps et le vêtement est fixée à 10 mm.
Résultats expérimentaux
Les différences de température interne dues aux tenues FRA et MBA sont très significatives pour une température de 40 °C et une humidité relative de 20 %. La température critique de 38,5 °C, en condition A2 (sec chaud) est atteinte en moins de 20 minutes par le porteur de la tenue MBA et en moins de 120 minutes par le porteur la tenue FRA pour des températures inférieures à 42 °C. Ainsi, l’évaporation de la transpiration grâce à l’air chaud emprisonné en sous couche dans le vêtement est favorable à la tenue FRA. Les différences de durées critiques entre les deux vêtements décroissent pour le climat A3 (chaud faiblement humide) et B1 (chaud humide). Par exemple, pour une température d’air de 33 °C et une humidité relative de 60-70 %, la durée critique avec la tenue MBA est environ 20 minutes et 30 minutes pour la tenue FRA. L’effet de la ventilation forcée sur la durée critique est considérable : pour la tenue FRA il passe de 20 minutes à 120 minutes, à 32 °C et 70 % d’humidité relative, lorsque la ventilation augmente de 50 l/m2/min à 200 l/m2/min. Les taux de métabolisme choisis varient allant des conditions de léger repos (100 W/m2) à de fortes charges (400 W/m2). À 10 %d’humidité relative et un taux de 100 W/m2, il n’y a pas de limitations significatives au porter pour tous les vêtements testés, ni pour la tenue FRA à des taux de 200 et 300 W/m2. À 50 % d’humidité relative et un taux de 100 W/m2 (cf. Figure ), il n’y a pas de limitations au porter de la tenue FRA. À 80 % d’humidité relative, la durée d’exposition dans des conditions chaudes (> 36 °C) est limitée même pour de faibles taux de métabolisme.
En conclusion, la tenue NRBC FRA est utilisable dans une plus large gamme de conditions climatiques et d’effort dans les domaines étudiés (20-45 °C et 10-80 % d’humidité relative) que la tenue MBA « sport et loisir » pourtant beaucoup plus légère et censée être respirante.
.
Évaluation de la contrainte thermophysiologique sur des porteurs
Le Centre de recherche du service de santé des armées (CRSSA) a évalué la contrainte thermique imposée par les tenues FRA et MBA. Cette évaluation s’est faite en chambre thermoclimatique en ambiance chaude (35 °C) et sèche (20 % d’humidité relative) au cours d’une marche à 4 km/h, pente 4 % sur tapis roulant sans port de charge.
Conditions d’essais
Les essais se sont déroulés dans la chambre thermoclimatique chaude du département des facteurs humains – pôle tolérance climatique et vêtement. Ils avaient pour but d’évaluer : la contrainte thermophysiologique de ces équipements au cours d’une marche sur tapis roulant par la mesure des températures corporelles, du niveau de la perte de poids (déshydratation) et de la fréquence cardiaque afin de déterminer les durées limites d’exposition selon les critères définis par les normes Iso 9886 les caractéristiques physiques du climat sous-vestial engendré par ces tenues vestimentaires par la mesure des températures et humidité et le calcul de pression partielle de vapeur d’eau. Cette étude a été réalisée chez trois sujets qui ont subi quatre tests. Les conditions expérimentales en chambre thermoclimatique (ambiance chaude, 35 °C, et sèche, 20 % d’humidité relative) avec exercice physique ont été choisies afin d’induire une charge thermique externe et interne entraînant un stockage thermique. Ce stockage thermique ne peut, au plan thermophysiologique, qu’être compensé par la thermolyse liée à l’évaporation sudorale. Le stockage thermique moyen est plus faible avec la tenue FRA qu’avec la tenue MBA suggérant une meilleure thermolyse avec la tenue FRA. Toutefois, l’analyse de la pression partielle moyenne du climat sous-vestial ne permet pas de répondre à cette question. Cette hétérogénéité peut provenir d’effets « pompage » différents selon, notamment, la taille, la coupe et la fermeture des équipements vestimentaires, indépendamment des caractéristiques physiques de perméabilité à la vapeur d’eau différentes entre les tenues. L’analyse montre que les pertes de poids des sujets équipés, qui représente en première approximation les pertes évaporatives à travers les équipements, sont plus élevées avec la tenue FRA pour S1 et similaires pour S2 et S3. Ainsi, tout se passe comme si le transfert de vapeur d’eau était plus important avec la tenue FRA qu’avec la tenue MBA.
Conclusion
En conclusion, les dernières générations de tenue NRBC (FRA) sont plus tolérantes qu’une tenue utilisée dans le domaine du sport et des loisirs, intégrant une membrane respirante pourtant confortable et ce malgré le surpoids de plus de 40 % de la tenue NRBC (FRA). La tenue FRA peut être portée dans une large gamme de climats et autorise des taux de métabolisme supérieurs. Les expérimentations menées sur l’homme sur les deux tenues FRA et MBA montrent que les contraintes thermiques sont peu différentes dans les conditions expérimentales choisies. Toutefois, le stockage thermique est moindre avec la tenue NRBC (FRA) suggérant une meilleure thermolyse évaporatoire à travers les équipements.