L’effet placebo est-il une réalité ou un « fake » ? Existe-t-il un effet inverse ?
De quoi est-il question ?
On parle souvent de l’effet placebo, avec d’ailleurs souvent une pointe de mépris, en particulier lorsqu’on l’évoque à propos des traitements homéopathiques.
Un placebo, c’est quoi ?
Un placebo est une substance inactive dépourvue d’effet thérapeutique, administrée comme s’il s’agissait d’un traitement. Le premier placebo semble avoir été utilisé par le médecin américain Henry Beecher (1904-1976) sur le front pendant la seconde guerre mondiale. Vers la fin de la guerre, survint une pénurie de morphine pour opérer les soldats : le médecin choisit alors d’injecter une solution saline en faisant croire qu’il s’agissait de morphine. Les soldats se calmèrent immédiatement et ont réagi comme s’ils étaient réellement sous morphine : ils ont été opérés avec succès sans anesthésie, et ce jusqu’à la fin de la guerre. En 1955 il rédige une synthèse clinique sur 1082 patients traités en double aveugle (morphine contre sérum physiologique) et a ainsi déterminé que le nombre de « placebo-répondeurs sur la douleur post-opératoire était de 30% (chiffre jugé un peu surestimé depuis).
L’effet placebo
Il a été défini comme étant un effet thérapeutique (le soulagement de symptômes) obtenu par l’administration d’un placebo.Le papyrus Ebers rédigé au XVIe siècle avant notre ère dresse une liste de 842 prescriptions médicales en Égypte dont 700 sont reconnues comme médicaments véritables, les 100 autres, ne contenant aucune substance actives mais néanmoins efficaces étant, ce qu’on appellera plus tard, des placebos.
Le phénomène est ensuite évoqué par Paracelse qui décrit l’effet placebo dû au médecin. Puis, c’est Robert Burton en 1628 qui, le premier, donne une définition concrète à l’effet placebo en constatant l’action positive de la confiance du malade en la personne qui le soigne.
L’effet placebo n’est pas restreint à l’administration de médicament mais il existe aussi dans le cas des procédures Sham (chirurgie au cours de laquelle on n’a pas réalisé la procédure censée être thérapeutique) au cours d’opérations d’arthrose du genou par exemple. Dans une expérimentation, la réduction de la douleur a été similaire dans les 2 groupes, opérés ou non ! (ceci nous amène à réfléchir sur certains problèmes éthiques !)
L’exemple type de l’effet placebo est l’homéopathie : une parue dans The Lancet (27 aout 2005) a clairement montré que si l’homéopathie est une thérapeutique active, ses résultats ne sont pas supérieurs à ceux obtenus avec un placebo. Néanmoins, si l’effet placebo apporte un bienfait au patient, il doit être considéré comme tout à fait valable et doit être maintenu. Mais il faut raison garder, l’homéopathie ,et donc l’effet placebo qui en découle, ne peut pas fonctionner pour lutter contre des infections bactériennes ou des cancers par exemple.
Généralement les placebos sont utilisés dans les essais cliniques visant à vérifier l’efficacité d’un médicament grâce à un traitement en aveugle, (le patient ignore ce qu’on lui administre) ou en double-aveugle (le médecin et le patient ne savent pas qui prend quoi). Si le principe actif n’est pas jugé plus efficace que le placebo il ne reçoit pas l’AMM.
L’effet placebo agit selon des mécanismes psycho-physiologiques : la suggestion, le conditionnement et l’attente quant aux résultats du traitement.
La suggestion
La suggestion : il a été montré que lorsqu’un médecin établit un diagnostic précis et vous affirme que la guérison ne va poser aucun problème dans des cas de douleurs, céphalées ou autres mal de dos par exemple, le patient se porte bien mieux dans 64% des cas, avec ou sans prise de placebo d’ailleurs, alors qu’à peine 39 % des patients auxquels on a annoncé un diagnostic défavorable vont mieux. C’est ce qu’on appelle aussi « l’effet médecin » : on guérit toujours mieux avec un médecin empathique qu’avec un médecin froid et désagréable.
Le conditionnement
Le conditionnement, est comparable au réflexe de Pavlov : un patient traité avec un placébo se portera déjà mieux s’il a déjà réagi positivement à un traitement actif. Si l’effet placebo fonctionne chez l’animal c’est en grande partie grâce au conditionnement.
L’attente des résultats
L’attente des résultats : lorsque le patient part du principe que cela ne va pas fonctionner (comme beaucoup vis-à-vis de l’homéopathie), il n’attend rien du traitement qui n’aura donc aucun effet positif sur lui. Il est curieux de constater aussi que certains patients auxquels on annonce qu’ils vont être traités par un placebo acceptent, d’autant plus volontiers qu’ils sont en attente d’un résultat positifs (pourquoi ne pas essayer ?)
