Dans ce blog nous avons déjà parlé de thermophysiologie dans des articles intitulés « La thermophysiologie et ses applications dans le NRBCe » et « Tolérance thermophysiologique d’un sous-vêtement NRBC ».
Cet article de Uttam et al., Thermophysiological clothing comfort, J. Textile Eng. Fashion Technol., 2021,7,98‒103 détaille les différentes caractéristiques des propriétés thermophysiologiques des textiles constituant les vêtements. Les auteurs portent leur regard sur l’aspect confort de ce vêtements mais on ira plus loin en l’étendant au domaine des EPI, très dépendants eux aussi, des thématiques de thermophysiologie.
De quoi est-il question ?
Si les vêtements sont portés pour protéger le corps humain, ils doivent aussi maintenir la température du corps dans des conditions environnementales défavorables. Dans un environnement chaud, la chaleur générée par le corps doit être dissipée dans l’environnement, tandis qu’à l’inverse, le vêtement doit protéger le corps de l’agressivité du froid et de l’humidité.
Un bon vêtement aide à maintenir la température du corps à différents niveaux d’activités physiques et dans des conditions environnementales variées. C ’est ce qu’on appelle le confort thermophysiologique. Les propriétés de transport de la chaleur et de l’humidité, des textiles jouent ici un rôle très important.
Perception générale du confort
Le confort peut être défini comme un état agréable résultant des états psychologique, physiologique et physique entre une personne et son environnement.
Le vêtement protège le corps contre les influences climatiques par une bonne gestion de la chaleur et de l’humidité comprises entre le corps et le textile, de façon à créer un « microclimat » près de la peau. Cet effet physiologique est fondamental, notamment dans le cas des tissus fonctionnels comme celui qui constitue les EPI (équipement de protection individuel) ou les vêtements de sport. Aucun système d’habillement n’est adapté à toutes les situations : un tissu qui convient à un climat donné est généralement inadapté à un autre environnement.
Le confort vestimentaire dépend d’un certain nombre de facteurs :
– le confort thermophysiologique : c’est le résultat de l’équilibre entre la température et l’humidité (liquide et vapeur) permettant une bonne thermorégulation ;
– le confort sensoriel ou tactile : il résulte de la sensation que procure un tissu lorsqu’il est porté à même la peau. Il est fonction de sa douceur, de sa souplesse, du bruit éventuel pendant le mouvement. Un bon vêtement n’irrite pas, ne pique pas et ne colle pas à la peau lorsqu’il est humide ;
– le confort de mouvement du corps est la capacité d’un tissu à permettre la liberté de mouvement ;
– le confort esthétique est une perception subjective du vêtement pour les yeux, et procure un sentiment de confort général à la personne qui le porte. Les paramètres qui contribuent au confort esthétique sont la couleur, l’aspect du tissu, la façon dont il est taillé, le boulochage, le pliage, etc.
Concept de confort thermophysiologique
En général, le corps maintient sa propre température constante à 37 ± 0,5˚C sous différents climats. Le confort thermophysiologique est atteint lorsque la température centrale du corps est maintenue aux alentours de 37°C. Une augmentation ou une diminution de 5˚C de la température du corps peut être fatale.
Une activité physique excessive par rapport à ce qui est nécessaire pour maintenir la chaleur du corps à 37°C entraîne une production de chaleur excédentaire qui doit être transférée dans l’environnement sous peine de voir augmenter la température corporelle. Bien qu’une partie de la dissipation de la chaleur se fasse par la respiration, la majeure partie de cette chaleur est évacuée via la surface du corps, généralement par le transfert de chaleur sèche. Lorsque l’évacuation est insuffisante, le corps humain commence à transpirer, l’objectif étant de refroidir le corps par l’évaporation de la sueur sur la peau.
Dans ces conditions, les vêtements doivent donc toujours garantir un niveau élevé de transmission de l’humidité.
Plusieurs mécanismes concourent à évacuer la chaleur sèche :
. la conduction, par contact direct entre 2 substances ;
. la convection, par transmission fluide (liquide/gaz) ;
. le rayonnement par ondes électromagnétiques.
Quant à l’évaporation de la sueur sur la peau, elle demande une grande quantité d’énergie thermique laquelle est prise au niveau de la peau permettant son refroidissement.
Le corps produit continuellement de la chaleur par ses processus métaboliques, chaleur qui doit être transférée à l’environnement. Sur toute l’énergie absorbée sous forme de nourriture, seuls 15 à 30 % sont convertis en travail utile, les 70 à 85 % restants sont dissipés sous forme de chaleur. Au repos, elle atteint déjà 100 W, elle s’élève à environ 300 W lors d’un travail physique de difficulté moyenne, et atteint des valeurs de plus de 1000 W pendant une courte période de performance physique maximale dans le cas d’un sportif par exemple.
