Que faire des souches de variole conservées dans les 2 laboratoires autorisés par l’OMS ? Un article récemment paru essaye de faire le point sur ces…
Que faire des souches de variole conservées dans les 2 laboratoires autorisés par l’OMS ?
Un article récemment paru essaye de faire le point sur ces souches extrêmement dangereuses.
D.A. Henderson and Isao Arita. Smallpox threat : a time to reconsider global policy
Biosecurity and bioterrorism : Biodefense Strategy, Practice, and Science. 12, 2014
C’est en 1977 en Somalie qu’est apparu le dernier cas endémique mondial de variole. Le 29 octobre 1977 l’OMS déclare la variole éradiquée (1 jour sans variole) et le 8 mai 1980 la vaccination est arrêtée. Cette éradication a été possible car la variole n’a pas de réservoir animal, n’est pas une infection persistante et elle présente des caractères cliniques évidents. De plus un vaccin efficace et pas cher a servi dans un programme d’éradication bien mené par l’OMS.
Depuis l’arrêt de la vaccination, la population mondiale est devenue non immune et donc très sensible au virus.Il était donc important de se poser la question de la conservation des souches au sein des laboratoires.Il est évident que ces souches représentent un danger en cas d’accident de laboratoire ou d’acte terroriste. C’est pourquoi dès 1975 l’OMS a demandé aux laboratoires de détruire leurs souches et seuls 2 d’entre eux sont autorisés à les conserver : le CDC (Centers for Disease Control) d’Atlanta aux USA et the State research Center for Virology à Novosibirsk en Russie.
Ces 2 laboratoires peuvent travailler sur ces souches sous surveillance de la communauté internationale et selon des protocoles approuvés par tous.
Néanmoins, ces souches représentent toujours un danger potentiel et leur destruction a été décidée lors de l’assemblée générale de l’OMS de 1996. Mais la décision finale a été reportée plusieurs fois, des travaux d’importance sur ces souches n’ayant toujours pas été menés à leur terme : la mise au point d’un nouveau vaccin donnant une protection complète sans effets secondaires et de 2 molécules antivirales pour le traitement de la variole. La décision finale qui devait être prise en 2011 sur l’avis de 2 comités scientifiques indépendants a été à nouveau reportée en 2014.
L’ argument principal en faveur de la destruction des souches est la menace réelle qu’elles représentent, en revanche les arguments contre leur destruction sont que les travaux sur le nouveau vaccin et les molécules pour le traitement ne sont pas terminés et, plus fondamentalement, que la disparition de ces souches peut faire perdre aux scientifiques l’accession aux connaissances fondamentales de ces virus. De plus, dans un contexte mondial de sauvegarde des espèces vivantes, la destruction de l’une d’elle en toute connaissance de cause peut sembler anachronique (même si on connaît très bien le génome du virus).
La menace : dans les années 90, des informations ont circulé sur la militarisation de souches de virus de la variole en Union Soviétique. Les travaux ont été stoppés mais personne, actuellement, n’est capable de dire si il existe des souches ailleurs que dans les 2 laboratoires officiels sous l’autorité de l’OMS.
La maladie est transmise de personne à personne par voie respiratoire. Dans une population non immunisée, 10 personnes infectées peuvent provoquer un nombre de cas cumulés de 4 500 personnes en 90 jours (si 1 000 personnes sont contaminées il y aurait 450 000 malades en 90 jours). Dans ces conditions, le vaccin représente la pièce maitresse de la défense antivariole. Selon les recommandations de l’OMS, les vaccins doivent être lyophilisés (pour une meilleure conservation), capables d’être administrés au moyen d’une aiguille bifurquée (pour réduire la quantité de vaccin utilisé) et doit provoquer une importante réaction cutanée corrélée à la protection. Seuls 2 vaccins, utilisant des virus de vaccine et non celui de le variole, répondent à ces exigences : l’ACAM 2000 et le LC16m8. Ces vaccins ont la particularité de protéger l’individu même s’ils sont administrés 3 à 4 jours après l’infection. D’où l’importance d’un diagnostic rapide et d’un entrainement préalable pour les personnels médicaux et la population.
La production de vaccin et leur stockage devient alors un problème réel. L’OMS a proposé en 2004 que les pays membres fabriquent et stockent 200 millions de doses, dont 5 millions mis à disposition à Genève pour être immédiatement distribués. L’OMS est bien consciente que ce nombre est dérisoire dans le cas d’épidémies importantes. Dix ans après, en 2014, le stock de Genève est de 3 millions de doses et le stock mondial est seulement de 30 millions de doses !
Politique vaccinale : la menace est globale. Quelques cas locaux peuvent se mondialiser avec les moyens de transport actuels. Etant donné la très faible quantité de vaccins, l’OMS devra adopter une stratégie d’économie maximale. La plupart des pays n’ont pas de vaccins et les conflits avec ceux qui en possèdent risquent de se faire jour. Parmi les facteurs permettant d’éviter l’expansion de la maladie il y a un diagnostic rapide des cas et la vaccination immédiate des patients et de leurs contacts. Ceci implique une planification et des entrainements aux différents niveaux, locaux, nationaux et internationaux. Force est de constater que ces activités sont plutôt réduites, pour ne pas dire inexistantes.
La priorité semble donc la constitution des stocks de vaccins et des plans opérationnels pour l’isolement des patients, la vaccination des sujets contacts ainsi que la protection des personnels médicaux et de soins.
Selon les auteurs de l’article, peut être faudrait il abandonner les travaux sur le virus de la variole (vaccin idéal et molécules de traitement) au profit de la constitution de réserves vaccinales à base des souches de vaccine existantes. Il faudrait que les différents pays puissent protéger environ 10% de la population mondiale en plus des 300 millions de doses gérées par l’OMS. Dans ce cas, les 2 laboratoires de référence pourraient détruire les souches de variole. Ces dernières pourraient être gardées dans un coffre-fort international pour des études ultérieures si nécessaires.
La momie de Ramses V porte les stigmates de la maladie varioleuse. Il est mort en 1157 av. J.-C.
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