En 2002, c’est une souche de la poliomyélite qui avait été fabriquée « artificiellement » en laboratoire. D’une taille 30 fois plus petite que le génome de la variole, il n’a fallu qu’une quinzaine d’années pour venir à bout des problèmes techniques et parvenir à synthétiser complètement le génome du virus de la variole équine. Mauvaise nouvelle ? Peut être que oui si la souche se retrouve dans des mains malintentionnées. Peut être que non si elle permet de créer de nouveaux vaccins et/ou la mise au point de médicaments anti-cancéreux.
Le génome du redoutable virus de la variole vient d’être synthétisé grâce aux techniques de la biologie synthétique. Que faut-il en penser ?
Rappels
Nous avons parlé à plusieurs reprises dans ce blog du virus de la variole :
Actualités sur la variole
On a retrouvé des flacons de variole
Encore les souches du virus de la variole
La maladie est redoutable et le virus fait partie des agents de catégorie A du risque NRBCe.
Plus aucune souche ne circule actuellement, la maladie ayant été officiellement éradiquée en 1980. Seules 2 structures, un laboratoire américain et un laboratoire russe possèdent encore des souches dans l’attente éventuelle de leur destruction.
Les faits
Un article récemment proposé par l’équipe du virologiste canadien David Evans vient d’être refusé pour publication par les revues « Nature » et « Science ». L’équipe de ce chercheur montre qu’ils ont été capables de synthétiser l’ADN du virus de la variole équine ; introduit dans une culture cellulaire appropriée le virus peut alors être produit.
Leurs travaux ont été présentés au cours d’une réunion du comité consultatif sur la recherche sur le virus de la variole à l’OMS.
Techniquement parlant, la synthèse d’un génome avait déjà été réalisé sur le virus de la poliomyélite 30 fois plus petit que celui de la variole. De plus, les extrémités du génome du virus varioleux présentent des structures en « épingle à cheveux » difficiles à recréer.
David Evans et son collègue Ryan Noyce on tout simplement commandé des séquences d’ADN d’environ 30 000 bp auprès d’une entreprise allemande et les ont mises bout à bout pour former l’ADN du virus constitué de 212 000 bp. Les cellules infectées ont produit du virus qui a toutes les caractéristiques du virus varioleux équin !
Le rapport de l’OMS note que « ces travaux n’ont pas nécessité de connaissances ou de compétences biochimiques exceptionnelles, des fond importants ou un temps long (10 000 Dollards et 6 mois de travail).
David Evans fait remarquer que ses travaux sont suffisamment détaillés pour être compris par des spécialistes mais que les recettes ne sont pas données en totalité pour éviter un détournement des résultats.
Les recherches à double usage
Ce type de recherche pose évidemment un problème d’utilisation malveillante.
Développer du virus varioleux équin, lequel est lui aussi disparu de la nature, peut aider à fabriquer des vaccins contre la variole humaine dont les effets secondaires sont bien moindres que ceux induits par le virus humain. De plus la synthèse des poxvirus pourra également aider au développement de virus tueurs de tumeurs cancéreuses.
Bien évidemment, tout le monde pense aussi à la renaissance du virus varioleux dirigée par des individus ou des états voulant s’en servir d’arme biologique.
Comme Evans, tout le monde est bien conscient du problème mais, comme lui, force est de constater qu’il est possible de synthétiser des virus avec relativement peu de moyens et quoiqu’il en soit, il faut en tenir compte.
La maladie
Le gouvernement américain a rassemblé de nouveaux stocks de vaccin contre la variole et a lancé une campagne de vaccination chez les primo-intervenants.
Si la variole revenait, elle engendrerait de la panique, déstabiliserait les systèmes de santé publique mais, comme elle est relativement peu contagieuse et se propage lentement il est probable qu’elle soit contenue relativement facilement après vaccination.
Questions réglementaires
Plusieurs pistes de réflexion :
– contrôler la production des acides nucléiques ; (possible ? )
– créer un permis international comme celui qui existe aux Etats-Unis où il est interdit de synthétiser des virus listés, au nombre de 15 pouvant avoir des usages doubles ;
– encadrer comme au Canada toute expérimentation pouvant mener à des doubles usages ;
– créer un mécanisme de partage obligeant toute synthèse de virus à être déclarée auprès de l’OMS par exemple (n’oublions pas qu’avec cette méthode on pourrait créer un virus potentiellement très dangereux totalement inconnu dans la nature !).
Le marche inéluctable de la recherche nous met face à nos responsabilités !