Bien que le concept du « plan blanc » soit validé depuis une vingtaine d’années, c’est la première fois qu’il a été réellement activé. L’expérience acquise avec l’attaque de « Charlie Hebdo » quelques mois auparavant et les différents exercices, dont un ayant eu lieu fortuitement le matin même des évènements, a été très bénéfique, tous les patients hospitalisés ayant subi les soins nécessaires à leur état. Sur les 302 patients blessés hospitalisés, 4 seulement sont morts dont 2 lors de leur transport.
Paru dans le Lancet, cet article signé des chefs de service des différents hôpitaux parisiens ayant accueilli les blessés, décrit la façon dont se sont organisés les systèmes d’urgence dès la connaissance des premières explosions au stade de France.
Rappel des faits
Les premières explosions ont eu lieu au stade de France vers 21.30 h. Puis des attaques se sont produites dans plusieurs endroits de Paris : La Belle Equipe, le Carillon, le Petit Cambodge, le Comptoir Voltaire, Casa Nostra et le Bataclan ou plusieurs centaines de personnes ont été retenues en otage pendant 3 heures.
La mobilisation
Le SAMU a été immédiatement mobilisé et la cellule de crise de l’APHP mise en place. Cette cellule capable de coordonner 40 hôpitaux représentant 100 000 professionnels de santé, 22 000 lits et 200 salles d’opérations est la plus importante d’Europe.
Devant l’évolution de la situation, le plan blanc a été activé par le directeur général de l’APHP, Martin Hirsch. Les hôpitaux parisiens étaient en mesure d’assurer l’accueil des blessés de plus en plus nombreux mais 2 « réservoirs » supplémentaires ont été alertés ainsi que la mise en attente de 10 hélicoptères mais il n’a pas été nécessaire de faire appel à eux. Pendant le même temps, une cellule psychologique composée de 35 psychiatres, de psychologues et d’infirmières a été mise en place à l’hôtel Dieu.
Les urgentistes
C’est le SAMU qui est responsable du triage et des soins préhospitaliers.
Dans un premier temps, 8 équipes du SAMU, les sapeurs pompiers de Paris ainsi que la police ont été dépêchées sur les lieux des explosions au stade de France. Chaque unité mobile est composée d’un médecin, d’un infirmier et d’un chauffeur. En accord avec le plan blanc et le plan ORSAN (organisation de la réponse du système de santé en situations sanitaires exceptionnelles) ce sont en tout 45 unités qui se sont développées sur les différents lieux des attentats tandis que 15 étaient maintenues en réserve. Deux cent cinquante six personnes blessées ont été transportées et soignées à l’hôpital, les autres s’y sont rendus par leurs propres moyens. Au milieu de la nuit, 35 équipes chirurgicales opéraient. Comme les blessures étaient majoritairement provoquées par des armes à feu, les équipes ont développé une médecine de guerre appliquée au civil.
Aussi épouvantable qu’elles furent avec 129 morts et 300 blessés, ces attaques avaient été correctement anticipées. En effet, les médecins du SAMU ont été capables non seulement de quantifier le risque, de répartir les patients dans les hôpitaux les plus appropriés mais aussi d’agir pendant la phase de préhospitalisation. Des exercices conjoints avec les sapeurs pompiers ont lieu régulièrement pour une meilleure maitrise de ces multirisques. Le problème était compliqué par le fait que, sous le feu des terroristes, les équipes médicales n’étaient pas en mesure d’évacuer les blessés.
Les anesthésistes
L’hôpital de la Pitié Salpêtrière a été capable d’ouvrir 10 salles d’opération : le plan blanc permet un rappel d’urgence des médecins et des infirmières mais la plupart d’entre eux étaient revenus spontanément dès la connaissance des évènements.
Les capacités de ce service n’ont jamais été mises en défaut en partie parce que les blessés sont arrivés très rapidement car depuis de nombreux mois, l’hôpital collaborait avec les forces médicales du RAID, les équipes de préhospitalisation, et celles des urgences de l’hôpital pour faire face à ce genre de situation.
Un des éléments de la réussite a été l’excellente coopération de tous les soignants et de leur engagement personnel très important. Neuf heures après les évènements le nombre de salles d’opération en fonctionnement n’était plus que de 6 et après 24 heures tout était en ordre pour accueillir une éventuelle nouvelle vague d’attentats qui était à redouter
Les chirurgiens
Un grand nombre de personnel étant revenu spontanément dans les services, ceci permit d’ouvrir 2 salles d’opération de chirurgie orthopédique et de de chirurgie abdominale. Les premiers patients ont été opérés dans le demi-heure qui a suivi leur admission. Le triage des autres patients a été réalisé dans les unités de soins postopératoires pour les patients les plus atteints et dans les services d’urgence pour les moins blessés. Les opérations se sont déroulées tout le samedi 14 novembre.
Toutes les filières ont fonctionné avec un plus grand rendement comme la stérilisation, le travail administratif ou la logistique.
Conclusion
l’APHP est une unité de très grosse taille ce qui peut sembler être un frein aux évolutions technologiques, médicales ou sociales. Néanmoins, en cas de désastre comme ces événements le démontrent, l’avantage de ce type de structure n’est plus à démontrer.
Sur son blog, le Dr. Dominique Savary nous rappelle que, outre le plan blanc, le plan rouge alpha a été mis en œuvre « un concept tactique formalisé en 2006, à la suite des attentats de Londres et Madrid » et qui porte sur l’extraction, le triage, la régulation et l’évacuation des blessés ainsi que sur les modalités du contrôle des blessures.
Activé aussi, le plan multisite, aussi appelé plan camembert avec un déploiement supra-régional des moyens médicaux (nous avons vu que 45 équipes étaient mobilisées sur les différents sites).
Le Dr Savary remarque aussi 3 aspects essentiels de ces secours : l’engagement citoyen des personnels médicaux et paramédicaux – l’adaptabilité intrahospitalière des différents acteurs et la gestion des vecteurs de transport, le tout mis en œuvre sans dogmatisme. L’ensemble est considéré comme un véritable succès.
The medical response to multisite terrorist attacks in Paris
Martin Hirsch, Pierre Carli, Rémy Nizard, Bruno Riou, Barouyr Baroudjian, Thierry Baubet, Vibol Chhor, Charlotte Chollet-Xemard,
Nicolas Dantchev, Nadia Fleury, Jean-Paul Fontaine, Youri Yordanov, Maurice Raphael, Catherine Paugam Burtz, Antoine Lafont, on behalf of the
health professionals of Assistance Publique-Hôpitaux de Paris (APHP)
Lancet 2015 ; 386 : 2535–38
L’article du Dr. Savary : Attentas de Paris, bilan des urgentistes. Medscape. 07 mars 2016.
Site web de l’image : http://www.lesechos.fr/24/11/2015/lesechos.fr/021507414165_les-terroristes-de-paris-prevoyaient-un-autre-attentat-a-la-defense.htm