La guerre entomologique (par utilisation d’insectes) est un type particulier de la guerre biologique.
On peut utiliser les insectes de 3 façons différentes :
- Directement contre les êtres humains, comme des abeilles par exemple, dispersées dans un milieu clos pour obliger l’ennemi à quitter les lieux ;
- En infectant les insectes avec un agent pathogène avant de les disperser sur des zones cibles. Les insectes agissent alors comme vecteurs de la maladie en infectant les être humains ou les animaux par leur piqure ;
- Directement contre les cultures agricoles. Même non infectés, ces insectes représentent une menace sérieuse pour les récoltes.
Qu’en est-il exactement de l’utilisation de cette arme biologique ?
Si les possibilités d’utilisation d’insectes pour s’attaquer aux cultures, à l’homme ou aux animaux sont innombrables, il semble que, dans la pratique, ce n’est pas aussi simple qu’il n’y parait. De nombreux essais ont été testés avec plus ou moins de succès.
Insectes vecteurs de maladies
Les puces : la peste
Parmi les nombreux pays qui ont travaillé sur les armes entomologiques, il semble que ce soit le Japon qui soit parvenu au résultat le plus tangible pendant la seconde guerre mondiale. En 1940, l’unité 731 dirigée par Shiro Ishii a infesté des puces avec Yersinia pestis, l’agent de la peste. Des grains de blé et de riz mélangés à de puces porteuses de peste ont été disséminés, par avion, au-dessus de Changde. Il en a résulté une épidémie de peste qui aurait entrainé la mort de près de 500 000 chinois.
Les moustiques : vecteurs de maladies virales : la dengue, Zika, fièvre jaune, chikungunya
Toutes ces maladies peuvent être transmises par le moustique Aedes aegypti.
Pendant la guerre froide, les USA ont mis au point un laboratoire capable de produire 100 millions de moustiques infectés par la fièvre jaune pour attaquer l’Union Soviétique. Trois cent mille d’entre eux ont été largués sur l’état américain de la Géorgie de façon à tester leur capacité à transmettre la maladie après un largage aérien ! (opération big buzz).
Les moustiques du genre Anopheles sont les vecteurs de maladies parasitaires comme le paludisme (Plasmodium) mais aussi de Wuchereria bancrofti et Brugia malayi, les agents de la filariose lymphatique.
La mouche domestique
La mouche pourrait être une redoutable arme entomologique. En effet, elle peut transmettre jusqu’à 100 pathogènes différents : parmi eux, le choléra, la typhoïde, les salmonelloses, les dysentéries et un certain nombre de vers parasites. Elle peut aussi être le vecteur de maladies virales comme la poliomyélite, des entérovirus et l’hépatite virale. Des mouches infectées par le bacille du choléra ont été larguées par l’armée japonaise pour répandre la maladie sur des villes chinoises.
Il est à noter que les mouches domestiques deviennent de plus en plus résistantes aux principaux insecticides utilisés couramment.
Les tiques et les poux
Les tiques sont les vecteurs de maladies atteignant la volaille, le bétail ou l’homme. Ils peuvent transmettre des bactéries, protozoaires et des virus. L’ aegyptianellose aviaire chez la volaille et la babésiose chez le bétail provoquent des pertes importantes chaque année aux USA. Chez l’homme les tiques transmettent aussi un certain nombre de maladies comme la maladie de Lyme, la fièvre boutonneuse ou des méningoencéphalites. Les poux transmettent le typhus, la fièvre récurrente à poux, la fièvre des tranchées.
Pour l’histoire nous retiendrons que la campagne de Russie (1812) et la désastreuse retraite de Moscou furent particulièrement marquées par la présence du typhus. La faim, la fatigue, et les températures glaciales (-30°C) rapprochèrent les soldats dans des abris de fortunes. Les malheureux purent donc se communiquer facilement le typhus qui tua plusieurs milliers d’entre eux. Par exemple, parmi les 36 000 hommes assiégés par les Russes à Dantzig, 13 000 succombèrent atteints de typhus ainsi que 10 000 civils !
Les mouches du cheval (taons) et mouches du daim
Pathogènes chez le bétail elles provoquent des blessures saignantes profondes et sont responsables de leucémies et d’anémies infectieuses.
