Le journal 20 minutes daté du 24 mai 2018 nous mettait en alerte sur une épidémie sévissant en Indes, et en particulier dans la région du Kérala. Le responsable est le virus Nipah et il a causé la mort d’une dizaine de personnes en quelques semaines. On nous dit que « le virus Nipah est mortel dans 70% des cas ». Quel est ce virus ? Que doit-on craindre réellement ? Comme se positionne-t-il par rapport à la grippe, Ebola ou les virus hémorragiques ? Nous allons essayer de répondre à ces questions.
Le virus Nipah
C’est un virus à ARN appartenant à la grande famille des Paramyxoviridae au même titre que le virus des oreillons ou celui de la rougeole. Il constitue avec le virus Hendra (responsable du syndrome respiratoire équin aigu) le genre Henipavirus. Il a alors été déterminé que les chauves-souris frugivores Pteropus étaient la source la plus probable de l’infection avec une séroprévalence de 47 %, aucune autre espèce n’étant positive. la contamination se fait par l’intermédiaire de la salive, l’urine et/ou du liquide amniotique de l’animal.
Le virus Nipah (NiV) a été identifié pour la première fois en 1999 au cours d’une épidémie d’encéphalites et de maladies respiratoires chez des éleveurs de porc en Malaisie et à Singapour qui ont eu lieu en 1998. Il tient son nom du village malaisien de Sungai Nipah d’où sont issus les premiers fermiers malades. Lors de cette épidémie, 115 personnes sur les 265 contaminées sont décédées et c’est l’euthanasie d’un million de porcs, l’hôte intermédiaire, qui a permis d’endiguer la maladie. L’abatage des animaux a conduit à une perte commerciale considérable. La même chauve-souris hôte du virus Handra peut aussi héberger le virus Nipah et contaminer la nourriture du porc, hôte intermédiaire lequel, en toussant, dissémine le virus autour de lui en contaminant l’homme. Au cours de cette épidémie, les symptômes de l’infection étaient respiratoires chez le porc et encépahalitiques chez l’homme.
L’habitat naturel de la chauve-souris est distribué géographiquement dans une zone englobant le nord, l’est et le sud-est de l’Australie, l’Indonésie, la Malaisie, les Philippines et certaines iles du Pacifique. Sur la carte représentée ci-dessous, on peut bien faire le parallèle entre l’habitat de la chauve-souris et les cas infectieux des Hendra et Nipah virus.
Les épidémies
La première épidémie décrite, celle de 1998-99 a eu lieu en Malaisie et à Singapour. Depuis, aucun autre cas, ni porcin, ni humain n’a été rapporté dans ces 2 pays.
En 2001 une épidémie s’est déclarée au Bengladesh avec un virus Nipah génétiquement différent du précédent. La même année, une autre épidémie se déclenche au Siliguri en Indes et une transmission d’homme à homme a même été décrite. Contrairement à l’épidémie de Malaisie, des foyers infectieux sont régulièrement décrits au Bengladesh et en Indes.
La dernière épidémie actuellement en cours a fait 10 morts en 2 semaines et des villages sont isolés du reste du monde. C’est la région du Kerela en Inde, qui subit actuellement les assauts d’un virus particulièrement virulent. L’épicentre semble être le village de Kozhikode et 1 300 personnes qui ont été en contact avec les personnes infectées sont sous surveillance.
Depuis qu’il a été décrit, on estime que 250 personnes sont mortes de ce virus. De mortalité similaire à celle du virus Ebola il tue en moyenne 7 patients sur 10. En fait, le nombre relativement faible de décès à ce jour peut être expliqué par le fait que le virus tue très rapidement, empêchant sa propagation et aussi parce que les populations les plus exposées sont des éleveurs vivant en milieu rural et voyageant moins que les hommes d’affaire…
La transmission
Ce virus mortel dit « émergent » est inoffensif pour son hôte naturel, la chauve-souris. Il est excrété dans la salive et les urines et a une préférence marquée pour le porc. C’est pourquoi les premiers cas de transmission à l’homme se sont produits parmi les éleveurs de porcs en Malaisie et Singapour. Il est d’ailleurs à noter que dans aucune des épidémies qui ont suivi, le porc n’a servi d’hôte intermédiaire : le virus est passé directement de la chauve-souris à l’homme. L’animal est un grand amateur de sève de palmier qu’elle peut donc contaminer. En montant à un arbre contaminé ou en buvant de la sève de palmier, l’homme peut se contaminer à son tour.
Maintenant, la contamination d’homme à homme est fréquente, par l’intermédiaire des fluides contaminés. La dernière victime en date est une infirmière contaminée par les patients qu’elle soignait.
Il est très probable que le rapprochement des lieux de vie de la chauve-souris et de l’homme, à cause notamment de la déforestation, soit à l’origine de ces épidémies.
Pathologie
Chez l’homme l’infection par le virus Nipah est associée avec une encéphalite (inflammation du cerveau). La période d’incubation est de 5 à 14 jours. Les signes cliniques perdurent entre 3 et 14 jours : ce sont des mots de tête, de la fièvre, de la somnolence, de la désorientation et une confusion mentale. Ces signes peuvent mener au coma. Certains patients peuvent présenter des signes respiratoires pendant les premières phases de la maladie et plus de la moitié qui ont des signes neurologiques présentent aussi des signes respiratoires.
Des séquelles à long terme ont été observées comme des convulsions persistantes et des troubles de la personnalité.
Sans traitement spécifique, ni vaccin, c’est le traitement symptomatique intensif qui reste la principale méthode de prise en charge de l’infection chez l’homme.
Conclusion
L’hôte principal, la chauve-souris Pteropus, dont le territoire est relativement restreint, la relative difficulté de transmission de la chauve-souris à l’homme, la mortalité très rapide et la localisation plutôt reculée des foyers infectieux semblent indiquer que les épidémies à Henipavirus, (Handra et Nipah virus) ne sont pas dans la capacité, pour le moment, de donner des grandes épidémies comme celles de la grippe ou d’Ebola. Cependant, l’évolution des virus émergents très difficile à prévoir et c’est pourquoi, le virus Nipah figure dans le top 10 des maladies susceptibles de créer la prochaine épidémie majeure, d’après l’Organisation Mondiale de la Santé.
Pour l’instant il semble que les autorités sont capables de gérer la situation mais on pourra se reporter aux épidémies d’Ebola par exemple, pour se rendre compte comment une situation stable peut soudainement échapper à tout contrôle.
Des solutions de protection individuelle ont été proposées : EPI
Bibliographie
http://www.who.int/csr/disease/nipah/Global_NiphaandHendraRisk_20090510.png?ua=1
https://asiancorrespondent.com/2018/05/india-what-you-need-to-know-about-the-nipah-virus-outbreak-in-kerala/#QaoHDedr4Dl4hl3T.97
S.P. Luby, E.S. Gurley, M.J. Hossain, Transmission of human infection with Nipah Virus, Clin. Infec. Dis., 2008, 49, 1743-1748
M.J. Hossain, E.S. Gurley et al. Clinical presentation of Nipah virus infection in Bangladesh, Clin. Infec. Dis., 2008, 46, 977-984
P. Chatterjee, Nipah virus outbreak in India, The Lancet, 2018, 391, 2200