par François NR RENAUD, conseiller scientifique
Un peu d’histoire
À Philadelphie, lors du 58e congrès de l’American Legion, programmé du 21 au 24 juillet 1976 l’hôtel Bellevue-Stratford accueille les 182 participants. L’hôtel est un peu « vieillot » et le système de climatisation doit être réparé. Un jeune employé de 26 ans est chargé de le contrôler mais il tombe malade (maux de tête, courbatures…). Puis ce sont 2 organisateurs et quelques légionnaires qui souffrent d’un « mauvais rhume ». Le 30 juillet, 4 légionnaires sont morts de pneumonie. De retour chez eux, d’autres légionnaires tombent malades et des rapprochements dans différentes villes sont faits pour mettre en évidence une pneumopathie commune à tous les participants à ce congrès. Le lundi 2 août, on dénombre 16 morts et 66 légionnaires hospitalisés. Le même jour, à New York, une call-girl, qui a « travaillé » sur les lieux du congrès, est traitée et guérie par érythromycine pour une pathologie pulmonaire.
Au terme de cette première épidémie, on comptabilise 182 cas, dont 29 morts
Il aura fallu plus d’une année pour identifier la bactérie responsable : elle a été appelée Legionella pneumophila. La maladie est aussi appelée « maladie des légionnaires » car historiquement rattachée aux anciens combattants américains.
La bactérie
C’est un bacille à Gram négatif. Le genre Legionella comprend une cinquantaine d’espèces mais L. pneumophila est responsable de plus de 90 % des cas de légionellose. Cette bactérie fait partie de la flore aquatique en se développant particulièrement dans les eaux douces et chaudes. La présence de dépôts organiques favorise son développement dans les canalisations d’eau. La bactérie est dite « intracellulaire » c’est à dire qu’elle vit et se multiplient à l’intérieur des cellules et en particulier dans les amibes du milieu extérieur. Lorsque les amibes meurent les bactéries sont libérées et vont coloniser d’autres amibes pour reproduire un nouveau cycle.
Épidémiologie
Les principales sources d’exposition humaine sont les réseaux d’eau chaude sanitaire et les tours aéro-réfrigérentes humides. Cette bactérie peut se multiplier dans l’eau jusqu’à 45°C, (rares sont les bactéries qui résistent à une telle température), et elle peut survivre jusqu’à 66°C. La contamination de l’homme se fait par inhalation d’aérosol contenant la bactérie et atteignant les alvéoles pulmonaires. La contamination peut avoir lieu à l’occasion de douches, d’un spa ou de l’utilisation d’un brumisateur voire d’un climatiseur mal entretenu.
En fonction des conditions climatiques, ces aérosols peuvent se déplacer sur plusieurs kms et survivre 2 heures à l’air. Ainsi, les tours aéroréfrigérantes posées sur le toit des immeubles sont d’importants vecteurs de contamination si elles sont mal entretenues.
Il n’est donc pas aberrant de dire que cette maladie a été « inventée » par l’homme car, si la bactérie a toujours existé dans l’environnement, la répartir dans des aérosols puis les insuffler dans les poumons de l’homme est bien la conséquence des progrès techniques !!!
Si on estime entre 8 000 et 18 000 cas de légionelloses aux USA en une année, on dénombre de 1 200 à 1 500 le nombre de cas en France. La plus importante épidémie française eut lieu à Harnes dans le Pas de Calais en 2003 avec 90 cas et 17 morts : la responsable était une tour aéroréfrigérante contaminée. En milieu hospitalier ce sont surtout les systèmes d’alimentation en eau chaude qui sont à l’origine des infections.
La maladie
Les bactéries atteignent les alvéoles pulmonaires et envahissent les macrophages, cellules de l’immunité qu’elles finissent par détruire.
La période d’incubation est de 2 à 10 jours. La légionellose se manifeste par des infections pulmonaires aiguës. Les premiers symptômes s’apparentent à ceux d’une grippe (fièvre, toux sèche) suivis par une augmentation de la température corporelle qui peut atteindre 39.5 °C. Surviennent alors des malaises, des douleurs abdominales (nausées, vomissements, diarrhées), accompagnées de troubles psychiques (confusion, désorientation, hallucinations pouvant aller jusqu’au delirium et au coma).
