Le chlordécone, dont le nom indique qu’il contient 10 atomes de chlore, est un pesticide organochloré qui a été massivement utilisé dans les plantations de bananes en Martinique et en Guadeloupe entre 1972 et 1993 pour lutter contre le charançon du bananier. Malgré son interdiction aux États-Unis dès 1977 et le fait qu’il soit classé dès 1979 comme « cancérogène possible » en raison de sa toxicité avérée par l’Organisation Mondiale de la Santé, son utilisation a perduré dans les Antilles françaises jusqu’en 1993 alors qu’elle a été interdite en métropole dès 1990 !

Formule chimique du chlordécone : C10Cl10O
L’IRSET (Institut de recherche en santé, environnement et travail), l’INSERM (Institut national de la santé et de la recherche médicale) et l’ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) ont conduit des études destinées à identifier les dangers et risques sanitaires associés à l’exposition au chlordécone[1],[2],[3].
Propriétés physico-chimiques et persistance environnementale :
Le chlordécone est caractérisé par une forte affinité pour les sols riches en matière organique, entraînant une rétention prolongée dans l’environnement. Sa stabilité chimique et sa résistance à la dégradation conduisent à une persistance dans les sols pouvant dépasser plusieurs siècles, rendant sa remédiation particulièrement complexe.
Impact sur la santé humaine :
Des études épidémiologiques et toxicologiques ont mis en évidence plusieurs effets néfastes associés à l’exposition au chlordécone :
- Cancérogénicité : L’expertise de l’Inserm publiée en 2021[4] conclut à une présomption forte d’un lien entre l’exposition au chlordécone et une augmentation du risque de cancer de la prostate.
- Perturbation endocrinienne : Le chlordécone agit comme un perturbateur endocrinien, interférant avec le système hormonal et pouvant entraîner des troubles de la reproduction et du développement.
- Neurotoxicité : Une exposition prolongée peut affecter le système nerveux, entraînant des troubles neurologiques.
- Reprotoxicité : son exposition altère la fertilité.
Contamination de la chaîne alimentaire :
La persistance du chlordécone dans les sols a conduit à une contamination durable des cultures et des productions animales. Les denrées alimentaires locales, notamment les légumes racines, les poissons, les crustacés et les œufs issus de l’élevage familial, peuvent contenir des résidus de chlordécone, constituant la principale voie d’exposition pour les populations locales. L’Anses s’implique depuis le début des années 2000 pour améliorer les connaissances sur l’exposition des populations antillaises à ce contaminant et aux risques sanitaires associés. Elle a notamment formulé des recommandations sur la consommation des aliments issus des productions locales[5].
Mesures de gestion et de prévention :
Face à cette situation, plusieurs actions ont été mises en place :
- Surveillance sanitaire : Des plans de contrôle réguliers sont effectués pour surveiller les niveaux de chlordécone dans les aliments commercialisés et assurer leur conformité aux limites maximales de résidus établies.
- Recommandations alimentaires : Des conseils sont fournis aux populations locales pour limiter la consommation de produits susceptibles d’être contaminés, réduisant ainsi l’exposition au chlordécone.
- Recherche et innovation agricole : Des études sont en cours pour développer des méthodes de dépollution des sols et promouvoir des pratiques agricoles alternatives, telles que la culture hors-sol, afin de produire des denrées alimentaires saines malgré la contamination des terres.
Malgré ces efforts, la rémanence du chlordécone dans l’environnement demeure un défi majeur, nécessitant une vigilance continue et des stratégies adaptées pour protéger la santé publique et l’environnement.
Actualités récentes sur la contamination au chlordécone aux Antilles :
- Article du Journal le Monde du 23 septembre 2024
- A la Martinique, les sols pollués au chlordécone contraignent les agriculteurs à s’adapter. Article du Journal le Monde du 25 octobre 2024
- « S’aimer la terre. Défaire l’habiter colonial » : quand l’affaire du chlordécone révèle l’inégalité de traitement des Antillais. Article du Journal le Monde du 11 mars 2025
- Chlordécone : les fautes caractérisées de l’Etat sont reconnues, les indemnisations limitées
Bibliographie :
[1] Etudes destinées à identifier les dangers et risques sanitaires associés à l’exposition au chlordécone | Institut de recherche en santé, environnement et travail
[2] Pesticides et santé – Nouvelles données (2021) · Inserm, La science pour la santé
[4] inserm-expertisecollective-pesticides2021-resume.pdf