Lorsqu’un événement NRBC survient et qu’il y a des blessés, se pose alors le problème du transport des victimes.
En même temps que les premiers secours doivent leur être administrés, la prise en charge doit tenir compte du fait que ces victimes peuvent contaminer leur entourage et provoquer des contaminations croisées dont on a pu mesurer les conséquences dramatiques pendant l’attaque au gaz sarin à Tokyo en 1995.
Quelles sont alors les solutions pour transporter ces blessés dans de bonnes conditions, en permettant à la fois de leur prodiguer les soins médicaux d’urgence (perfusions…) tout en protégeant le milieu extérieur et particulièrement les soignants des contaminations secondaires ?Dans un premier temps nous poserons les bases de l’évacuation et du transport des victimes chimiquement contaminées en urgence chirurgicale que ce soit dans le domaine militaire ou dans le domaine civil. Nous verrons ensuite les solutions proposées.
1- Les différentes situations
Approche militaire
Plaçons-nous dans le cas où un groupe de combattants, sur le territoire national (TN) ou en opération extérieure, est attaqué à la fois avec des armes conventionnelles (explosion, échange de tirs…) et des agents chimiques de guerre (ou des Toxiques industriels chimiques (TICs).
Parmi les victimes, certaines sont à la fois blessées et contaminées. L’approche dogmatique veut que la décontamination prime sur la Prise en charge (PEC) des blessures. Mais, en cas d’Extrême urgence (EU), la victime doit pouvoir bénéficier à la fois de soins sur le terrain (damage control) et d’une évacuation rapide vers une structure chirurgicale. Mais, sans décontamination approfondie, l’évacuation risque de générer un transfert de contamination vers le vecteur de transport -hélicoptère, Véhicule de l’avant blindé (VAB)… – et vers les soignants.
La Figure ci-dessous illustre la chaîne de prise en charge d’un soldat blessé contaminé et les différents transports associés.
« Petit MP. Prise en compte opérationnelle par le Service de Santé des Armées du risque chimique, Dcssa/divops/nrbc »
UMDA : Unité mobile de décontamination des Armées
Approche civile
Dans le cadre d’une attaque terroriste mettant en œuvre des matières chimiques, la circulaire 700 du 2 octobre 2018 prévoit la possibilité de transporter une victime symptomatique invalide (en urgence absolue ou urgence relative) vers une structure adaptée dans le cadre d’une urgence chirurgicale, sans décontamination approfondie avant transport.
Si nécessaire, lors de la prise en charge d’une victime grave ne pouvant rapidement subir une décontamination sur le terrain et après accord du Directeur des secours médicaux (DSM) et du SAMU, une victime peut être évacuée vers une Unité fixe de décontamination hospitalière (UFDH) pour victimes invalides dans un Établissement de santé (ETS) désigné, préalablement alerté et disposant de cette capacité ». L’instruction relative à la préparation de situations exceptionnelles de type attentats multi-sites du 4 Mai 2016 précise que « certains établissements prédéterminés sont susceptibles de recevoir de manière exceptionnelle et après régulation un nombre limité d’EU régulées non préalablement décontaminées et doivent se préparer en conséquence ».
Dans un récent article, nous avons étudié l’évacuation d’une victime contaminée en état d’urgence chirurgicale.
Ce nouveau chapitre va porter sur la comparaison des 2 dispositifs proposés par Ouvry®, adaptés aux différentes conditions de terrain. Le sac mortuaire sera lui aussi abordé.
2- Le sac d’extraction de victimes contaminées
Dans le cadre d’un évènement chimique (sur le territoire national ou en opération extérieure), il est parfois nécessaire d’extraire une victime invalide en urgence absolue pour la transporter vers une structure hospitalière adaptée capable de la prendre en charge. Le sac d’extraction de victime contaminée est conçu pour la transporter sans contaminer le vecteur de transport ni le personnel médical, tout en permettant la réalisation de gestes médicaux d’urgence.
Ses principaux avantages et caractéristiques sont les suivants :
Participe à la réduction du niveau de contamination liquide et vapeur de la victime : grâce à un média filtrant en microbille de charbon actif qui adsorbe les vapeurs chimiques, et à un matériau issu de la technologie DECPOL qui absorbe et détruit les contaminants liquides.
Ne nécessite pas de consommable ni maintenance : pas de batterie, ni ventilateur, ni cartouche…
Permet une médicalisation de la victime : accès aux voies respiratoires, pose de perfusion, voies d’accès d’urgence pour stabiliser de la victime.