Une température de l’air de 28-29˚C est nécessaire pour qu’un individu puisse s’asseoir confortablement sans porter de vêtements. À des températures inférieures, le corps diminue sa température. Les pertes par convection sont dues au fait que le corps transfère de la chaleur à l’air qui est en contact avec lui. Cet air chaud est ensuite immédiatement remplacé par du froid par convection naturelle ou par les courants d’air générés par les mouvements du corps ou la circulation de l’air.
Le vêtement doit isoler le corps afin que le corps ne se refroidisse pas.
Lors d’un bilan thermique en régime équilibré, l’énergie thermique produite par le corps est compensée par le transfert de la chaleur du corps vers l’extérieur par respiration, conduction, convection, rayonnement et évaporation.
Les facteurs affectant le confort thermique sont à la fois environnementaux (température de l’air, vitesse du vent, humidité relative) et de facteurs individuels : niveau d’activité , isolation des vêtements.
L’isolation des vêtements est un facteur important. La plupart des systèmes d’isolation appliqués pour réduire les pertes de chaleur du corps sont constitués de structures textiles qui sont des mélanges de fibres textiles et d’air. Les fibres textiles font obstacle au flux de chaleur rayonnante et stabilisent l’air à l’intérieur de la structure textile pour atténuer les pertes de chaleur par convection, car l’air présente une conductivité inférieure à celle des fibres.
La thermorégulation par le système vestimentaire
La thermorégulation du corps humain est bien connue : dans un état stable, la chaleur produite par le corps est équilibrée par la perte de chaleur dans l’environnement (convection, rayonnement, évaporation et respiration). Lorsque la chaleur corporelle augmente au-delà de la valeur fixée, la vasodilatation des vaisseaux sanguins est activée pour augmenter le flux sanguin vers la peau dans le but d’accélérer la perte de chaleur à travers la peau. Au-delà, le mécanisme de transpiration est activé pour accélérer la perte de chaleur par évaporation de la sueur liquide. À l’inverse, lorsque le corps détecte que sa température a diminué en deçà de la valeur fixée, la vasoconstriction des vaisseaux sanguins est activée pour diminuer le flux sanguin vers la peau dans le but de réduire la perte de chaleur. De plus, les muscles sont activés, ce qui se traduit par la production de frissons générateur de chaleur.
La thermorégulation par le système vestimentaire dépend principalement de la transmission de la chaleur par les vêtements, du processus de transfert de l’humidité, de la barrière thermique entre le corps humain et l’environnement formée par les vêtements.
Propriétés de transport de la chaleur et de l’humidité
Le transfert de la chaleur et de l’humidité d’un vêtement est d’une importance capitale pour la survie de l’être humain et joue un rôle significatif dans le maintien du confort thermophysiologique. La transmission de la chaleur à travers le vêtement peut se faire de trois façons : transmission de la chaleur sèche par conduction et rayonnement, diffusion de la transpiration sous forme de vapeur d’eau et diffusion de la transpiration liquide.
Il se crée alors un microclimat caractéristique entre la peau et le vêtement ce qui détermine la sensation de confort. La chaleur et l’humidité dépendent à la fois de l’environnement et des facteurs humains ainsi qu’à des facteurs liés au vêtement tels que la nature du tissu et les ouvertures du vêtement.
Il existe un grand nombre de mesures thermiques caractérisant les tissus que nous ne détaillerons pas ici. Citons néanmoins la perméabilité à l’air qui mesure le passage de l’air d’un côté à l’autre du textile sous une différence de pression des 2 côtés. Elle s’exprime en L/s.m2 (volume d’air par unité de surface du tissu s’écoulant dans une unité de temps). Plus elle est importante, plus le textile est perméable à l’air. La résistance évaporative thermique mesure de l’énergie nécessaire pour faire passer de la vapeur d’eau à travers une membrane d’un tissu. Elle s’exprime en m2.Pa/W. Plus elle est faible, moins le tissus résiste à l’évaporation.
Transmission de l’humidité
La transmission de l’humidité du tissu affecte de manière significative le confort thermophysiologique du corps humain. L’humidité est maintenue par la transpiration sous forme liquide ou sous forme de vapeur.
Les deux types de transpiration soulèvent des problèmes différents : l’un concerne la capacité de la vapeur d’eau à traverser le matériau fibreux, en particulier la couche extérieure ; l’autre concerne la capacité du matériau fibreux en contact avec la peau à absorber ou à traiter la sueur liquide : un tissu humide qui colle à la peau n’est pas considéré comme confortable.
Diffusion de la transpiration sous forme de vapeur d’eau
La perméabilité à la vapeur d’eau du tissu est une propriété très importante du matériau fibreux qui contribue à maintenir l’équilibre thermique du porteur. Pendant l’exercice ou dans un climat très chaud, le corps humain maintient l’équilibre thermique par la transpiration et l’évaporation. Le vêtement doit être capable d’éliminer cette humidité. Un tissu à faible perméabilité à la vapeur d’eau est incapable de laisser passer suffisamment de transpiration, ce qui entraîne une accumulation de sueur dans le vêtement et donc un inconfort (résistance évaporative thermique).
