Pourquoi des simulants chimiques ?
L’entrainement des professionnels à la détection et à la décontamination des agents chimiques de guerre est indispensable car il permet de mettre au point les gestuelles, les procédures d’organisation et d’utilisation des différents EPI et des appareils de détection et de décontamination. Il permet aussi de mettre les intervenants dans les conditions psychologiques qu’ils seraient amenés à rencontrer dans la réalité.
Ces exercices ne peuvent pas utiliser les agents chimiques de guerre réels à cause de leur dangerosité. Il faut donc utiliser des agents dits « simulants », très proches des agents réels mais dénués de toxicité. Ils vont permettre de se rapprocher de la réalité tant au point de vue de la détection que de la décontamination.
Le simulant chimique idéal
Le simulant idéal doit présenter et combiner les propriétés suivantes :
- Propriétés physicochimiques les plus proches possibles des agents réels (consistance, couleur, solubilité, persistance, volatilité, odeur…) ;
- Facilement repérable à l’œil nu (coloration, fluorescence…) ;
- Détection ante et post décontamination identique aux agents réels au moyen des papiers détecteurs et des appareils de terrain (spectromètres de flamme, mobilité ionique, AP2C, AP4C…) ;
- Non toxique pour l’homme (peau et appareil respiratoire) et utilisable dans n’importe quelle condition (intérieur, extérieur) ;
- Décontaminable par les produits courants et les protocoles utilisés ;
- Non toxique pour l’environnement ou biodégradable (ne pas avoir à s’occuper du terrain au moment de partir).
De nombreuses études concernant les simulants chimiques comme celle de Shanonn L. Bartelt-Hunt et al. (1) comparent les structures moléculaires des agents chimiques et de leurs principaux simulants. Les propriétés physicochimiques sont aussi indiquées ainsi que les coefficients d’adsorption, la biodégradabilité, l’hydrolyse et les propriétés toxiques.
Ces agents chimiques doivent être détectés par les instruments analytiques et donc posséder la fonction chimique adéquate. Dans le cas de l’AP4C, – S pour HD, P pour G et V, P et N pour GA (tabun) et VX…Les détections avec les papiers détecteurs devront aussi être équivalentes.
Les différentes propriétés de tous ces produits sont aussi comparées dans la publication de J. Lavoie et al. (2).
Le simulant doit être repérable à l’œil nu pour mettre en évidence les contaminations croisées. La fluorescence ou les aspects chromogènes peuvent être la résultante de produits colorés ou fluorescents ajoutés ou non. On pourra se baser sur les études de K.J. Wallace et al. (3), V. Kumart and E.V. Anslyn.(4) et A.M. Costero et al.(5)
Le simulant doit perdre sa fonction chimique principale par dégradation lors de la décontamination de façon à le rendre invisible aux détecteurs (idem pour le repérage coloré ou fluorescent) ; les produits de dégradations ont été bien étudiés par A.B. Kanu et al. (6).
Les propriétés physicochimiques comme la viscosité et la pression de vapeur du simulant devront être les plus proches des produits réels. Ce sont surtout les solvants utilisés qui permettront d’obtenir ce résultat.
Le simulant pourra donc être constitué de plusieurs molécules différentes apportant chacune un élément comme : la détection (Atome S pour HD…), l’identité visuelle (colorant, fluorochrome…), l’aspect physique (consistance, couleur, solubilité, persistance, volatilité, odeur…), la non détectabilité après décontamination et la non toxicité.
Les simulants chimiques existants
Les simulants utilisés dans un but de formation sont relativement peu nombreux sur le marché : TOXsim (OWR) (les simulants ne sont pas toxiques, ils sont détectables aux UV mais sont très éloignés des produits chimiques de guerre), TrainSaf® (le même simulant est décliné en 3 versions dont les propriétés physicochimiques miment celles des 3 produits G, H et VX, repérables sous UV et non toxiques ils ne sont néanmoins pas représentatifs des produits réels et ne sont pas repérés d’une manière caractéristique par les détecteurs usuels, Flir (USA) (un simulant d’entrainement réagit avec le détecteur enzymatique qui lui correspond. Les possibilités semblent restreintes).
