Le phosphore blanc (Phosphore Blanc) est un solide combustible incolore, blanc ou jaune, cireux, dégageant une odeur d’ail, utilisé dans de nombreux dispositifs fumigènes courants dans l’arsenal militaire. Le phosphore blanc (P₄) est un allotrope du phosphore extrêmement réactif et toxique, il s’agit d’un matériau pyrophorique qui s’enflamme spontanément au contact de l’air. La combustion s’arrête quand tout le phosphore blanc a été consumé ou lorsqu’il n’est plus au contact direct de l’oxygène de l’air.
Les morceaux carbonisés de Phosphore Blanc peuvent conserver jusqu’à 15 % de leur teneur en phosphore blanc et peuvent s’enflammer à nouveau si la scorie est écrasée ou exposée à nouveau à l’air libre. Les morceaux « inactifs » peuvent s’enflammer à nouveau plusieurs semaines après avoir été déployés.
Utilisation militaire et réglementation
Usage
- Créer des écrans de fumée denses pour masquer des mouvements.
- Agent incendiaire pour détruire des structures.
Réglementation
- La Convention sur certaines armes classiques (CCAC) interdit son utilisation contre des civils ou dans des zones habitées.
- Le Protocole de Genève de 1925, la Convention sur les armes chimiques de 1993 et le droit international humanitaire interdisent l’utilisation d’armes chimiques. En règle générale, les munitions au phosphore blanc ne sont pas visées par ces interdictions, car elles ne sont pas spécifiquement conçues ou utilisées pour causer la mort ou d’autres atteintes à la vie ou à l’intégrité physique par les propriétés toxiques de la fumée de phosphore blanc. Par exemple, lorsqu’une munition au phosphore blanc est utilisée pour produire de la fumée à des fins de camouflage, elle n’est pas interdite en tant qu’arme chimique. Toutefois, si une munition contenant du phosphore blanc est spécialement conçue pour causer des dommages ou la mort par les propriétés toxiques de sa fumée ou si le phosphore blanc est utilisé dans cette intention (par exemple, tirer une munition au phosphore blanc dans un bâtiment pour forcer les personnes à sortir), elle entrerait dans la définition d’une arme chimique. Une telle utilisation serait donc interdite.
Caractéristiques du phosphore blanc
Propriétés chimiques
- Formule moléculaire : P₄ (tétramère de phosphore)
- Apparence : Solide cireux, blanc jaunâtre, inodore.
- Point d’inflammation : Environ 30°C à l’air libre, s’enflamme spontanément au contact de l’oxygène atmosphérique.
- Réaction à l’air :
- En présence d’oxygène, il s’oxyde en produisant une flamme jaune-blanche et dégage un épais nuage de dioxyde de phosphore (P₂O₅).
- Réaction chimique : P4+5O2→P4O10
- Produit secondaire : Le pentoxyde de phosphore (P₄O₁₀) est hautement hygroscopique, réagissant avec l’eau pour former de l’acide phosphorique (H₃PO₄), un composé corrosif.
Signes cliniques et symptômes
Brûlures thermochimiques : Le phosphore blanc brûle à environ 1300°C, provoquant des brûlures thermiques et chimiques. En cas de contact avec la peau, il pénètre rapidement et continue à brûler jusqu’à ce qu’il soit complètement consommé ou privé d’oxygène. Les brûlures thermiques au 2e et 3e degrés, peuvent être à l’origine d’une morbidité importante et d’hospitalisations prolongées.
Asphyxie : La libération de Phosphore blanc dans un espace clos peut provoquer une asphyxie due à la diminution de l’oxygène. L’exposition à la fumée produite par la combustion de Phosphore blanc provenant de munitions militaires peut entraîner une irritation ou des lésions des yeux, des poumons et de la gorge.
Toxicité systémique : L’absorption cutanée et inhalation de Phosphore blanc peuvent entraîner une nécrose tissulaire suite à un stress oxydatif important (la dose létale par ingestion est d’environ 50 mg).
