De quoi est-il question ?
Le monde souterrain est un monde bien particulier : il peut être peuplé de travailleurs spécialisés comme ceux qui creusent des tunnels (comme celui du métro du grand Paris express par exemple) ou les égoutiers (nous ne parlerons pas des mineurs puisqu’il n’y en a plus en France). Ces professions maîtrisent bien les risques inhérents au milieu confiné et ils sont généralement les seuls à intervenir sur leur lieu de travail.
En revanche, d’autres milieux souterrains peuvent accueillir du public non initié comme les tunnels routiers ou ferroviaires, le métro, voire les galeries commerçantes souterraines.
Dans un tunnel routier ou ferroviaire le risque est celui du transport de matières dangereuses en présence de passagers, l’accident du tunnel du mont blanc en 1999 est encore dans toutes nos mémoires.
Dans un métro ou une galerie marchande le risque majeur est l’incendie (Métro de Bakou en 1995 et métro de Londres en 1987) ou un attentat aux gaz toxiques comme celui au gaz sarin à Tokyo en 1995. Un élément supplémentaire est à prendre en compte : celui de la présence de la foule toujours présente dans ces lieux.
L’incendie
France-Italie
Le tunnel du Mont-Blanc mesure 11,5 km entre Chamonix en France et Courmayeur en Italie. Il a été ouvert le 19 juillet 1965, les travaux ayant débuté en mai 1959.
Le 24 mars 1999, un camion venant de France et transportant de la farine et de la margarine, prend feu à 7 km de l’entrée du tunnel. Cinquante-trois heures ont été nécessaires pour éteindre l’incendie et plusieurs semaines pour identifier les 39 victimes, pour la plupart mortes par asphyxie. Vingt-quatre poids-lourds, 9 véhicules légers et 1 moto ont été impliqués dans la tragédie.
Le premier rapport d’enquête pointait une série accablante de dysfonctionnements : capacité limitée d’extraction des fumées toxiques, mauvaise utilisation des conduits d’extraction, fonctionnement inadapté des feux de signalisation, absence de galerie de sécurité, mauvaise coordination des postes de commande franco-italiens, consignes de sécurité inadaptées, moyens d’intervention insuffisants…
Azerbaïdjan
Le 28 octobre 1995 un incendie accidentel se déclare dans le métro de Bakou en Azerbaïdjan, après la station d’Ouldouz. La rame s’arrête dans le tunnel et deux voitures d’un train qui en comportait quatre sont en feu. Paniqués les voyageurs essaient de fuir. Les sauveteurs vont retrouver 337 morts et plus de 270 blessés. C’est l’accident le plus tragique de toute l’histoire des métros.
Royaume Uni
À Londres, le 18 novembre 1987, un incendie s’est déclaré à la station King’s Cross St. Pancras au niveau d’un escalier mécanique. Il fut suivi d’un embrasement éclair généralisé. Outre les 31 victimes décédées, on dénombra 19 blessés graves et 80 blessés plus légers mais néanmoins hospitalisés.
Les facteurs de danger
Si l’incendie est bien l’élément déterminant, il s’accompagne d’une agression thermique (1 000 °C dans le cas du tunnel du Mont-Blanc) et d’une agression chimique. La combustion entraîne la production de fumées responsables de la diminution de la visibilité, de l’inhalation de suie et du transport de molécules chimiques toxiques. La combustion produit du dioxyde de Carbone CO2 (narcose) et du monoxyde de Carbone CO (troubles du comportement et mort). Dans ce milieu fermé, la déplétion en oxygène se fait sentir dès la concentration de 16 % ou apparaissent des troubles du comportement, à 12 % les sujets perdent conscience et à 6 % ils décèdent (la quantité normale est de 21 %). Tous ces facteurs réunis sont la cause des mouvements incontrôlés des victimes et empêchent leur réflexe de fuite : la majorité des décès est donc due à la toxicité des fumées plus qu’aux brûlures. C’est ce qui s’est passé dans les incendies des métros de Bakou et de Londres.
L’attentat par gaz toxique
Nous avons déjà décrit dans ce blog les évènements qui ont conduit le 20 mars 1995 à la mort de 11 personnes et qui ont fait 5 500 blessés à Tokyo, suite à l’attentat au gaz sarin perpétré par la secte Aum.
Contrairement à la toxicité de la fumée d’incendie, le problème majeur est celui de la contamination par inhalation et/ou par contact. Le risque secondaire est celui d’une contamination par transfert provoquant une toxicité retardée de quelques heures à 2 jours. Pour bien connaître les conséquences des attaques bioterroristes au gaz sarin, vous pouvez vous reportez à l’article intitulé « l’attaque au gaz sarin dans le métro de Tokyo : les leçons » .
Les secours
Les problématiques liées à ces types d’événement sont :
l’accessibilité : pour les tunnels routiers l’accès peut être possible par véhicule alors que pour le ferroviaire, le métro ou les galeries marchandes, l’accès ne peut se faire qu’à pieds ;
la visibilité est très diminuée en cas de fumées ou de poussières ce qui peut gêner les secours ;
l’acoustique mêlant les bruits ambiants, les cris de panique et les bruits de ventilation peut gêner la communication pour les secours et augmenter le stress des victimes ;
les problèmes psychologiques dus à la claustrophobie, l’absence de repères et l’angoisse sont souvent à l’origine d’effets de panique.
Si les procédures concernant les incendies sont bien connues maintenant, il faut rajouter, concernant les attaques au moyen de produits chimiques, la prise en compte de la contamination et du transfert de contamination. Il faut créer une zone de regroupement des victimes contaminées afin de détecter et identifier le produit toxique, procéder à la décontamination, injecter l’antidote…
Le projet européen nouvellement mis en route est chargé d’étudier toutes ces problématiques : c’est le projet « Transtun ».
Le projet « Transtun » TRANSnational TUNnel (operational CBRN risk mitigation).
Le projet Transtun est une initiative publique-privée qui aborde le risque NRBC au travers des événements chimiques dans les tunnels de l’Union Européenne. L’objectif principal est d’améliorer la préparation et l’intervention des opérateurs, des intervenants d’urgence et des états membres pour faire face aux menaces NRBC dans les tunnels terrestres transfrontaliers.
Transtun engage les opérateurs et les utilisateurs finals de toute l’Europe à définir, produire et tester des lignes directrices opérationnelles normalisées pour une réponse efficace aux événements chimiques dans les tunnels transfrontaliers de l’UE.
Transtun mettra en place et facilitera un réseau de gestionnaires européens de la sécurité des exploitants de tunnels, dans un effort de partage des meilleures pratiques et de normalisation des processus minimaux et des normes d’équipement.
Quelles sont les questions à se poser ?
Quel type d’EPI utiliser ? Quels sont les équipements de catégorisation et d’identification des produits chimiques à utiliser ? Quels équipements pour les premiers secours et les utilisateurs des tunnels ? Tester et comparer les différentes technologies pour établir les équipements standards, évaluer les gains de performance et la capacité opérationnelle en mesurant le temps d’intervention et le nombre de personnes nécessaires en comparant différentes technologies. Quels moyens de détection ? de décontamination ?
Autant de questions auxquelles les participants du projet « Trantun » vont essayer de répondre afin de mettre au point une intervention rapide et efficace pour faire face à la libération de produits chimiques toxiques dans un milieu clos comme celui des tunnels.
Bibliographie
Viala B. Risque chimique en milieu souterrain, Annals of burns and fire disasters, X, March 1997.