Agroterrorisme
Le doryphore de la pomme de terre
Il a été sérieusement considéré comme une arme entomologique par les pays des 2 camps pendant la seconde guerre mondiale.
La femelle de cet insecte peut pondre jusqu’à 800 oeufs. Les adultes, comme les larves, dévorent les feuilles de la pomme de terre, voire les tiges et les tubercules exposés. La quantité de feuille consommée est évaluée sur l’ensemble de la vie larvaire du doryphore entre 35 et 45 cm2 . Un insecte adulte peut consommer près de 10 cm2 de feuillage par jour. Il y a donc une diminution importante du rendement accompagnée d’une toxicité alimentaire due à la synthèse d’un glycoalcaloïde toxique de défense par la plante.
La France et l’Allemagne ont envisagé l’utilisation de cette arme sur les cultures adverses. Les allemands ont même largué 54 000 doryphores au sud de Frankfort pour tester leur efficacité.
Les doryphores deviennent de plus en plus résistants aux insecticides classiquement utilisés.
Les chenilles
Ce sont des larves de lépidoptères (mites, papillons). Herbivores, elles peuvent manger les feuilles en provoquant de grand dommages. Elles aussi elles deviennent résistantes aux insecticides.En 1990, les USA ont investi 6.5 millions de dollars pour étudier leur capacité en tant qu’arme entomologique.
Insectes pathogènes
La simuli ou mouches noires. Ce sont des moucherons de 3 à 6 mm qui se nourrissent du sang des volailles et du bétail. La mortalité est due à une toxémie aigue. Elles peuvent aussi transmettre des maladies parasitaires comme chez l’homme chez lequel elle transmet Onchocerca volvulus.
L’ hypoderme ou varon (varron)
Pour les animaux et l’homme l’infestation par le varron entraîne une maladie appelée hypodermose : les larves se développent et creusent leur trajet dans les muscles, dans le canal rachidien le long de la moelle épinière, dans la paroi de l’œsophage… Leur présence entraîne un syndrome de Larva migrans. Les USA ont travaillé sur la possibilité de les utiliser comme arme entomologique.
La lucilie bouchère ou Cochliomyia hominivorax
Communément appelée mouche à viande.
La femelle est attirée par les plaies des animaux de bétail et y pond jusqu’à 340 œufs qui vont éclore après 12 à 24 h d’incubation ; la larve commence immédiatement à se nourrir en s’enfonçant dans les chairs à partir de la plaie. Après trois stades larvaires, la larve sort de son hôte et se laisse tomber au sol; elle s’y enfouit pour former une pupe d’où émergera un nouvel adulte.
La plaie produit une odeur caractéristique souvent non perçue par l’homme, mais qui attire d’autres mouches femelles pleines qui viennent alors pondre dans les mêmes plaies, aggravant le processus infestant, qui peut être mortel sans traitement. La femelle peut pondre jusqu’à 3 000 oeufs et parcourir jusqu’à 200 km pour trouver un hôte.
Statut légal des armes entomologiques
Si elles sont clairement interdites par le traité « Biological and Toxic Weapon Convention » de 1972, le statut de l’utilisation des insectes non infectés contre les cultures n’est pas clairement défini.
Conclusion
La menace entomologique peut à tout moment être d’actualité. L’utilisation de cette arme est peu couteuse et les conséquences peuvent être importantes. Elles peuvent atteindre l’homme mais aussi les cultures et le bétail. Légalement interdites, ces armes pourraient être utilisées par les terroristes. Une des façons de la juguler passe par la surveillance des imports et exports aux aéroports par des spécialistes entomologistes au sein des équipes de sécurité.
Bibliographie
- F.N.Chaudry, M. F. Malik, M. Hussain, N. Asif. Insects as biological weapons. J. Bioterror Biodef, 2017, 8:2
- Guerre entomologique: https://fr.wikipedia.org/wiki/Guerre_entomologique
2 commentaires
Bonjour, l’arrivée du bourdon noir qui tue les abeilles peut elle être considérée comme planifiée ?
Aucune info dans ce sens…