Effets physiologiques : Quel que soit le mode d’exposition (ingestion, contact direct ou inhalation), le Phosphore blanc, hautement liposoluble, s’accumule finalement dans le foie, le cœur et les reins. Cela peut entraîner une nécrose du foie (nécrose hépatique) ou des reins (lésions tubulaires glomérulaires/insuffisance rénale). Avant que les lésions rénales et/ou hépatiques ne deviennent évidentes, un collapsus cardiovasculaire peut survenir en raison d’une hypovolémie causée par une brûlure chimique et par une cardiotoxicité avec défaillance cardiaque.
Le phosphore blanc peut provoquer des troubles graves, comme une baisse rapide du calcium (hypocalcémie) et une hausse du phosphate (hyperphosphatémie) dans le sang, dès la première heure après une brûlure. Ces déséquilibres peuvent provoquer des troubles du rythme cardiaque notamment avec des modifications de l’activité électrique du cœur (ie. : un allongement de l’intervalle QT[1] (avec un risque de torsades de pointes), des modifications de l’onde ST-T) et une bradycardie progressive.
La mort peut survenir à partir d’une surface brûlée relativement faible, de l’ordre de 10 à 15 %.
L’inhalation de phosphore blanc pendant de courtes périodes peut provoquer une toux et une irritation de la gorge et des poumons. L’inhalation de phosphore blanc pendant de longues périodes peut provoquer une affection connue sous le nom de « mâchoire phosphorée », qui se caractérise par une mauvaise cicatrisation des plaies de la bouche et une dégradation de l’os maxillaire. L’ingestion peut entraîner des symptômes gastro-intestinaux (vomissements, crampes abdominales et douleurs). L’exposition oculaire peut provoquer une irritation, un blépharospasme, une photophobie, un larmoiement et une conjonctivite, et les particules peuvent perforer la cornée.
Conséquences environnementales
Persistance dans l’environnement : Le phosphore blanc peut persister dans le sol et l’eau, posant un danger de contamination durable, il est toxique pour la faune aquatique et terrestre.
Réactions dans l’eau : Le P₄ peut réagir avec l’eau en produisant des acides phosphoriques faibles, mais reste dangereux car il peut reformer du phosphore blanc en cas de dessèchement.
Risques principaux pour les soignants
- Brûlures chimiques et thermiques secondaires : Le phosphore blanc peut rester actif sur les tissus du patient. En présence d’oxygène, les particules restantes peuvent se réenflammer, provoquant des brûlures pour le soignant.
- Inhalation de vapeurs toxiques : Les vapeurs de pentoxyde de phosphore (P₂O₅) dégagées lors de la combustion sont irritantes pour les voies respiratoires et peuvent causer des lésions pulmonaires graves.
- Absorption cutanée : Un contact direct avec la peau du blessé contaminé par du phosphore blanc peut provoquer des brûlures et une absorption systémique.
- Contamination croisée : Manipuler des vêtements ou des pansements contaminés peut propager la substance et prolonger l’exposition.
Décontamination et traitement du patient
Décontamination du patient :
Pendant la décontamination du patient, la sécurité du site est prioritaire. Éviter tout contact direct avec le Phosphore blanc et avoir conscience que l’oxygène peut le réactiver. Décontaminer dans un endroit bien ventilé, car l’agent absorbé peut se dégager des vêtements et de la peau sous forme de gaz.
Décontamination cutanée : retirer tous les vêtements, bijoux, chaussures, etc. Laver les parties du corps touchées de la tête aux pieds à grande eau tiède, en protégeant les voies respiratoires du patient. Porter une attention particulière aux plis cutanés exposés, aux aisselles, aux parties génitales, aux pieds et aux yeux*. Sécher ensuite toute la surface du corps avec des serviettes afin d’éliminer les substances toxiques désorbées et de prévenir l’hypothermie. Une irrigation continue peut empêcher une oxydation supplémentaire et permettre d’éliminer les particules de la surface de la peau sans risque de ré-inflammation. Le phosphore émet également une fluorescence sous la lumière ultraviolette (lampe de Wood), ce qui facilite l’identification du phosphore qui se serait incrusté.
Plaies : Le Phosphore Blanc s’enflammant spontanément au contact de l’air (et pouvant se rallumer après avoir été éteint), les plaies contaminées doivent être recouvertes de gaze imbibée de sérum physiologique jusqu’à disparition complète du Phosphore Blanc. N’utiliser pas de pansements huileux ou gras, car cet élément est liposoluble et peut pénétrer dans les tissus. Un débridement chirurgical minutieux de toutes les particules de Phosphore Blanc incrustées est nécessaire ; porter des gants appropriés et utilisez des outils tels que des pinces ou une cuillère pour les retirer. Conserver toutes les particules solides collectées dans un récipient rempli d’eau pour éviter toute ré-inflammation.
