Les produits chimiques utilisés comme arme ou les toxiques industriels présentent des mécanismes de toxicité spécifiques. Cependant, la plupart d’entre eux augmentent directement ou indirectement le stress oxydatif à l’intérieur des tissus lésés. Les tissus lésés sont les yeux, la peau et les poumons. Pourquoi ne pas utiliser des anti-oxydants comme contre-mesures médicales à ces différents produits ?
Une publication récemment parue étudie les possibilités d’un traitement commun à l’exposition d’un produit chimique de guerre ou d’un TIC à l’aide d’anti-oxydants.
1- Objectifs de la publication
Les agents chimiques peuvent agir soit directement en générant des dérivés réactifs de l’oxygène (DRO) ou des dérivés réactifs de l’azote (DRN) ou indirectement après un déséquilibre redox à l’intérieur des tissus lésés (stress oxydatif) . Des dommages irréversibles sont donc causés aux macromolécules comme l’ADN ou les protéines.
Le but de ce papier est donc de mettre en évidence ces phénomènes d’oxydation selon la nature des toxiques et les anti-oxydants efficaces.
2. Les différents toxiques de guerre
2.1 Les vésicants
2.1.1 L’hypérite Cl-(CH2)2-S-(CH2)2-Cl
Ces produits sont des agents alkylants qui agissent à la fois sur l’ADN et les protéines. Ils réduisent aussi très fortement la réserve de glutathion réduit (GSH) rompant l’équilibre redox intracellulaire lequel peut provoquer, entre autre, l’activation de l’apoptose. Des radicaux libres de l’oxygène sont aussi formés. Ce produit est rarement mortel mais, aux doses létales, la mort intervient dans les 48 heures par obstruction des voies respiratoires.
2.1.2. Les moutardes à l’azote Cl-(CH2)2-N(CH3)-(CH2)2-Cl
Elles n’ont jamais été utilisées lors de combat à cause de la difficulté à les stocker. Le mode d’action par alkylation et stress oxydatif est similaire à celui de l’ypérite.
2.2 Les suffocants
2.2.1 Le chlore (Cl2)
Agent de guerre, il est souvent utilisé dans l’industrie à cause de ses propriétés oxydantes. Il détruit rapidement les poumons en se transformant en HCl et HClO. Ce dernier réactif est un DRO oxydant directement les macromolécules. On considère que les propriétés oxydantes du chlore gazeux, montrées par la diminution très importante du GSH sont responsables de la toxicité du produit.
2.2.2 Le phosgène (COCl2)
Il a été utilisé comme gaz de combat pendant la 1ère guerre mondiale. Il se dégrade rapidement en HCl et CO2. L’oxydation des lipides et la diminution du GSH montrent que le stress oxydatif tient une part importante dans la toxicité du produit.
2.3 Les hémotoxiques
Le cyanure d’hydrogène (HCN) est un puissant inhibiteur de la cytochrome C oxydase qui est un enzyme mitochondrial, ce qui bloque la respiration. Les phénomènes oxydatifs sont aussi très importants comme le montrent la baisse du GSH et l’oxydation des lipides. Ils contribuent aux effets toxiques du cyanure
2.4 Les agents neurotoxiques
Ils agissent par blocage de l’acétylcholine estérase. La rapidité de leur action et l’existence d’un traitement pas l’atropine et une oxime font que les phénomènes oxydatifs ont été moins étudiés. Néanmoins, chez les survivants, il a été montré que le stress oxydatif est responsable de symptômes neurologiques et de dysfonctionnements cognitifs.
3. Les TICs
3.1 Le formaldéhyde HCHO
En créant de pontages à l’intérieur de l’ADN il est classé comme un agent leucémogène. Les marqueurs classiques comme l’abaissement du GSH montrent qu’il est aussi producteur de DRO.
3.2 Dioxyde de soufre SO2
Responsable de mutations lymphocytaires il agit aussi par stress oxydatif responsable des bronchoconstrictions.
3.3 Acroléine CH2-CH-CHO
La toxicité est due à son accrochage aux groupes sulfhydriles des protéines ainsi qu’à la déplétion du GSH
4. Les principaux produits
Les DRO libèrent des produits très réactifs comme les ions superoxides(O2●-), le peroxyde d’hydrogène (H2O2), et les radicaux hydroxyls (OH●). Dans une cellule fonctionnant normalement, des phénomènes régulateurs maintiennent ces produits à un niveau d’équilibre (exemple, GSH et superoxyde dismutase…). Comme on vient de le voir, lorsque les régulations sont dépassées, ces produits deviennent toxiques.
5. Les thérapies anti-oxydantes
5.1 N acétyl cystéine ou NAC
C’est un précurseur de la synthèse du GSH mais il est aussi capable d’agir directement sur les oxydants ou des électrophiles comme l’ypérite. Peu toxique il peut être prescrit à titre préventif contre les effets toxiques du gaz moutarde. La NAC a aussi montré une diminution des effets toxiques de l’inhalation de chlore. Les différents modèles animaux ont pu aussi montrer que ce produit renforce les régulations anti-oxydantes de l’animal.
5.2 Le glutathion GSH
Ce tripeptide régule très bien les équilibres redox de l’organisme. Il présente néanmoins un inconvénient important puisqu’il est dégradé dans l’estomac et que son absorption n’est pas très bonne.
5.3 La mélatonine
Ce produit est très utilisé dans la régulation du sommeil. Elle agit bien contre les effets toxiques des vésicants, du chlore et du phosgène. Ses applications dans ce domaine paraissent prometteuses.
5.4 Les antioxydants contenant des métaux
Ils miment les actions des enzymes telles que la superoxyde dismutase (SOD) ou la catalase (CAT). C’est le cas des métalloporphyrines comme l’ AEOL10150, lui aussi très prometteur.
5.5 Le trolox, analogue hydrosoluble de la vitamine E, la quercétine, bioflavanoïde, la silibinine, extrait de le flavanone sont aussi des produits très étudiés pour leurs applicatons anti-oxydantes.
L’article résume toutes ces études sous la forme d’un tableau synthétique très clair.
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En photo, la molécule 3D du glutathion.