Le Sim-Kit (Ouvry SAS)
Chaque simulant est bien individualisé et ses propriétés physico-chimiques sont très proches de celles de l’agent réel.
HD-SIM simulant de l’ypérite : le principal composant est le méthyl salicylate. Le produit final est un liquide jaunâtre huileux, qui s’étale rapidement ou produit des gouttelettes en surface. Non soluble et plus dense que l’eau il est de même persistance que l’agent HD. Faible volatilité à 20°C. Rouge au papier détecteur il donne le même profil que HD avec les détecteurs de terrain. Il contient un traceur fluorescent visible sous lampe UV.
VX-SIM : le principal composant est le polypropylène glycol monobutyl ether. Le produit final est visqueux, jaune brun, il s’étale rapidement en surface. Non soluble dans l’eau il donne une couleur verte sur les papiers détecteurs et un profil V sur les détecteurs de terrain. Sa volatilité est très faible à 20°C et il contient un traceur fluorescent visible sous lampe UV.
GB-SIM simulant du sarin : dipropylène glycol monométhyl ether (DGPME). Incolore, il se répand facilement sur les surfaces. Sa persistance est comparable à celle de GB. Il est très volatil à 20°C et il donne une couleur jaune sur les papiers détecteurs et un profil caractéristique aux détecteurs de terrain. Il contient un traceur fluorescent visible sous lampe UV.
Les simulants sont répartis en flacons compte gouttes de 20 mL facilement maniables. Un coffret SIM-KIT ® Compact, antichoc et étanche permet de transporter les échantillons et la lampe UV permettant la détection de la fluorescence des simulants (fournie avec).
Il est à noter que les formules des différents simulants ont été changées. Des agents fluorescents ont été ajoutés dans un double but : repérer visuellement les agents sur les surfaces au moyen de la lampe UV fournie et, distinguer facilement un simulant répandu d’une manière malveillante, d’un agent réel. De plus, les nouvelles formules optimisées ont été débarrassées des produits chimiques susceptibles d’être cancérogènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction (les fiches de sécurité sont transmises avec le Kit).
Néanmoins, l’utilisation de ces simulants doit se faire avec de faibles quantités et dans des conditions de sécurité impliquant le port de gants en vinyl ou nitrile et une paire de lunettes de protection. En intérieur il est conseillé d’aérer correctement la pièce.
Ouvry a récemment racheté le brevet SIM KIT ® au Néerlandais Hotzone Solutions Group.
L’apport des simulations dans le domaine du NRBC a bien été analysé dans cette publication de Christian Leonce.
1- S.L. Bartelt-Hunt, D.R.U. Knappe, M.A. Barlaz. A review of chemical warfare agent simulants for the environmental behavior. Critical Rev. Environ. Sci. and Technol., 2008, 38, 112-136.
2- J. Lavoie, S. Srinivasan, R. Nagarajan. Using chemonformatics to find simulants for chemicals warfare agents. J. Hazard. Mater. 2011, 194, 85-91.
3- K.J. Wallace, J. Morey, V.M. Lynch, E.V. Anslyn. Colorimetric detection of chemical warfare simulants. New J. Chem, 2005, 29, 1469-1474.
4- V. Kumart, E.V. Anslyn. A selective and sensitive chromogenic and fluorogenic detection of a sulfur mustard simulant. Chem. Sci, 2013, 4, 4292-4297.
5- A.M. Costero, S.Gill, M. Parra, P.M.E. Mancini, R. Martinez-Manez, F. Sancenon, S. Royo. Chromogenic detection of nerve agents mimics. Chem. Commun, 2008, 6002-6004.
6- A.B. Kanu, P.E. Haigh, H.H. Hill. Surface detection of chemical warfare agent simulants and degradation products. Anal. Chim. Acta. 2005, 553, 148-159.