Il peut aussi exister des formes pseudogrippales bénignes, sans signe pulmonaire appelées fièvres de Pontiac.
Les complications peuvent être une insuffisance respiratoire irréversible et une insuffisance rénale aiguë, souvent mortelles.
Cependant, la bactérie ne s’attaque généralement qu’à des sujets dont le système immunitaire est affaibli : immunodéprimés ou fragilisés (SIDA,cancer, diabète,personnes âgées…). La maladie est redoutable si elle intervient en milieu hospitalier. Si la bactérie est naturellement résistante à la pénicilline elle est sensible à d’autres antibiotiques comme l’érythromycine.
Mesures préventives et curatives
On surveillera particulièrement les tours aéroréfrigérantes humides dans lesquelles l’air réchauffé chargé de vapeur d’eau s’échappe dans l’environnement. Il contient également des microgouttelettes d’eau entraînées par la circulation forcée de l’air. Parmi les mesures préventives, on choisit des matériaux peu sensibles à la corrosion, à l’entartrage, à la formation de biofilm et faciles à nettoyer et surtout, on supprime les « bras morts » qui sont les parties du réseau dans lesquelles l’eau circule peu ou très mal ; l’eau y stagne, favorisant le développement des micro-organismes.
Lorsque du personnel doit intervenir dans une tour aéroréfrigérante celle-ci doit être à l’arrêt depuis un temps suffisant long pour permettre aux aérosols de se déposer.
Il doit revêtir des EPI comme des gants (latex, vinyle, nitrile), masques, visière anti-projections, blouse, surbottes…
Par précaution, il est recommandé d’utiliser des protections respiratoires assurant un niveau élevé de filtration du milieu ambiant : filtre de type P3SL contre les aérosols solides et liquides (guide des bonnes pratiques légionnelle et tours aérorefrigérantes).
Un 1/2 masques respiratoires à filtration P3 voire un masque total P3 en présence d’aérosols et de brouillards chimiques est un élément indispensable.
La protection assurée par un FFP3 pose à l’évidence la question de son utilisation dans un milieu saturé en humidité comme celui d’une tour aéroréfrigérante, son efficacité étant alors réduite dans le temps.
Le masque OC50 muni d’une cartouche contenant un filtre P3 (comme la cartouche polyvalente MILCF50) peut être la solution lorsqu’il y a un mélange d’aérosols et de produits chimiques lors du nettoyage de la tour.
Désinfection des eaux
Il existe 2 procédés reconnus
Le traitement thermique : on fait circuler de l’eau à 70°C pendant 30 minutes dans l’ensemble du réseau. La désinfection chimique consiste à appliquer de l’eau chlorée ou bien du peroxyde l‘hydrogène, voire de la soude.
Arme biologique ?
L. pneumophila est classée dans le groupe 2 des agents biologiques, c’est à dire qu’elle provoque une maladie chez l’homme mais que sa propagation est peu probable et il existe une prophylaxie et/ou un traitement efficace.
Il n’existe pas de contamination inter-humaine de la légionellose.
La légionnelle ne présente aucun caractère d’efficacité d’une arme biologique et elle ne fait donc pas partie des armes biologiques potentielles
Le transfuge Ken Alibek rapporte que dans le programme biopreparat, des armes à légionnelles avaient été testées pour leurs capacité à déclencher des modifications du comportement ou de graves dommages cérébraux pouvant mimer des maladies naturelles après plusieurs semaines ou mois suivant l’exposition.
Conclusion
La légionellose est une maladie peu connue s’attaquant à des personnes fragiles et qui est due à l’aérosolisation de la bactérie Legionella pneumophila. Cette bactérie se multiplie dans les milieux aqueux chauds, la principale source des contaminations se faisant à partir des tours aéroréfrigérantes et des canalisations d’eau chaude de l’hôpital.
Bibliographie
INRS Point des connaissances, ED 5012 : les légionelles en milieu de travail, 2006
Ministère de la solidarité et de la santé : Prévention de la légionellose : les obligations par type d’installation et d’établissement 07/10/2015
IRISst risques biologiques : les légionnelles
Guide des bonnes pratiques : Legionella et tours aéroréfrigérantes, juin 2001
Institut Pasteur : les légionnelles
Amesis les armes biologiques