(*) Décontamination des yeux : rincez les yeux à grande eau ou avec une solution isotonique. N’oubliez pas de retirer les lentilles de contact !
Traitement du patient :
Il n’existe pas d’antidote, le traitement est symptomatique. Surveillez les signes vitaux, le rythme cardiaque et l’ECG à 12 dérivations, et effectuez des analyses sanguines (taux de phosphore, protéine C-réactive, glucose, tests de la fonction rénale et hépatique et électrolytes). Réanimer et traiter en conséquence (assistance respiratoire si nécessaire, traitement de l’hypotension et des arythmies, correction des anomalies électrolytiques). Traiter la brûlure conformément aux directives médicales internationales.
Mesures d’urgence à prendre pour limiter le risque d’inflammation du Phosphore Blanc suite à la prise en charge d’une victime contaminée en zone de conflit
- Un Equipement de Protection Individuelle (EPI) doit être porté par les personnels soignants : un masque respiratoire approprié (FFP3) pour réduire l’inhalation de fumée ou de particules de Phosphore Blanc, des lunettes de protection et des gants de travail épais. Les gants doivent être en cuir épais ou en un matériau similaire résistant au feu. Si possible, porter un tablier épais et des manches longues dans un matériau similaire à celui des gants. En dessous, portez des vêtements longs en matières naturelles (coton, pas de polyester).
- Avoir immédiatement à disposition de l’eau dans un seau métallique et plusieurs chiffons de la taille d’une serviette imbibés d’eau. Ceux-ci peuvent être utilisés pour couvrir immédiatement toute plaie qui semble fumer.
- Avoir une paire de ciseaux chirurgicaux à disposition.
- S’assurer que la victime se trouve à au moins 2 m de tout objet inflammable.
- Éteindre immédiatement la source de fumée et/ou de lumière avec un chiffon ou des serviettes humides et éloignez-vous de la fumée ou des émanations résiduelles.
- Si les vêtements sont contaminés et que les particules ne peuvent être éliminées, RETIREZ IMMÉDIATEMENT LES VÊTEMENTS CONTAMINÉS en les coupant avec des ciseaux chirurgicaux si nécessaire (NE LES ENLEVEZ PAS par la tête) et placez-les dans un seau métallique rempli d’eau.
- Décontaminer en brossant les particules avec une main gantée ou un outil approprié, par exemple une cuillère en métal ou un couteau émoussé. Si les particules sont collées sur la peau, elles doivent être retirées par débridement chirurgical.
- Vérifiez toute contamination croisée possible sur les EPI utilisés par les professionnels de santé à l’aide d’une lampe à ultraviolets (lampe de Wood).
- En salle d’opération : débrider dans un haricot métallique ou similaire et recouvrir d’eau ou d’un autre liquide pour éviter qu’il ne s’enflamme à l’intérieur ; une lampe UV peut être utilisée pour aider à identifier les particules restantes dans les plaies.
- En morgue : utiliser de l’eau courante (si disponible) pour rincer les particules de Phosphore Blanc.
- Gestion des déchets contaminés : Dans une zone isolée, ouverte et sur une surface ininflammable, vider le contenu contaminé des haricots et seaux dans un contenant métallique et couvrir d’eau pour éviter toute inflammation du Phosphore Blanc résiduel.
Conclusion
L’utilisation de munitions au Phosphore Blanc est réservée à un usage militaire. Néanmoins en pratique, des personnels civils impliqués dans des zones de conflits peuvent subir des dégâts collatéraux et être ainsi affectés par de graves brûlures toxiques. Les personnels soignants intervenant dans ces zones de guerre ne sont pas toujours au fait des risques liés à ce produit chimique hautement inflammable et doivent être sensibilisés aux mesures de prévention et de protection pour leur propre sécurité, la bonne décontamination des victimes brulées au Phosphore Blanc ainsi qu’au traitement symptomatique approprié.
[1] durée de la dépolarisation (contraction) et de la repolarisation (relaxation) des ventricules cardiaque