Diffusion de la transpiration liquide
L’effet de mèche (transfert de l’humidité liquide) joue un rôle important dans la transmission de l’humidité, lorsque la teneur en humidité des vêtements est très élevée et que le corps produit de grandes quantités de transpiration liquide. L’eau produite à la surface du corps sous forme de transpiration doit être éliminée aussi rapidement et efficacement que possible. L’effet de mèche des vêtements influence considérablement la perception de la sensation de confort de l’humidité par le porteur. Les tissus destinés à être portés, comme les vêtements de travail dans les climats tropicaux, ou comme vêtements de sport, doivent posséder des propriétés d’évacuation très élevées sous peine d’empêcher l’évaporation de la sueur et l’effet de refroidissement de la peau qui lui est associé.
Absorption de l’eau et propriété de séchage
Pendant les activités physiques intenses, un vêtement porté près de la peau doit avoir une bonne capacité d’absorption de la sueur et de libération de la sueur dans l’atmosphère, ainsi qu’une propriété de séchage rapide pour obtenir un meilleur confort tactile.
Perméabilité à l’air
La perméabilité à l’air d’un tissu peut influencer de plusieurs manières le comportement en matière de confort des vêtements.
Un matériau fibreux qui est perméable à l’air est aussi, en général, susceptible d’être perméable à l’eau, que ce soit en phase vapeur ou liquide. La perméabilité à l’air peut être importante dans les climats chauds et froids. Une perméabilité élevée permet un accès plus libre de l’air à la surface de la peau, ce qui favorise l’élimination de l’humidité par temps chaud et réduit l’inconfort. À l’inverse, cet accès facile peut détruire le confort par temps froid, car tout air froid autorisé à atteindre la surface du corps éliminera la chaleur à un rythme élevé.
Cas particulier des EPI
Au-delà du simple confort d’une tenue, les phénomènes de thermorégulation doivent être rigoureusement respectés dans le cadre des EPI.
C’est particulièrement vrai pour les tenues de protection des militaires ou des premiers secours de type NRBC. Les tenues doivent résister aux agents chimiques de guerre sous forme liquide, vapeurs ou aérosols, ainsi qu’aux TICs.
On comprend vite d’après ce qui vient d’être dit, que l’utilisation de combinaisons complètement hermétiques à l’air et à l’eau ne vont pas permettre aux phénomènes de la thermorégulation de se dérouler normalement : la chaleur produite par le corps s’accumule puisqu’aucun mécanisme de transfert de chaleur vers l’extérieur n’est possible. La production de sueur humidifie le microclimat entre la peau et la tenue et la sueur liquide ne pouvant pas s’évaporer s’accumule et ne joue pas le rôle de refroidissement de la peau. Une hyperthermie se produit alors, c’est le « coup de chaleur », mettant en danger la vie de celui qui porte l’équipement.
On en déduit que les EPI doivent à la fois permettre le passage de l’air et de l’humidité sous forme de vapeur ou liquide tout en empêchant l’entrée des produits toxiques, sous forme gaz ou liquide.
Des combinaisons filtrantes ont été mises au point par Ouvry® qui permettent le passage de l’air (transmission de la chaleur sèche), le passage de l’humidité sous forme vapeur et l’évaporation de la sueur. Une couche hydrophobe extérieure interdit l’entrée des toxiques liquides et aérosols, une couche de carbone activé sous la surface piège les produits toxiques gazeux avant qu’ils n’atteignent la peau de l’individu.
De plus, ce type de combinaison répartit un éventuel effet de pompage sur l’ensemble de la surface interne de l’équipement réduisant d’autant la concentration du toxique. De plus, ce dernier est piégé par le carbone actif intérieur.
On pourra se référer utilement aux articles suivants : tenue de protection NRBC, Polycombi®, Polyindus®, PolyAgry®.
Conclusion
Le confort thermophysiologique est le principal attribut des vêtements et il comprend les propriétés de transport de la chaleur et de l’humidité. La sensation de confort dépend de l’effet combiné de l’activité physique, du climat et des vêtements. La transmission de la chaleur à travers le tissu se fait par quatre mécanismes : conduction, convection, radiation et évaporation. Le confort thermophysiologique des vêtements peut être obtenu par la transmission de la chaleur sèche par conduction et rayonnement, la transmission de l’humidité (perméabilité à la vapeur d’eau, transmission de l’eau liquide ou mèche, absorption de l’eau et propriété de séchage) et la perméabilité à l’air. Ces propriétés du vêtement peuvent être améliorées en utilisant différents matériaux fibreux, en modifiant la structure de la fibre, du fil, du tissu et du vêtement, et en appliquant une finition appropriée au tissu qui peut améliorer les propriétés de transport de la chaleur et de l’humidité.