Physiologiquement, il a été clairement démontré qu’il pouvait y avoir libération de dopamine ou d’endorphine lors de la prise d’un placebo antidouleur. Ceci est une preuve supplémentaire de l’action effective du placebo !
L’effet nocebo
Du latin : « je nuirai », ce terme a été introduit en 1961 par le médecin Walter Kennedy. Un patient sur quatre en ferait l’objet. Il s’agit en quelque sorte d’un placebo qui a mal tourné ; il peut intoxiquer, provoquer des effets secondaires (vertiges, maux de tête, diarrhées, allergies, douleurs menstruelles…), et même une accoutumance : on peut devenir « accro » à un produit totalement neutre.
Il s’agit du phénomène inverse de l’effet placebo. On peut alors considérer l’effet nocebo comme un effet secondaire indésirable d’un placebo.
Généralement l’effet nocebo agit pas suggestion : le patient, croyant qu’il prend un médicament, est susceptible de recréer, par suggestion, les effets indésirables dont il a pu entendre parler auprès de ses amis ou dans les médias, ou qu’il a simplement lus sur la notice. Mais cet effet nocebo peut aussi se manifester lorsqu’on prend réellement un médicament actif auquel, sous l’action de la suggestion, on attribue des effets secondaires indésirables.
Application aux effets secondaires du vaccin anticovid
Deux tiers des réactions au vaccin Covid ne sont pas dues au vaccin mais à l’effet nocebo.
Dans cette étude parue en 2022, les données de 12 essais cliniques de vaccins Covid ont été analysées et ont montré que l’ « effet nocebo » était responsable d’environ 76 % de tous les effets indésirables courants après la première dose et de près de 52 % après la seconde.
Les résultats suggèrent qu’une proportion importante des effets secondaires légers, tels que les maux de tête, la fatigue à court terme et les douleurs au bras, ne sont pas produits par les composants du vaccin, mais par d’autres facteurs liés à la réponse nocebo, notamment l’anxiété, l’attente et l’attribution erronée de divers maux du fait d’avoir été vacciné.
Les auteurs ont analysé les effets indésirables signalés au cours d’une douzaine d’essais cliniques des vaccins Covid. Dans chaque essai, les personnes du groupe placebo recevaient des injections de sérum physiologique inactive à la place du vaccin. L’étude n’a pas porté sur les effets secondaires graves et rares tels que les caillots sanguins ou les inflammations cardiaques.
Les chercheurs décrivent comment, après la première injection, plus de 35 % des personnes des groupes placebo ont ressenti des effets secondaires dits « systémiques », tels que des maux de tête et de la fatigue, et 16 % ont signalé des symptômes spécifiques au site, notamment des douleurs au bras, des rougeurs ou des gonflements au site d’injection. Lorsque les chercheurs ont examiné les effets secondaires après la deuxième injection, ils ont constaté que le taux de maux de tête ou d’autres symptômes systémiques était presque deux fois plus élevé dans le groupe vacciné comparé au groupe placebo, soit 61 % et 32 % respectivement. La différence était encore plus grande pour les affections locales, atteignant 73 % chez les personnes vaccinées et 12 % dans le groupe placebo.
Dans l’ensemble, les chercheurs ont calculé qu’environ deux tiers des effets secondaires courants signalés dans les essais du vaccin Covid étaient dus à l’effet nocebo, en particulier les maux de tête et la fatigue, alors que de nombreuses brochures sur le vaccin Covid les présentaient comme les effets indésirables les plus courants après une injection.
Au vu de leurs résultats, les chercheurs affirment qu’une meilleure information du public sur les réactions nocebo pourrait améliorer l’adoption du vaccin Covid en réduisant les inquiétudes qui font hésiter certaines personnes.
« Dire aux patients que l’intervention qu’ils prennent a des effets secondaires similaires à ceux des traitements par placebo dans les essais contrôlés randomisés réduit effectivement l’anxiété et incite les patients à prendre un moment pour réfléchir à l’effet secondaire », a déclaré Ted Kaptchuk.
Alors que les données suggèrent que l’information sur les effets secondaires peut amener les gens à attribuer des maux courants au vaccin ou à être très attentifs à ce qu’ils ressentent, Kaptchuk plaide pour plus d’informations sur les effets secondaires. « Je pense que c’est une erreur. L’honnêteté est la voie à suivre ».
Conclusion
L’effet placebo existe et il est souvent bénéfique au patient. Quant à l’effet nocebo, nous faisons face ici à un problème extrêmement compliqué. Dans le cas de la vaccination anticovid par exemple, la présence d’effets secondaires après la vaccination dépend d’un nombre de facteurs considérables parmi lesquels, la liste des effets secondaires listés sur la notice du vaccin (accessible à tous sur internet), les attentes du vacciné, ses craintes et ses peurs et surtout sa réception des commentaires délirants des antivaccins circulants sur les réseaux sociaux…
En revanche, il semble qu’une explication claire et franche sur l’effet nocebo pourrait permettre de réduire les effets secondaires.
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