Un infirmier militaire britannique travaillant au centre de traitement d’Ebola de Kerry a inhalé accidentellement du gaz chloré dégagé au cours d’une opération de maintenance. Il a pu être réanimé mais cet événement pose la question de la gestion de ces grandes quantités d’eau de Javel concentrée ainsi que de la conception des lieux et des comportements afin de limiter les risques associés au chlore.
Les unités de traitement d’Ebola sont soumises à des règles strictes pour éviter les contaminations par les virus. Néanmoins, le personnel médical doit se méfier d’autres dangers comme dans le cas décrit dans cette publication ou une personne a respiré des gaz chlorés dégagés par de l’eau de Javel dans la zone dite « rouge ».
Les faits
L’infirmier était en train de transvaser des récipients de 20 litres d’eau de Javel à 0,5 % à l’intérieur d’un même conteneur lorsqu’il a inhalé suffisamment des vapeurs de chlore pour qu’il présente une détresse respiratoire. Cela s’est passé dans la zone « rouge » c’est à dire là où les patients et les matériels contaminés sont isolés.
L’homme a été capable d’ôter son équipement de protection individuel et de quitter la zone rouge avant de présenter une détresse respiratoire. Bien pris en charge par le personnel médical il a guéri pendant la semaine qui suivit.
Bien qu’il s’en soit bien sorti, le cas de cet infirmier aurait pu être beaucoup plus dramatique.
L’eau de Javel
Il a été montré que le virus Ebola pouvait survivre plusieurs jours sur des surfaces, dans le noir et à basse température. Jusqu’à maintenant, aucune étude n’a montré le degré de résistance du virus à l’eau de Javel. Un consensus a été mis au point par les experts qui recommandent, dans le zone rouge, l’utilisation d’eau de Javel à 0,5 % pour désinfecter le matériel et les surfaces et à 0,05 % pour désinfecter la peau des patients et des personnels de santé au cours de l’enlèvement de leur EPI. On considère qu’il faut moins de 60 secondes à l’eau de Javel à 0,5 % pour détruire le virus, et un peu plus lorsqu’il est contenu dans des substances organiques du sol par exemple.
Les personnels sont donc constamment en contact avec le chlore, sa concentration pouvant varier en fonction des préparations qui sont réalisées manuellement. Des concentrations trop élevées peuvent donc être préparées par inadvertance, les travailleurs le ressentant par ailleurs à l’odeur sous leur masque et au picotement de leurs yeux.
Pathologies dues au chlore
L’intoxication au chlore dépend de ses propriétés physiques et chimiques, de la concentration des fumées et du temps d’exposition. Le chlore gazeux (Cl2) et l’acide hypochlorite (HOCl) sont connus pour causer des dommages aux épithéliums.
Bien que détectable par l’homme à des concentrations de 0,1 à 0,3 ppm, le chlore gazeux n’est irritant qu’à des concentrations de 1 -3 ppm. L’exposition doit être limitée à 1 ppm pour 1/4 d’heure.
Les effets du chlore en fonction de sa concentration sont résumés dans le tableau ci-dessous
D’après ce tableau on peut estimer que le gaz libéré lors de cet incident a provoqué une exposition de 30 ppm.
En cas d’exposition au chlore et avant l’hospitalisation il faut décontaminer la peau et les yeux du patient et lui enlever ses vêtements. En cas de brûlure il faut la traiter comme une brûlure thermique.
Dans le cas d’une inhalation le patient doit être maintenu dans un endroit bien aéré avant son transport. L’administration d’oxygène humidifié peut éviter les complications tardives.
Risques particuliers dans un établissement traitant Ebola
Dans un tel environnement, une exposition au chlore s’apparente à un accident NRBC, l’environnement étant contaminé.
Le port d’un respirateur ne semble pas être une réponse appropriée.
La solution peut résider dans la conception des locaux de soin (extraction d’air, ventilation), la mise en place d’appareils automatiques pour la dilution de l’eau de Javel, procédures et exercices d’extraction du personnel contaminé. Les militaires spécialisés dans le NRBCe peuvent collaborer activement à la mise en place de telles procédures.
A case of a chlorine inhalation injury in an Ebola treatment unit.
A. Carpentier, A.T. Cox, D. Marion, A. Phillips I. Ewington
J. R. Army Med. Corps 2015, 0:1-3. doi:10. 1136/jramc-2015-000501
Sur la photo tirée de cet article on voit le baril (B) contenant de l’eau de Javel à 0,5% et le sprayer (A) dans lequel elle est transférée.