Est compatible avec les moyens de transport : brancard, hélitreuillage, pose de collier cervical…
Se déploie rapidement et intuitivement.
Son packaging de 70x50x40 cm et son poids inférieur à 2,5 kg font qu’il est facilement transportable sur le terrain, ce qui représente un grand atout.
Sa conception simple permet d’extraire le patient de la zone dangereuse et de stabiliser ses constantes. Pour un suivi plus complexe ou un transport longue distance on pourra utiliser la bulle de transport décrite ci-après.
3- La bulle de transport de patients contaminés NRBC
La bulle de transport de patient contaminé est spécialement conçue pour le transport de blessés contaminés NRBC jusqu’à une zone de médicalisation, tout en permettant la réalisation de gestes médicaux d’urgence.
Ce dispositif est plus complexe que le précédent puisque la victime est complètement confinée à l’intérieur du sac dont la partie supérieure est transparente pour une bonne visualisation du patient. Un système de distribution d’air interne optimisé est créé par 2 unités de ventilation (soufflantes et cartouches). Il est muni d’un système de soutien et de protection de la tête du patient. Il permet de transporter et de confiner les patients contaminés, ou infectés, ou non contaminés dans un environnement sain ou contaminé. Il est muni de gants intégrés, de 7 passages tubes à diamètre variable (O2, intraveineuse, pression artérielle…), et d’une fermeture étanche. Il est parfaitement compatible avec les brancards OTAN.
Ce système garantit un confinement de la contamination, afin d’éviter de contaminer le personnel médical et de transport, le véhicule ou l’aéronef utilisé pour extraire la victime.
La bulle d’isolement NRBC est un système à pression négative ou positive, qui permet de transporter et de confiner les patients, contaminés ou non, dans un environnement qui peut être lui-même sain ou contaminé. Utilisée en pression négative, elle permet de transporter un patient contaminé à travers un environnement sain, et est ainsi compatible avec les recommandations de l’OMS pour le transport de patient biologiquement contaminé (notamment EBOLA). A l’inverse, elle permet de transporter un patient sain à travers un environnement contaminé lorsqu’elle est utilisée en pression positive.
Construite à partir de matériaux mécaniquement résistants et étanches aux agents NRBC, la bulle de transport de patient contaminé est conçue pour un déploiement rapide et s’assemble facilement une fois sortie de son emballage.
Nous avons déjà évoqué les conditions dans lesquelles il faut transporter un cadavre contaminé chimiquement ou microbiologiquement.
Le sac mortuaire NRBC permet le confinement et l’évacuation de corps contaminés NRBC. Il a été conçu pour éviter les contaminations croisées lors de l’extraction et le stockage des corps.
Une cartouche interne permet d’évacuer les gaz de décomposition tout en les filtrant. Il est congelable, incinérable, et parfaitement compatible avec l’imagerie scanner.
Léger et compact, sa mise en œuvre est rapide et intuitive.
Il est constitué :
D’un matériau souple, étanche aux agents NRBC, et très résistant mécaniquement
Un matériau absorbant est placé à l’intérieur du sac pour absorber jusqu’à 8 litres de liquide.
Fenêtre transparente d’identification.
Pochette transparente pour matériels et documents.
Fermeture étanche scellable.
Le sac mortuaire est différent d’une simple housse mortuaire car grâce à son matériau absorbant les liquides et décontaminant à la fois les agents pathogènes et les produits chimiques toxiques, il n’engendre aucune contamination croisée lorsqu’un corps y est déposé.
Conclusion
Le sac d’extraction, par sa disponibilité sur le terrain permet de promulguer les premiers soins à des victimes gravement blessées et contaminées et de les transporter sans risque de contamination croisée au point d’accueil le plus adapté. La bulle de transport, de conception plus complexe permettra elle aussi de donner les soins indispensables aux victimes et de les transporter dans des conditions optimales bien qu’elles soient chimiquement ou microbiologiquement contaminées.
Quant au sac mortuaire il protège le milieu extérieur, matériaux ou soignants des produits nocifs pouvant être transportés par un cadavre.
Bibliographie
Mémoire pour l’obtention du Diplôme Universitaire « Sciences et Technologies Santé publique et Sciences sociales Risques sanitaires Radionucléaires, Biologiques, Chimiques et Explosifs » Option «C» DÉVELOPPEMENT ET ÉVALUATION D’UN SAC D’EXTRACTION DE VICTIME CHIMIQUEMENT CONTAMINÉE Préparé et Présenté par : Carole DOUGNAC (24 juin 2019).